9 h 34.
Louis détourne son regard de l'horloge. Voilà. Cela fait exactement douze heures qu'il est devenu roi de France.
Bien sûr, son père n'a pas encore été mis en terre, et la cérémonie du couronnement n'a pas eu lieu. Mais cela ne change rien. Il est devenu Louis XX au moment précis où son père s'est effondré. À la seconde où le cœur de François IV s'est arrêté.
Louis savait qu'il accéderait au pouvoir un jour, évidemment. Depuis qu'il est né, cela a toujours été son destin. Mais il n'imaginait pas que cela se produirait si tôt. Il pensait avoir encore une trentaine d'années devant lui.
Mon père n'avait que 53 ans !
Lui n'en a que 25. Jusqu'à hier soir, il se considérait comme un adulte, mais devant le poids des responsabilités qui viennent de lui tomber sur les épaules, il se sent comme un enfant. C'est désormais de lui, et de lui seul, que dépend l'avenir de la France. Et il n'est pas prêt à assumer cela. Son père n'a pas eu le temps de le former. De la royauté, il ne connaît que le côté clinquant, les honneurs et les fêtes, et non le fardeau qui y est associé.
J'apprendrai. Il le faudra bien.
Mais il a peur. Il est terrorisé à l'idée d'échouer, de ne pas se montrer à la hauteur de son père. François IV était un grand roi, tous s'accordent à le dire. Son règne ne durait pourtant que depuis six ans.
Il a eu le temps d'apprendre à gouverner auprès de son père, lui...
Cependant, ce n'est pas seulement de se montrer indigne de François IV que Louis a peur. Il craint également de devenir comme lui. Un homme entièrement dévoué à son pays, mû uniquement par le sens du devoir. Quitte à porter un bloc de pierre à la place du cœur.
Louis, lui, s'est toujours promis qu'il parviendrait à concilier son bonheur avec ses responsabilités. Il s'est juré que la couronne ne le changerait pas. Que l'Histoire se souviendrait de lui non seulement comme d'un bon roi, mais aussi comme d'un homme comblé.
Et maintenant, propulsé au pouvoir, il se demande s'il pourra remplir ne serait-ce que l'un de ces deux objectifs.
Une bouffée de colère l'envahit. Pourquoi fallait-il que son père meure si tôt ? Pourquoi, alors que les médecins royaux sont triés sur le volet, alors que l'espérance de vie des chefs d'État est supérieure de dix ans à celle du reste de la population, alors que diététiciens, coachs sportifs et infirmiers veillaient quotidiennement à la santé de François IV, ce dernier a-t-il succombé à une vulgaire crise cardiaque ?
— Il est mort avant d'avoir touché le sol, Votre Majesté. Il n'a pas souffert. Nul n'aurait pu faire quoi que ce soit pour le sauver.
Voilà ce qu'ils lui ont dit. Voilà comment est mort ce si grand roi : en un instant, frappé par le destin.
Et c'est à Louis d'en supporter les conséquences désormais.
Il jette un nouveau regard à l'horloge. 9 h 43. Il soupire et se lève. Il a convoqué une séance extraordinaire du Conseil d'État pour 10 heures. Il serait de bien mauvais augure pour la suite de son règne de s'y présenter en retard.
Et dire que Père me trouvait encore trop jeune pour m'y faire admettre...
Il ignore s'il conservera les six membres du Conseil de François IV. Pour l'instant, en tout cas, ils représentent sa bouée de sauvetage. Il n'y a qu'à eux qu'il peut se raccrocher : c'est sur eux que le défunt roi s'appuyait pour gouverner.
Pierre de Chantilly, d'abord, son principal ministre, qui était entré au Conseil sous Louis XIX ; Anne de Mortemart, chancelière, chargée de la coordination de la justice royale ; Valérie de Noailles, surintendante des finances ; Marc Sallemont, le seul du lot à être né roturier, entrepreneur de génie et fondateur de Réseau Royal ; le cardinal d'Avignon, caution papale du gouvernement français ; et enfin, Jean de Berry, le frère cadet de François IV, qui l'épaulait particulièrement sur les relations internationales.
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Réseau Royal [Sous contrat d'édition]
Ficção GeralVersailles, de nos jours. La Révolution française n'a jamais eu lieu. Quand Louis XX accède brutalement au pouvoir à l'âge de 25 ans, il doit composer avec la montée en puissance de Réseau Royal, le réseau social de la monarchie. Son premier décret...