Chère Alysson,
Avant que tu ne lises la suite, j'ai besoin que tu sache quelque chose, une vérité qui m'est impossible de nier : je t'aime. Depuis ce jour où on s'est rencontrés, à la maternelle, encore maintenant et sûrement à jamais. Tu es la seule qui ait réellement compté pour moi.
Cependant, je m'en vais. Loin de toi, pour mon plus grand malheur. Je n'ai pas le choix, et j'espère pouvoir un jour revenir pour tout t'expliquer. Sache que je ferais tout mon possible pour te revoir. Mais je ne peux pas te dire adieu en face. Ce serait beaucoup trop dur, et je risque de revenir sur ma décision. Je ne peux pas me le permettre.
Mon train part dans dix minutes, mais je ne te dirai pas ou. Il ne faut pas que tu essayes de me chercher mais, je t'en prie, ne m'oublie pas non plus. Même si mon cœur se brise à cette idée, je comprendrai parfaitement que tu refasses ta vie avec un autre homme. Sois heureuse, et ne pleure pas mon départ. Je reviendrai, pour toi.
Alex.
La jeune femme ne put s'empêcher de froisser et défroisser une énième fois la lettre, les yeux perdus dans le vide. Elle relit encore une fois ce simple bout de papier, mais toute tristesse s'était évaporée. Cela faisait maintenant cinq ans, et de l'eau avait coulé sous les ponts. Cela faisait même exactement cinq ans, jour pour jour. C'est pour cela qu'elle avait ressorti la lettre, seul souvenir de l'homme qu'elle avait aimé et qui l'avait abandonnée. Une voix derrière elle la fit sursauter :
- Chérie ? Qu'est-ce que tu fais ?
Alysson se mordit la lèvre, mais ne bougea pas. Elle songea un instant à cacher le bout de papier froissé, mais elle ne le fit pas. Une seconde plus tard, Christopher était à ses côtés. En un instant, il analysa la situation et compris ce qu'elle tenait à la main. La tristesse se peint sur son visage.
- Ho Aly, dit-il doucement. Tu te fais du mal inutilement, tu sais ?
La femme releva la tête et observa son époux. Si aucune jalousie n'apparaissait, on pouvait voir de la tristesse, de l'amertume, et un grain de déception dans son regard. Il posa une main douce sur son épaule dans un geste réconfortant, et Alysson esquissa un faible sourire.
- Je sais, mentit-elle sans grande conviction. Je... Je viens de tomber là-dessus par hasard.
- Je ne te blâme pas. Je comprends ce que tu peux ressentir. Je me rappellerai toujours dans quel état je t'ai trouvée, peu après son départ. Il est normal que tu ne l'ait pas oublié.
La femme acquiesça sans rien y répondre. Son mari était si gentil ! Que pouvait elle répondre à ça ? Voyant qu'elle ne disait rien, Christopher enchaina :
- Il est normal que tu ne l'ait pas oublié, mais tu dois arrêter d'y penser. Je ne pense pas qu'il reviendra, et même si c'était le cas... tu as refait ta vie, non ?
Elle le dévisagea, observant ses cheveux bruns, ses yeux verts qu'elle aimait tant, son beau visage amical... Elle secoua la tête.
- Oui. Maintenant, je t'ai toi.
- Bien. Alors tu devrais aller bruler cette lettre. Si tu la gardes, tu ne pourras t'empêcher d'y repenser, encore et encore.
- Tu as raison. Je... je vais le faire.
Compatissant, il acquiesça et, comprenant qu'elle avait besoin d'être seule pour faire le deuil de son passé, il lui pressa une dernière fois l'épaule et se retira. Aly se retrouva seule devant ce simple bout de papier. Il lui rappelait tant de souvenir. Alex et elle, enfant, courant tout les deux dans les prés. Alex, la soutenant quand elle arriva au collège et se brisa une cheville. Alex et elle, échangeant leur premier baiser devant les portes du lycée, sous la neige. Quand ils firent l'amour pour la première fois, peu de temps après. Alex, adulte, insultant son patron pour l'avoir virée, elle. Leur appartement, au bord de la rivière, où ils étaient si bien. Et enfin le départ subit d'Alex. Elle n'avait rien vu venir. Il était là et, le jour d'après, il l'avait abandonnée. Lui laissant seulement une lettre pour lui rappeler ces quinze ans passés ensemble. La laissant seule, le cœur brisé, à moitié morte, privée de sa moitié.
D'un geste rageur, Alysson ouvrit un tiroir et en sortit un paquet d'allumettes. Elle en craqua rapidement une et approcha la flamme du papier. Tandis que le feu dévorait le bâtonnet de bois, elle s'immobilisa. Elle ne pouvait pas faire ça, se rendit-elle subitement compte. Elle n'y arriverait pas. Elle ne pouvait pas faire une croix ainsi sur son passé. Le feu lui brula soudainement les doigts et elle l'éteignit d'un souffle, les larmes aux yeux et les doigts rougis. Elle n'était pas aussi forte qu'elle le croyait. Lentement, elle rangea la lettre au fond de son tiroir et se leva. Elle était dans sa chambre, assise à son bureau, sur lequel reposaient des dizaines et des dizaines de feuilles, sans aucun ordre précis. Sa chambre était aussi désordonnée, avec son lit double défait et tout un tas d'affaires trainant à terre.
Elle aperçut son reflet dans le miroir et se mordit la lèvre. Ses longs cheveux bruns tombaient en cascade sur ses épaules fines, et ses yeux verts reflétaient son trouble intérieur.
Elle enjamba quelques cartons et se retrouva à la porte. Elle sortis de la chambre et marcha rapidement dans le couloir de leur modeste appartement. En centre-ville, loin de la rivière et de son passé. Elle se mordit la lèvre. Christopher était dans la cuisine, occupé à couper des tomates pour le diner.- Je vais faire un tour, le prévint-elle en passant devant lui.
Sans lui laisser le temps de la retenir, elle sortit sous le soleil éclatant de l'été. Elle ferma soigneusement la porte derrière elle et marcha le long du trottoir, sans destination précise. Au bout d'une dizaine de minutes, son portable vibra dans sa poche, contre sa cuisse. Elle le sortit et sourit en voyant le nom de sa meilleure amie, Julie. Elle décrocha aussitôt, et la voix pétillante de son amie résonna à ses oreilles :
- Aly ! C'est Ju. Comment ça va ?
- Je vais bien. Et toi ?
- Ça va. Écoute, je sais quel jour on est aujourd'hui, et je pense que ça doit pas être facile pour toi. Si tu veux, on peut discuter, se voir, faire la fête ce soir... Sauf si tu préfères rester seule, bien entendu.
- Je ne sais pas trop... Je m'en veux tellement de penser à lui, alors que j'ai Christopher...
- Aly ! C'est normal, d'accord ? Il a été ton premier ami, ton premier amour, ta première fois, le premier homme qui a partagé ta vie... Ne pas penser à lui serait complètement dingue ! Et Christopher, gentil comme il l'est, dois comprendre ça.
- Si tu le dis. Écoute je... je te rappelle plus tard, ok ?
Sans attendre, elle raccrocha, observant le lieu où ses pas l'avaient portés. Elle était devant le parc près de la rivière, l'endroit où elle et Alex préféraient se retrouver. Elle poussa doucement la grille et entra. Elle se laissa tomber sur un banc face à la rivière, les yeux dans le vide. Le parc était presque désert, étant déjà dix-neuf heures. Un couple se baladait à l'autre bout, et un homme seul était agenouillé au bord de la rivière. Elle frissonna, ne sachant pas réellement pourquoi s'arrêter là. Alors qu'elle s'apprêtait à se relever, l'homme près de l'eau se leva et vint dans sa direction. Une fois à quelques mètres, son visage s'éclaira, et Alysson le reconnut immédiatement. L'homme s'exclama :
- Aly ? C'est bien toi ?
- Alex ? gémit l'interpellée, entre la stupéfaction, la tristesse et la colère.
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Le Voyage d'Alysson
ParanormalAlysson est une femme de vingt-cinq ans, mariée et épanouie. Toute sa vie bascule quand elle croise celui qui qui a partagé sa vie pendant quinze ans, avant de l'abandonner sans raison, Alex. Il l'emmène de force avec lui, déclarant qu'il a découver...