Chapitre 16 : Monstre

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Je courus jusqu'à l'entrée du parc, et sortis dans la rue, haletante. Je m'assis sur un banc, un peu plus loin et pris une grande bouffée d'air.
Je réfléchis à ce que je venais de faire. J'étais idiote. M'enfuir comme ça, au moindre petit problème.

Mais la présence de Louis m'étouffait, m'étranglait. J'avais l'impression d'être de trop, de ne pas avoir ma place là-bas. C'était une sorte de climat lourd. Vraiment pesant. Comme si je n'étais rien.

Je me levai et me dirigeai en direction de chez moi. Je marchai d'un pas lent, plongée dans une sorte de léthargie, une léthargie qui s'empare de moi lorsque mon cerveau n'est plus capable de réfléchir. Lorsque je fais une overdose d'émotions. Ce sentiment d'engourdissement, de lassitude m'arrive de plus en plus souvent, ces temps ci. Tout me semble, terne, gris, dépourvu du moindre piquant,
ces piquants qui constituent la vie.
Les passants me paraissent glacés et faits de métal. Ils marchent tous à contre sens. Ou peut être est-ce moi, qui vais à contre sens. Je me sens seule.
Quelqu'un me bouscule. Je ne réagis même pas, épuisée de lever la tête. J'ai simplement envie de rentrer chez moi.

-Eh Nymphéa ! Attends !

Je m'arrête, même pas surprise de voir Hélène s'arrêter devant moi, un peu essoufflée.

-Ça va ? S'enquit-elle d'une voix inquiète.
Je devais vraiment avoir l'air d'un zombie.
-Oui, tout vas bien assurai-je.
Elle me regarda un instant dans les yeux, et cela me fit l'effet d'une piqûre. Je me réveillai, de retour dans la réalité.
-Tu sais.. Noah ne sort plus depuis des jours. Il reste cloitré dans sa chambre et je ne peux pas y entrer, il m'en empêche. Mais peut être que toi, tu pourrais lui parler..?

Ses paroles me firent mal. Mal parce qu'au fond, Noah n'était victime que de sa dépression. Même s'il est peut être lié à l'accident de Mia, ce n'était pas vraiment lui, c'était sa maladie, son bourreau qui parlait pour lui.

-Oui, bien-sûr. Je vais passer en rentrant d'accord ?
-Merci Nymphéa, vraiment. Elle prit ma main entre ses paumes chaudes, reconnaissante. Je dois aider une amie pour son déménagement, je ne rentrerai que tard ce soir mais...
Elle fouilla dans son sac et me tendit une paire de clés.
Tu pourras ouvrir avec ça, continua-t-elle.
-Ça marche, compte sur moi. À plus tard Hélène.
Elle hocha de la tête en souriant, et repartit.

Je me sentais plus légère, ce qui était plutôt paradoxal puisque la visite que j'allai rendre à Noah s'annonçait tendue. Mais j'avais perdu ce sentiment de désœuvrement. Mon ami comptait certainement sur moi, et j'avais quelque chose à faire. En quelque sorte ce poids que mettaient les gens sur mes épaules m'aidait à garder l'équilibre sur le fil de la vie. Sans ça, je tombe dans le gouffre. Et je me rends compte avec peur que c'est malsain. C'est malsain d'avoir besoin que les gens se reposent sur vous pour avancer.

Arrivée devant l'appartement je toque, à tout hasard. Comme je m'y attendais, personne ne vînt, alors j'ouvre et entre dans l'appartement silencieux. Silencieux à part ces bruits de sanglots au fond.
J'accélère le pas, inquiète, et m'arrête une seconde devant la porte de Noah. Je colle une oreille, espérant mieux entendre et perçois mon ami pleurer doucement, comme s'il était fatigué de pleurer, comme si ses yeux étaient asséchés et sa gorge irritée.
Alors je toque à la porte.
Pas de réponse, Noah s'est tu.

-Noah c'est moi, dis-je par la serrure. C'est Nymphéa.
Je n'entends rien, mais je sens qu'il s'est arrêté de bouger.

-Tu veux bien m'ouvrir ? Je me surprenais de ma douceur, douceur que je ne m'accordais jamais.

Toujours rien.

-Je t'en prie, Noah. Je ne t'en veux pas. Je veux juste parler..
-Non.

Sa voix était brisée, son ton sans appel. Mais cette réponse alluma une bougie d'espoir en moi.

-On peut parler à travers la porte si tu veux ?

J'entendis des pas, et la porte s'ouvrit. Noah se tenait devant moi, son visage ravagé par les larmes.
Nous nous fixâmes quelques secondes avant que je le prenne dans mes bras, doucement.

Il pleura, tandis que je nous conduisais dans sa chambre. Il sanglota longtemps avant qu'il ne décide de relever la tête, en évitant de me regarder dans les yeux.

-Si tu savais comme je suis désolé. Je suis un monstre. Je ne mérite pas de vivre, Nymphéa murmura t-il.
-Si, tu mérite de vivre. Tu es mon ami assurai-je en mettant ma main sur la sienne.
-Pas après ce que j'ai fait. Il me regarda droit dans les yeux, mortifié.
-Qu'as tu fait Noah ?
-Je... ne peux pas .. Il bégaya, et ses yeux se plissèrent avec douleur.

Je le repris dans mes bras, en me demandant si j'étais vraiment sûre de vouloir apprendre la vérité. Pourtant, il fallait que je sache. Il se remit à pleurer, et je sentais sa douleur me traverser aussi. Ça m'arrive tout le temps. Je ressens les émotions des autres avec autant d'intensité que si c'était les miennes. Et c'est épouvantable.

-Calme-toi Noah.. Ça va aller.

Il se dégagea brusquement.

-Non ça va pas aller ! Ça ne va pas, rien de va !

Puis il se referma sur lui même en sanglotant.

-Je suis un monstre.
-Tu n'es pas un monstre Noah. Dis moi ce qui c'est passé.

Quelques secondes passèrent, puis il prit une grande inspiration saccadée et commença avec difficulté.

-Quand mes parents ont... ont divorcé, je haïssais les Telbac. J'avais envie de...de les détruire à leur tour et j'ai.. j'ai payé quelqu'un... Pour..

Il éclata en larmes.

Pour .. tuer Mia Telbac...parce que c'était la... Cible la plus facile à atteindre...

Il se griffa et se frappa le visage avec une violence qui m'étais inconnue. Je lui pris les mains pour l'empêcher de continuer.

-Alors j'ai attendu à la sortie de l'école, pour ... Être sûr que ça marcherait... Et puis, la voiture est arrivée et a renversée Mia. Et je ... Je l'ai regardée ...

Les larmes lui coulaient à flot, et sa voix était brisée, tendis que peu à peu l'horreur me gagnait.

-Je l'ai regardée... Et j'aurai pu appeler une ambulance ou les pompiers mais j'ai ... simplement regardé la vie la quitter peu à peu, jusqu'à ce que les urgences arrivent.. Je pensais qu'elle était morte .. à ce moment là.

J'étais incapable de dire un seul mot. Et pourtant il le fallait.

-Elle est plus vivante que jamais.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 21, 2018 ⏰

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