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-Thea ? Je suis rentrée !

-Je suis là ! répondit la voix de la petite, et Juliette entra dans le salon avant de croiser les bras.

-Qu'est-ce que tu fais devant la télé ? Tu as terminé tes devoirs ?

-La maîtresse nous a dit de regarder cette chaîne, Thea haussa les épaules.

Juliette hocha la tête avant d'enlever sa veste de chez Globus, le supermarché dans lequel elle travaillait depuis presque dix ans maintenant. C'était toujours la même routine ennuyeuse, mais ça lui permettait de payer les factures, et surtout, ça lui faisait un bon alibi, même si elle disparaissait du magasin pendant son service et devait sans cesse trouver une excuse.

-Oh, ouais, c'était ta nouvelle maîtresse, aujourd'hui, se souvint-elle. Comment elle est ?

-Trop sympa ! répondit la petite, concentrée sur la télé, et Juliette hocha la tête. C'était une bonne nouvelle.

-Tu as fait tous tes devoirs avant d'allumer la télé ? elle insista, mais Thea ne répondit pas.

Décidément, ce qu'elle regardait devait être sacrément passionnant, puisqu'elle ne prenait même plus la peine de répondre à sa mère, chose qu'elle ne faisait jamais habituellement, quand elle regardait des matchs de foot-la seule chose qu'elle regardait-. Elle se débarrassa de ses affaires avant d'entrer dans le salon et de froncer les sourcils en voyant la chaîne que sa fille regardait.

Leur logo rouge et bleu était presque en train de la narguer en haut de l'écran, et elle dût se faire victime pour ne pas se jeter sur la télécommande et éteindre la télé. Thea ne devait rien savoir, au risque de griller sa couverture.

Le problème, c'est qu'elle regardait la chaîne de l'ennemi.

-La maîtresse vous a dit de regarder cette chaîne ? elle demanda d'un air qui se voulait nonchalant.

-Oui, elle dit qu'on va apprendre plein de choses en regardant. Pourquoi ?

-Pour rien, Juliette secoua la tête. Elle a certainement raison. Qu'est-ce que tu veux manger, ce soir ?

-Des pâtes au pesto ? proposa Thea, et sa mère hocha la tête avant de foncer dans la cuisine et de se mettre au fourneau.

Évidemment, il fallait vraiment qu'elle prépare à manger, mais c'était surtout une excuse pour pouvoir s'éloigner de sa fille et réfléchir tranquillement à ce qui se passait.

Parce que c'était un cas de crise majeur. Sur une échelle de un à dix, elle situait la situation à environ neuf. L'ennemi venait clairement de lui déclencher la guerre. Et elle n'avait aucune idée de ce qu'elle devait faire pour contrer les meanies, comme ils les appelaient dans le milieu. Ils passaient leur temps à tenter de mettre le bazar dans la ville, ça n'était rien de nouveau. Mais là, ils atteignaient un tout autre niveau. Et elle refusait de s'avouer vaincu.

Et même si elle détestait y penser, elle savait qu'elle n'avait plus qu'une chose à faire.

💫

Minuit, sur le toit de l'immeuble.

Minuit deux, en vérité, remarqua Juliette en regardant sa montre. Il était en retard de deux minutes. Sur une échelle de un à dix, son énervement était de cinquante-trois. Et il n'était même pas encore arrivé.

-Derrière-toi.

Juliette soupira avant de se retourner.

-Tu trouves ça drôle ?

-Assez, oui, Marco sourit, et Juliette leva les yeux au ciel.

Elle détestait ce mec. Elle détestait cette situation.

Il y avait un superhéros dans chaque grande ville du monde. Un seul superhéros, qui aidait les citoyens et contrait les coups des meanies.

Pourquoi avait-il fallu qu'elle se retrouve superhéroïne de la seule ville qui comptait deux superhéros au lieu d'un seul ?

Ce n'était même pas une histoire de superficie, simplement une histoire de stupide de stagiaire qui avait fait une erreur il y a trois générations. Les grands-pères de Marco et de Juliette avaient dû sauver la ville ensemble. Les mères de Marco et de Juliette avaient dû sauver la ville ensemble. Et maintenant, Juliette et Marco devaient sauver la ville ensemble.

Sauf que jusqu'à maintenant, les deux superhéros en charge avaient littéralement travaillé ensemble, alliant leurs forces pour assurer une protection maximum aux habitants de la ville. Ce qui n'était pas le cas de Juliette et de Marco. Avant l'année de leur investiture, ils ne s'étaient absolument jamais adressé la parole. Marco avait quatre ans de plus de Juliette-leurs mères n'étaient, heureusement pour la ville, pas tombées enceintes en même temps-, ce qui fait que jamais ils ne s'étaient retrouvés dans la même classe, et donc, ignoraient l'existence l'un de l'autre. Puis Juliette avait enfin eu dix-huit ans, et leurs mères avaient dû les mettre au parfum, et surtout, leur céder leurs places. Et après avoir entendu leur récit, la première chose que Marco avait dit était littéralement « je vais devoir faire équipe avec une fille ? C'est pas la ville que je vais devoir protéger, mais elle ». Ce qui n'avait pas plu à Juliette. Qui lui avait dit un peu violemment d'aller se faire voir et avait décidé qu'il était hors de question qu'elle fasse équipe avec lui.

Neuf ans plus tard, ils faisaient toujours équipe à part, et ça leur réussissait plutôt bien. Peut-être qu'ils étaient encore plus efficaces, puisqu'une espèce de compétition s'était mise en place entre eux : ils voulaient toujours être celui ou celle qui s'occuperait de la mission.

-Tu m'expliques pourquoi je suis là, ou on couche ici ? demanda Marco en croisant les bras.

-Les meanies s'en prennent à ma fille, elle lâcha avant de réaliser que c'était stupide de l'appeler pour lui dire ça. Il n'en avait probablement rien à faire, de sa fille, après tout, c'était à elle de s'en occuper, et-

-À ta fille ? il interrompit le fil de ses pensées. Elle n'a pas trois ans, ou quelque chose du genre ?

-Elle a sept ans, elle le corrigea. L'école nous a annoncé quelques temps après la rentrée qu'une nouvelle maîtresse allait arriver. Elle est arrivée aujourd'hui, et elle a déjà réussi à coller ma fille devait leur stupide chaîne télévisée.

-Et tu ne pouvais pas l'empêcher de regarder ?

-Je ne suis pas là quand elle rentre de l'école, elle fit exprès de rester vague. Et crois-moi, à l'écouter, la maîtresse a été très persuasive. Tous les gosses doivent regarder ça.

-Très bien, Marco pinça l'arête de son nez. Pas la peine de paniquer. Est-ce que c'est comme ça dans toute l'école ?

-Tu écoutes quand je parle ? Le changement de maîtresse ne concerne que sa classe. Les meanies ne s'attaquent qu'à sa classe.

-Ils savent, Marco remarqua, et Juliette hocha la tête.

Jusqu'à présent, jamais les meanies n'avaient réussi à trouver les enfants-et donc les héritiers-des superhéros en service. Et Juliette ne savait absolument pas comment ils avaient réussi à trouver Thea. Mais ils avaient probablement leurs techniques. C'est pour ça qu'ils étaient les meanies, après tout.

-Si je résume, reprit le blond, les meanies savent que ta fille est ta fille, et ils essayent de lui faire un lavage de cerveau.

-Exactement, Juliette hocha la tête, et Marco haussa les sourcils.

-Pourquoi tu m'as appelé, Juliette ?

La blonde se mordit la lèvre.

-J'ai besoin de ton aide, Reus.

Super-héros » REUS ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant