2.4 - Catarina

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Un flash.

Catarina vient de capter l'image des appartements qui lui ont été attribués à Versailles. Elle a pris soin de choisir un angle qui les flatte, et elle ajoute sur la photo un filtre qui les rend encore plus lumineux : elle veut qu'ils apparaissent aussi attrayants que possible.

Elle poste ensuite l'image sur la version espagnole de Réseau Royal avec cette légende :


[Très heureuse de l'accueil réservé à @AlbaMendozaYDeBorbón et moi par la France. L'amitié entre nos deux royaumes est toujours vive et prospère.]


Cela faisait trois jours qu'elle n'avait pas alimenté son profil : elle se devait de le faire, même si elle préfère généralement rester discrète en ligne. Elle conforte ainsi le peuple espagnol – et les observateurs français – dans l'idée que son voyage à Versailles est tout ce qu'il y a de plus normal.

Elle a pleinement intégré Réseau Royal à sa stratégie, et est parfaitement consciente du pouvoir de cet outil.

Ce qui n'est pas le cas de tous les grands d'Europe...

Elle s'apprête à passer dans la chambre d'Alba pour lui proposer de se rendre dans la galerie des Glaces afin de se mêler aux courtisans français, quand Julie entre dans la pièce, s'incline, et lui annonce :

— Votre Altesse royale, le duc de Gerona demande une audience avec vous.

Le visage de Catarina se durcit. Elle attendait cette visite un jour ou l'autre : Gerona est l'ambassadeur d'Espagne en France. Elle se doit de le recevoir.

Et il était temps qu'il vienne.

La discussion qui s'annonce sera une bataille, mais l'infante pense être en mesure de la gagner. Aussi répond-elle :

— Faites-le entrer.

Quelques instants plus tard, le duc est introduit en sa présence. Il la trouve assise dans un fauteuil de son salon comme s'il s'agissait d'un trône. Son regard est déterminé et sa posture, maîtrisée. Elle le fixe jusqu'à ce qu'il plie et s'incline devant elle en la saluant :

— Votre Altesse royale...

— Je suppose que vous venez m'annoncer la livraison de robes de cour pour ma cousine et pour moi-même ?

L'ambassadeur hésite.

Tu étais porteur d'ordres du régent et tu ne t'attendais pas à ce que je te tienne tête, n'est-ce pas ?

Seules deux robes de deuil m'ont été confiées, pour l'enterrement de François IV, Votre Altesse royale. On m'a également chargé de vous informer que votre retour en Espagne est fixé au lendemain de la cérémonie.

— Vous répondrez à ceux qui vous ont indiqué cela qu'ils se trompent. J'ai l'intention de rester en France bien plus longtemps. Vous mettrez donc tout en œuvre pour que je puisse tenir convenablement mon rang à Versailles, et vous me soutiendrez en toutes circonstances.

— Mes ordres viennent du régent, Votre Altesse royale.

— Je suis la princesse des Asturies, l'héritière du trône. J'ai la préséance sur lui par le sang, et j'ai atteint ma majorité. Je ne reçois pas d'ordres de sa part. Vous agirez ainsi que je vous l'ai signifié.

— Cependant, Votre Altesse royale, c'est le régent qui est légalement chargé de la conduite de l'État jusqu'aux 18 ans du roi Felipe. Libre à vous de rester en France ; libre à lui de vous faire bénéficier ou non des ressources de l'Espagne.

Réseau Royal [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant