Quinze

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Fin mai

Je commence à craquer, vraiment. J'ai l'impression de vivre les mêmes sentiments depuis des mois. Je suis triste, je stresse. Comment rester calme quand on sait qu'il y aura quelqu'un à qui on ne pourra plus adresser la parole dans quelques semaines? Les jours ont semblé s'enchaîner si vite dernièrement, je me demande si ce n'est pas simplement la vie qui essaie de m'enlever Lily au plus vite. J'en ai tant sur le coeur, mais j'en veux tellement à cette maladie. Tout comme je m'en veux de ne pas pouvoir la sauver. Ou de ne pas l'avoir connu avant pour lui supplier d'aller consulter plus tôt. Elle a attendu que ça passe, mais la seule chose qu'elle a réellement attendue est la mort. La mort si venimeuse, d'aucune pitié. Je déteste le tournant de la vie. Rien de moins.

Lily est désormais internée à l'hôpital. Mes collègues et moi essayons de rester positifs, mais vu de cette manière, elle est sur son lit de mort. Son état de santé ne fait que descendre en flèche et tous les docteurs ont peur pour elle. Ils veulent avoir un œil sur Lily à toutes les secondes pour qu'elle ne nous échappe pas. Évidemment, je suis une de ses infirmières désignées. À chaque fois que je vais la voir, j'ai peur que ça soit la dernière fois que je lui parle. La dernière fois que ses yeux percent les miens. La dernière fois qu'elle rit de son rire si mielleux avant de sourire en coin. L'idée que ça soit peut-être la fameuse dernière fois m'effraie. Et si ça ne se passait pas bien ?

Par contre, aujourd'hui, j'eus la chance d'avoir une de mes plus longues discussions avec elle. Comme elle a souvent des difficultés respiratoires, elle manque de souffle pour parler longtemps et je dois quitter. Mais ce matin, elle sembla récolter toutes ses dernières forces pour pouvoir parler. Je lui est promis de revenir la voir plus souvent pour avoir d'autres discussions comme celle-ci. Elle m'a sourit et elle m'a dit qu'elle en serait très contente et qu'elle souhaiterait qu'il y en ait plusieurs d'autres.

À la base, j'étais entrée dans la chambre de Lily, laquelle est une chambre seule, pour prendre sa pression et lui administrer ses médicaments. Elle avait un sourire accroché au visage, mais elle ne parlait pas. J'arquai les sourcils à maintes reprises, jusqu'à temps qu'elle me fasse signe de m'assoir sur le bout de son lit.

- Je sais que tu ne dois pas avoir beaucoup de temps, Sarah, mais j'aimerais parler un peu. Je manque terriblement de compagnie. Sauf pour le soleil. Toujours là, celui-là.

J'acceptai sans réfléchir et pris place sur le lit.

- Oh, Sarah, dit-elle en me prenant les deux mains. J'aurais tant aimé te connaître plus tôt. Je voudrais tellement en apprendre sur toi.

- Je... Je ne crois pas être une personne intéressante, Lily.

- Je suis certaine que si.

- Mais... Parle-moi de toi.

- Moi ? Demanda-t-elle, surprise.

- Oui, toi.

- Je... Je ne sais pas quoi dire, Sarah. Je ne suis qu'une malade qui n'a personne autour d'elle, excepté ses parents. Ses parents qui doivent pleurer leur petite Lily chaque soir. La petite Lily qui est si épuisée et qui n'a même plus de force pour les larmes. La petite Lily qui se sens déjà ailleurs, déjà égarée dans un monde vide.

- Je m'excuse...

- Tu n'as rien à te reprocher. J'aime la vie encore, même si elle est terrible. Je l'ai toujours aimé. Tout comme j'aimais m'imaginer à différentes étapes de ma vie. Je n'avais seulement pas imaginé l'étape de la mort. Et je n'avais surtout jamais imaginé le fait qu'elle vienne si tôt. Je voulais simplement une vie agréable. Rien de plus. J'ai peur que quand je serais de l'autre côté, plus personne ne pensera à moi. Mes parents continueront leur vie, après avoir assez pleurer mon deuil. Mais après ? Qui ? Qui se souviendra de moi ? Je n'aurais été que de passage, un souffle sur Terre.

- Je promets de ne jamais t'oublier, Lily. Jamais, tu peux en être certaine. Peu importe ce que les autres me diront, tu seras toujours dans mes pensées. J'aurais toujours l'image de ton doux visage, et je ne veux en aucun cas l'oublier. Tu sais ce que j'aimerais ?

- Non, répondit-elle, hésitante.

- J'aimerais être malade, moi aussi.

- Quoi ?! Sarah...

- Non, Lily. Comme cela, on traverserai l'autre côté ensemble.

- Mais tu sais que le mieux serait simplement que je ne le sois pas.

- Ce n'est pas de ta faute.

- Sarah, arrête de dire n'importe quoi. Reprends-toi.

- Je ne sais pas... Je ne sais plus rien. Je ne t'oublierai jamais Lily, ça en est certain, mais toi m'oublieras-tu ?

- Non, Sarah, bien sûr que non !

- On se retrouvera, rajouta-t-elle.

- Quoi... ?

- Si on n'était pas fait pour se côtoyer dans cette partie de vie, alors on sera fait pour ailleurs. Je te retrouverai, que ça soit dans des dizaines d'années, Sarah. Je t'attendais de l'autre côté, et là, on pourrait finalement se connaître comme nous aurions été supposées.

- Mais, Lily, tu n'es pas obligée... Tu peux partir, ne t'oblige pas à rester pour moi. Tu peux t'envoler, Lily.

- Pas sans toi, finit-elle d'un grand sourire charmeur.

🏩

il ne reste qu'une partie😪

Jusqu'à ses derniers souffles | Raulson Où les histoires vivent. Découvrez maintenant