Chapitre 5

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Moi, Marinette, ne suis clairement pas prête à entamer cette journée. Pourtant, je suis arrivée plus tôt au travail, armée d'une petite boite en carton contenant le tissu malmené. Toute la nuit je me suis acharnée à broder, coudre, à m'en percer les doigts.

- « J'en connais une qui n'a pas beaucoup dormi. » Chantonne une voix à la porte d'entrée.

Affalée sur mon bureau, bras sur le clavier, je tourne légèrement la tête pour apercevoir Rose. Elle aussi travaille en tant que styliste dans mon atelier. C'est la seule personne de la classe – hormis Chloé mais je ne la compte pas – que je croise encore quotidiennement. La petite blonde n'a pas changé : toujours vêtue de tenues excentriques aux différentes teintes de rose, ses cheveux demeurent courts et ses yeux d'un bleu plus clair que les miens. Rose ne se charge que d'assistante dans mon équipe, elle conseille et donne son avis sur les couleurs, formes. A vrai dire, je ne sais pas vraiment à quoi correspond son poste chez les Agreste.

- « C'est peu dire. » Je geins en me redressant difficilement sur le dossier de ma chaise. « Chloé me mène encore la vie dure. »

Rose m'écoute d'une oreille distraire, trop occupée à manipuler ma nouvelle création. Je suis ses déplacements, elle se glisse jusqu'aux fenêtres donnant sur le bas de la rue. Soudain, ses yeux s'écarquillent et ses mains se mettent à trembler.

- « Il arrive ! » S'exclame-t-elle en posant sa main libre sur la vitre.

Prise dans son élan, je me précipite à ses côtés et colle mon front contre le froid du double vitrage. La limousine garée devant l'immeuble ne laisse pas le moindre doute. La silhouette forte et svelte du mannequin aux cheveux blonds efface tous les éléments extérieurs. Je n'ai plus d'yeux que pour lui.

- « Qu'est-ce qu'il est devenu beau... » Remarque Rose, elle aussi sous le charme.

Par contre, amies ou pas, je ne partage pas. D'ailleurs, je profite de ce moment de flottement pour récupérer le foulard. Adrien regarde dans notre direction mais il est clair qu'il ne peut pas nous voir à travers les fenêtres. Je peux entendre d'autres employés s'affoler dans le couloir, ayant eux aussi remarqué l'arrivée du fils du patron.

- « C'est la fin! » Crie dramatiquement une femme clapotant en talons à deux bureaux d'ici.

Leur affolement est contagieux. Si Rose et moi étions excitées à l'idée de revoir Adrien, le fantôme de la restructuration hante désormais notre atelier. D'ailleurs, celle-ci se dépêche de récupérer ses affaires et file vers la sortie.

- « Tu ne restes pas? » Je demande, étonnée.

Elle secoue la tête, le visage légèrement crispé.

- « Je dois m'occuper d'un autre projet, bonne chance avec l'écharpe ! »

Sa voix aigue trahit la confiance qu'elle essaie de se donner. De plus, ce n'est pas une écharpe mais un foulard! Peu importe, Rose disparait de ma vue après avoir fermé la porte, me laissant seule dans l'atelier, calme en comparaison avec le reste de l'étage.

- « Allez Marinette, souviens-toi de ce que t'as dit Chat Noir! » M'encourage Tikki, évadée de mon sac.

Il est vrai que mon chaton m'a été d'une grande aide hier soir. Il suffit de regarder le motif brodé sur le foulard aux couleurs kaki et bruns pour s'apercevoir que, sans lui, la tâche aurait été presque impossible.

Soudain, alors je songe aux bons côtés de Chat Noir, mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Le numéro est inconnu mais je devine aisément de qui il s'agit.

- « Allô, Marinette Dupain-Cheng. »

Mon ton est peut-être un peu trop sec, un peu.

- « Bonjour, c'est l'agent de Chloé Bourgeois. Vous devez savoir la raison de mon coup de fil? »

Cécité [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant