Réseau Royal [Sous contrat d'édition]

1.2 - Catarina

— Il n'y a personne derrière nous, Rina. Les hommes d'Alfonso ne nous suivent pas. Nous allons y arriver !

Catarina tend la main vers celle d'Alba, sa cousine, et la presse entre ses doigts. Elle tremble de tous ses membres, habitée par la peur. Elle aimerait que la limousine dans laquelle elles se trouvent accélère, que l'aéroport soit moins éloigné, que le temps passe plus vite. Elle ne pourra se détendre que lorsqu'elle aura rejoint la France. D'ici là, tout peut arriver dans sa fuite.

Elle jette un regard inquiet vers le chauffeur de sa voiture. Et s'il décidait de s'arrêter ? D'appeler Alfonso ? De les reconduire au palais ? Tout serait fini alors.

Alba comprend l'angoisse de sa cousine et la rassure :

— Miguel est sûr. Il ne nous trahira pas.

Catarina aimerait en être convaincue. Mais elle ne fait plus confiance à personne. Et encore moins depuis cette nuit...

— J'ai peur pour Felipe... soupire-t-elle.

— Je sais. Mais il sera plus en sécurité si tu restes loin de lui. Hors d'atteinte d'Alfonso. La France est ta meilleure option.

— La mort de François IV...

— ... ne doit rien changer à tes plans. Au contraire, un peu d'instabilité politique à Versailles te sera profitable.

Catarina hoche la tête. Elle sait tout cela. Alba ne fait que lui répéter les arguments qu'elle a elle-même énoncés quelques heures plus tôt, lorsqu'elle s'est traînée dans la chambre de sa cousine pour lui demander de prendre la fuite avec elle. Mais ses convictions rationnelles ne suffisent pas à chasser l'angoisse qui a envahi ses veines.

— Nous arriverons à l'aéroport dans cinq minutes, annonce Alba. Il va falloir jouer serré.

Catarina respire profondément. Elle doit chasser son anxiété et convoquer toute l'autorité dont elle est capable, aller chercher au fond d'elle l'élégance souveraine qu'on lui a enseignée depuis sa plus tendre enfance. En quelques minutes, elle se compose un masque impassible et déterminé.

Elle n'est plus Rina, cette jeune femme effrayée qui n'a plus d'autre solution pour survivre que de fuir son pays et sa famille.

Elle est Catarina de Borbón y de Glücksborg, infante d'Espagne, princesse des Asturies, de Gérone et de Viane, duchesse de Montblanc, comtesse de Cerbère et dame de Balaguer, fille du feu roi Fernando VIII et sœur du roi Felipe VII.

Et c'est d'un pas majestueux qu'elle descend de la limousine qui l'a emmenée à l'aéroport de Madrid.

Nul ne l'attend là-bas : sa visite n'a pas été annoncée. Aucun tapis rouge n'est déployé sous ses pas, aucune horde d'employés ne se précipite pour prendre ses bagages dans le coffre de la voiture. Aucune unité d'agents de sécurité n'est détachée pour sa protection. Elle balaie du regard le parking VIP, inquiète. Elle est ici à découvert. Alba a eu beau lui assurer qu'elles n'ont pas été suivies depuis le palais royal, elle n'est pas tranquille.

Sa cousine lui fait signe de se dépêcher de rejoindre le hall de l'aéroport. Mais Catarina lui enjoint, au contraire, de ne pas se presser. Elle sort son téléphone et annonce :

— Viens, on va faire un selfie.

Alba hausse les sourcils.

— Tu es folle ? Nous ne devons pas perdre de temps !

— Ce ne sera pas inutile. Je te promets que je sais ce que je fais.

Alba rejoint Catarina sans protester davantage.