3 : À l'ombre de la vérité

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"...Car chacun portera son propre fardeau."

- Galates 6:5 (Louis Segond)

Une fois l'auscultation de Bérénice terminée et que le médecin s'était retiré de la pièce pour la laisser se reposer, Ivan et Abi demandèrent à lui parler seuls ; sans Gloria et sans Hughes, qui devaient patienter dans une salle d'attente.

- Ma chérie, je sais combien ça peut être difficile pour toi de parler de ce genre de choses, lui dit Abi d'une voix compatissante, mais il faut que tu nous raconte ce qu'il s'est vraiment passé.

En robe d'hopital, encore plus pâle que tout à l'heure, Bérénice renifla et eut le souffle saccadé.

- Ce n'était pas un hispanique, c'est ça ? Demanda Ivan.

Bérénice secoua doucement la tête.

- Non. J'ai dit ça juste parce que maman déteste les hispaniques.

Elle regarda les policiers d'un air honteux.

- Je ne savais pas qu'elle rentrerait beaucoup plus tôt aujourd'hui, j'ai paniqué...

- C'est quelqu'un que tu connais ?

Bérénice hocha la tête.

- C'est Hughes.

Abi regarda longuement Ivan, avant de se retourner vers son interlocutrice.

- Bérénice, je t'en prie, dis-nous la vérité.

- Je vous promets que c'est vrai.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ?

Bérénice prit une grande inspiration.

- Ça fera bientôt un an que maman et Hughes se fréquentent. Je sais qu'elle l'adore, même si elle fait semblant. Elle est de la vieille école, vous comprenez. Il la rend heureuse. Tout se passait très bien, Hughes était gentil... Jusqu'à ce que je remarque certains gestes, certains clins d'œil, certains regards à mon endroit. J'ai commencé à trouver cela étrange, mais je me suis dit qu'en fin de compte, il faisait peut-être ça pour être gentil.

Elle prit une pause, le temps pour elle d'essuyer les larmes qui coulaient sur sa joue du dos de la main.

- Avant-hier, il est passé à la maison en l'absence de maman alors qu'il savait qu'il n'avait pas le droit. Il a commencé par faire semblant de ne pas savoir qu'elle n'était pas là, ensuite il est venu près de moi. Je faisais mes devoirs, dans le salon. On s'est mis à discuter calmement, et, au bout d'un moment...

Bérénice prit son visage entre ses mains. Elle pleurait.

- Excusez-moi, sanglota-t-elle.

- Sens-toi à l'aise, ma chérie.

Bérénice hocha la tête et Ivan fronça les sourcils.

- Que fait-il dans la vie ? Il a quand-même beaucoup de temps libre, en pleine semaine.

- Il fait du télétravail, mais je ne sais plus exactement dans quel domaine. Architecture, je pense.

La pauvre enfant, plus rouge que jamais, prit à nouveau une grande inspiration.

- Je disais... Qu'au bout d'un moment, il s'est mis à me toucher.

- Où ?

- Partout. Vraiment partout. J'étais tétanisée. Ça ne m'était jamais arrivé. Et, vous savez, quand j'ai peur ou quand je suis sous le coup d'une forte émotion, je deviens comme paralysée... Je n'ai rien pu faire... Et quand il a fini, il a fait comme si rien ne s'était passé, il m'a remis mes notes dans les mains, et il est parti. Je me suis sentie souillée et j'ai pris un couteau de cuisine. Je voulais en finir, vous comprenez. Je me sentais tellement bête ! Mais je suis autant lâche que je suis peureuse, et je n'ai pas pu le faire. Je n'ai réussi qu'à me faire de petites entailles, et la vue de mon propre sang me calmait un peu. Je me suis dit que, peut-être, c'était un bon début.

LowellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant