Chapitre 10

204 8 2
                                    


Zelda n'a pas dormi cette nuit-là, trop stressée par la journée qui l'attend, ou du moins, par la soirée qui l'attend. Quand elle y pense, elle a les mains moites, elle a l'impression de transpirer, d'avoir chaud. Elle ne l'a pas vue depuis plus d'une semaine, elles se sont juste appelées pendant la semaine, elles voulaient se voir, en profiter que Zelda n'ait pas Logan, mais c'est comme si Sandy, elle avait peur, elle repoussait toujours, toujours jusqu'à ce que Zelda hausse le ton et adjuge que leur rendez-vous serait le jeudi. Elle a besoin de la voir, de la sentir, elle n'en peut plus de la savoir près d'elle et aussi inaccessible par les nombreuses excuses que lui sort Sandy.

...

Sandy, elle est morte de trouille à l'idée d'une naissance de sentiment pour Zelda. Elle n'est jamais tombée amoureuse d'une fille et surtout, elle ne s'est jamais vue ressentir des choses pour une fille, les mêmes choses qu'elle ressentait pour son mari. Elle a l'impression de le trahir alors qu'elle sait qu'elle doit avancer, qu'il ne reviendra jamais. Mais elle a du mal à se le prouver. Ça la blesse toujours de ne pas le voir rentrer de sa journée de travail. Trois ans, ça fait trois ans qu'il est parti et elle n'arrive toujours pas à passer à autre chose. Quand elle y pense, elle est jeune, elle a le droit à la vie elle aussi. Elle se demande si elle va se laisser pourrir comme ça jusqu'à sa mort. Elle se demande pourquoi elle a lutté pendant trois ans pour ne pas aller de l'avant quand elle a à nouveau des sentiments pour quelqu'un. Elle en vient même à penser que Jeremy serait heureux de la voir aller mieux. Zelda lui donne envie de vivre, elle a envie d'arrêter de la fuir, car à chaque fois, c'est elle qui part, c'est elle qui ne fait pas face à ce qu'elle ressent. Elle ne veut pas paraître faible face à Zelda. En quoi pleurer pour la mort de celui qu'on aime est une faiblesse ? C'est simplement de l'amour. En quoi être amoureuse est honteux ? Elle se pose beaucoup de questions, des questions qui l'empêchent d'aller voir Zelda, de faire face à elle et à ses sentiments pour la blonde. Elle s'empêche d'être heureuse après tout. Pourtant, elle en a marre de voir tous ces gens autour d'elle qui sont heureux alors qu'elle, le bonheur, elle n'y a plus le droit. Assise sur un banc du Hyde Park, elle est seule et regarde autour d'elle. Elle voit la joie sur le visage de gens qui passent devant elle. Elle les dévisage, elle se demande, même, pourquoi il n'y en a pas eu qui se soit arrêté pour lui demander si elle avait un problème. Ils sourient pour la plupart, elle devine que ceux qui font la gueule sont ceux qui vont travailler. Elle, elle ne travaille plus, elle n'a plus son activité professionnelle alors elle est au chômage. Elle sait qu'un jour, il faudra qu'elle reprenne, qu'elle travaille à nouveau, mais elle n'en a pas envie pour le moment et elle ne veut pas se presser. Elle en a marre de se savoir dans cet état d'esprit contrairement à ceux qu'elle croise, elle se lève de son banc et marche. Elle marche longtemps, s'arrête à un fleuriste et vient déposer des fleurs sur la tombe de son mari. Elle fait son travail là, elle enlève les feuilles qui sont tombées dessus, avec un mouchoir, elle nettoie la plaque où il est indiqué le nom de Jeremy Wesson ainsi que les dates qui ouvrent et ferment, sa vie. Trente ans. Il a vécu trente ans, comme elle. Ils avaient le même âge, ils se sont rencontrés pendant des vacances d'été et ils étaient dans la même faculté. Alors que tout le monde pensait à une amourette d'école, ils étaient toujours ensemble quatorze ans plus tard, ils venaient de se marier quelques mois avant. Ils suivaient la tradition, le mariage avant d'avoir un enfant. Ils s'étaient mariés, car elle voulait un enfant, elle se sentait prête à en accueillir un à la maison, le leur, le fruit de leur amour, mais ils n'ont pas eu le temps. Des difficultés de conceptions qui ont retardé une grossesse et la mort qui a frappé son mari. Parler à un mort dans un cimetière semble normal. Elle s'est assise sur l'herbe à côté de la tombe de son mari. Elle n'a pas peur des jugements de ceux qui passeront devant elle, eux aussi seront triste alors ils partagent la même douleur. Elle lui parle, de tout et de rien, elle évite le sujet Zelda même si ça lui brûle les lèvres. Elle attend un peu puis ses yeux commencent à se mouiller.

Danser dans le noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant