Chapitre 18

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C'est le pire voyage de toute ma vie.

Si supporter la présence Chloé Bourgeois durant cinq jours n'était pas assez pénible, elle me rappelle à tout bout de champ qu'au moindre faux pas, ma relation avec Ladybug risque d'être révélée au grand jour. Quelle peste...Moi qui pensais que nous étions meilleurs amis, je m'aperçois que notre amitié n'a pas un réel intérêt pour elle.

Dès notre arrivée à notre hôtel à Milan, elle a lourdement insisté pour que nous changions nos réservations pour une chambre commune. Evidemment, je n'ai pas résisté bien longtemps avant d'accepter à contrecœur. Son petit manège a ainsi duré les deux premiers jours, jusqu'au jeudi soir où - profitant de son envie d'aller se faire masser car trop stressée du défilé du lendemain - j'ai réussi à joindre mon père.

- « Adrien, j'espère que tu es prêt pour représenter la marque demain. » A-t-il dit à peine la communication établie.

- « Oui, père. Seulement, j'aimerais vous demander une faveur et me permettre de rentrer samedi matin au lieu de dimanche soir. »

Comme prévu, ma soudaine requête l'a intrigué.

- « Quelque chose ne va pas? »

Si je lui avais avoué que je subissais le chantage de Chloé Bourgeois, je n'aurais pas su s'il m'aurait pris au sérieux. Mieux valait pour moi de la jouer fine.

- « Vous m'avez confié la lourde tâche de repérer les anomalies dans les bureaux et je peux vous assurer qu'il n'y a rien de plus important à mes yeux en ce moment. »

- « Je suis heureux de l'entendre. Tu commences enfin à te montrer responsable. »

Il m'a fallu beaucoup plus que du self-control pour supporter ses sous-entendus. S'il savait seulement que j'ai sauvé sa vie une fois par le passé, il me trouverait soudainement plus responsable.

- « De ce fait, je crains que les fautifs ne profitent de mon absence pour cacher des preuves de leur culpabilité. Père, permettez-moi de rentrer au plus vite. J'assisterais bien évidemment à la cérémonie après le défilé pour vous représenter au mieux. »

Mon ton se veut à la fois modéré et solennel. Je ne veux pas lui donner l'impression de le supplier - bien que je ferai tout pour qu'il me laisse revenir à Paris.

- « Très bien, Nathalie va s'occuper de modifier ton billet de retour. Je dois te laisser Adrien. »

- « Merci père, au revoir. »

C'est ainsi que j'ai raccourci mon voyage à Milan. Je n'avais plus qu'à attendre samedi matin avant de m'envoler pour la capitale.

Le jour J n'a pas été de tout repos non plus. Fort heureusement, mon voyage aux Etats-Unis m'a pas mal aidé pour communiquer avec le staff et quelques autres mannequins - quand ils ne se contentaient pas de m'ignorer avec un dédain qui concordait parfaitement avec ma partenaire. Le défilé s'est déroulé sans accroc. C'est énormément de préparation pour une poignée de secondes durant lesquelles je m'avance sous la lumière des projecteurs, à subir les flashs incessant des photographes et journalistes de mode.

Lorsque je reviens en coulisse, après avoir traversé l'épaisse fumée à vous passer l'envie de se griller une cigarette un jour, je me rends à l'évidence: le mannequinat ne me correspond absolument pas. Ce maquillage qui plaque mes yeux, ses vêtements inconfortables et moulants au point de menacer ma progéniture, cette attitude neutre et fade qu'on nous demande de nous coller sur le visage tout en marchant sans aucune émotion...Non, je n'en veux plus. Autant quand j'étais plus jeune, je prenais du plaisir à poser, autant maintenant ça n'a plus aucun attrait pour moi.

Cécité [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant