Junior
Une soudaine lumière inonda ma chambre. Je clignai des yeux. Mon père était debout au milieu de la pièce dans une de ses vestes assez large pour contenir toute la famille. Il me fixa, le visage déformé par la colère. Il n'y a que lui pour te réveiller à 6h un dimanche matin. Je fis semblant de ne pas remarquer son regard furax et m'enfonçai sous ma couverture. J'avais mis la climatisation à fond alors il n'y avait pas moyen d'avoir chaud. Je remarquai enfin que je n'étais pas seul dans le lit. Mon père s'approcha du lit et retira toute la couverture. Il la roula en boule et la jeta à travers la pièce.
- Pourquoi as-tu touché à ma voiture ? beugla-t-il.
Sa voix fit l'effet d'un haut-parleur dans mes oreilles. La fille couchée près de moi se réveilla en sursaut et ses magnifiques seins rebondirent tels deux ballons de baudruches remplis d'eau. Je portai brièvement mon attention sur cette belle poitrine qui s'accrocha à moi comme si j'étais son messie. Mon cinquième membre réagit immédiatement mais je me rappelai la présence de mon père et me tournai vers lui. Mais avant que je n'ouvre la bouche, il leva la main pour m'interrompre.
- Je n'ai pas envie d'entendre tes explications saugrenues, trancha-t-il. Tu me fais honte ! Tout ce qui t'intéresse c'est ta petite personne et la vie de gosse de riche que tu mènes ! Toi sors d'ici ! cria-t-il à la fille qui chercha à la hâte ses vêtements et sortit en vitesse de la chambre.
- Mais pourquoi tu la chasses papa ? m'indignai-je, en voyant cette magnifique paire de seins quitter la chambre en courant.
- C'est ma maison ici ! Et j'ai le droit de chasser qui je veux !
- Pfff !
Ma mère entra dans la pièce.
- Calme-toi chéri ! dit-elle d'une voix douce en enlaçant son mari. Le docteur a dit que tu dois éviter de te mettre en colère.
- Comment ne pas s'énerver quand ton unique fils n'en fait qu'à sa tête ? lui demanda papa en me pointant du doigt. Parle à ton fils Maggie ! Il va finir par me tuer !
- Je m'en charge chéri ! répondit ma mère.
Elle lui fit un bisou et le raccompagna hors de la chambre.
- Toi rhabille toi en vitesse et rejoins-moi en bas ! me dit ma mère d'un air sévère.
Je me traînai jusqu'à la salle de bain pour me brosser les dents. Je ne me souvenais plus de rien de tout ce qui s'était passé la veille mais il fallait absolument que je retrouve cette fille. Je me brossai rapidement les dents. Je pris un short et un tee-shirt que j'enfilai en prenant tout mon temps. Je descendis ensuite rejoindre ma mère qui m'attendait les poings sur la hanche.
- Bonjour maman ! la saluai-je, comme si de rien n'était.
Je lui fis un bisou. Il n'y a que ma mère qui a droit à autant de douceur de ma part.
- Junior qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? s'enquit ma mère, exaspérée.
- Tout va bien maman, répondis-je.
- Non rien ne va bien ! fulmina-t-elle. Ton père n'est plus très en forme. Tu sais très bien que son cœur n'est pas en bon état. Si tu continues tes bêtises tu vas finir par le tuer ! Vous deux vous êtes ce que j'ai de plus cher. Je ne suis pas prête à le perdre et je ne supporterai pas non plus qu'il t'arrive quoi que ce soit. Je...
Sa voix se brisa et elle fondit en larmes. C'était l'une des rares fois où je voyais ma mère pleurer. La voir dans cet état me toucha profondément. Je la pris alors dans mes bras pour essayer de la consoler.
- Ne pleure pas maman ! Tu ne deviendras pas veuve, lui dis-je pour la consoler. Et il ne m'arrivera rien. Je vais me tenir à carreau.
Je la berçai doucement jusqu'à ce qu'elle se ressaisisse. Elle me repoussa et m'enfonça son index dans la poitrine.
- Va le voir et répète lui ce que tu viens de me dire !
- D'accord m'man, répondis-je.
Je tournai les talons pour m'éloigner mais elle me saisit par le menton.
- Tu n'as pas envie de te retrouver à bosser dans l'une des bananeraies de ton père n'est-ce pas ?
- Non m'man ! répondis-je en secouant frénétiquement la tête, horrifié par la simple idée de me retrouver loin de la civilisation.
- Alors tu as intérêt à respecter ce que tu viens de me dire sinon c'est là que tu vas te retrouver ! C'est ce que ton père a prévu pour limiter tes bêtises. Et surtout je ne t'ai rien dit, on est d'accord ?
- D'accord merci m'man ! répondis-je en lui faisant un autre bisou.
- Maintenant va le voir !
Elle me fit un bisou sur le front et me poussa vers le bureau de mon père, qui était juste à côté des escaliers.
J'ai eu mon master en finance-banque et assurance et je continue mes études pour avoir mon master II. Mais à quoi bon travailler si mon père est déjà immensément riche ? Même s'il ne m'en parle pas pour le moment, je sais qu'il va me léguer sa boîte d'assurance s'il lui arrivait quelque chose. Je suis son unique fils donc c'est automatique. Je frappai à la porte de son bureau et entrai sur son invitation.
- Bonjour papa ! saluai-je comme si c'était la première fois que je le voyais de la journée.
Il me regarda par-dessus ses lunettes et me fit signe de m'asseoir. J'obéis et attendis qu'il dise quelque chose. Il m'ignora pendant une bonne demi-heure, le temps que je sois bien gêné par le silence. Quand il sentit que j'étais à bout de patience, il leva enfin les yeux de ses dossiers et les planta dans les miens. Jamais je n'avais été autant intimidé par mon père. Il prit la parole de sa voix grave :
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins. J'ai fait modifier mon testament.
- Mais pourquoi ? ! m'exclamai-je.
- Je ne te dirai pas les modifications que j'y ai apportées mais tu le sauras en temps voulu. Mais ce n'est pas pour cela que je suis venu te voir ce matin. Je veux être maire de Kadinga. Je vais déposer ma candidature pour les prochaines élections. Je suis venu te proposer une fois de plus de venir travailler avec moi parce qu'un maire dont le fils passe son temps à faire n'importe quoi dans la ville ne sera pas bon pour ma campagne à venir.
- J'accepte papa !
- Écoute tu ne vas pas passer ta vie à ne rien faire et à jeter de l'argent par la fenêtre ! Quelle éducation vas-tu donner à tes enfants un jour si tu continues à mener ce genre de vie ? Un père est censé être un modèle pour ses enfants mais avec la vie que tu mènes, j'ai l'impression d'avoir raté ton éducation. Attends tu viens de dire quoi ? demanda-t-il, soudain comme s'il y avait eu un décalage temporel entre nous.
- J'accepte le poste papa !
- Waoh ! s'exclama-t-il. Je ne m'attendais pas à ce que tu acceptes si facilement.
Il me sourit pour la première fois depuis que j'ai fêté mes 18 ans. Aujourd'hui j'en ai 22 donc imaginez.
- Tu commences dès demain ! m'annonça-t-il.
Ça voulait dire que j'avais encore une journée pour récupérer de ma gueule de bois, me dis-je intérieurement.
- C'est parfait ! lui répondis-je.* * *
Le lendemain, lundi, je me levai à 6h30. Douche et rasage rapide. À 6h50 j'étais déjà prêt. Ma mère me laissa prendre sa voiture, vu que je m'étais "ressaisi". Le trajet jusqu'au bureau me prit dix minutes ce qui fit que j'étais au bureau pile à l'heure. Un vrai record de la part d'un beau gosse fêtard comme moi.
Composé de dix étages, l'immeuble dans lequel se situaient les locaux de mon père fut construit au début des années 1980. C'était un hôtel, construit pour accueillir les invités qui devaient venir assister à la déclaration d'indépendance de notre cher pays. Il tombait en ruines quand mon père l'a racheté une dizaine d'années plus tôt. Il l'a entièrement rénové et réaménagé les chambres en bureaux. Les trois premiers étages étaient entièrement consacrés à la publicité. Et les trois suivants aux clips vidéos et les quatre derniers à la production des films et comprenait aussi deux studios d'enregistrement.
Je montai directement au dixième étage où se trouvait le bureau de mon père.
- Il est en salle de conférence, attendez-le dans son bureau, me dit Olivia, la secrétaire de mon père, dès que je sortis de l'ascenseur.
Je la foudroyai du regard et me dirigeai vers la salle de conférence. Avant qu'elle puisse me rattraper j'ouvris brutalement la porte. Un bruit sourd, suivi d'un autre de tasses qui se brisaient m'accueillit. J'entrai quand même dans la salle. Je regardai mes chaussures. Ma nouvelle paire de Jordan était tachée de café.
- Vous ne pouvez pas regarder où vous allez ?
- Désolé je ne vous avais pas vu, marmonna la fille qui tenait le plateau, tête baissée.
Elle s'abaissa pour ramasser le plateau et les tasses brisées. Je me dirigeai vers le siège libre le plus proche de mon père. Je m'assis avant de me rendre compte que tous les yeux étaient braqués sur moi.
- Désolé pour le retard, messieurs ! dis-je en guise d'excuses.
- Junior va m'attendre dans mon bureau, m'ordonna mon père.
À sa voix calme je compris qu'il était très en colère mais je fis mine de ne rien remarquer et me levai. Je sortis de la salle de conférence les pas lourds. Je déboulai dans le couloir. C'est là que je la vis. Debout dans le couloir, la nuque contre le mur, les paupières closes comme pour empêcher ses larmes de couler. Je la tirai violemment par le bras.
- Vous savez combien ça coûte une paire de Jordan ?
Elle me regarda sans réaction, secouée par ma réaction. Elle écarta les mèches de cheveux qui lui tombaient sur le visage pour me regarder d'un air timide. Elle avait des taches blanches difformes sur le visage. On aurait dit que son visage avait été passé à l'eau de javel à certains endroits. Son vitiligo était un peu avancé pour une aussi jeune femme.
- Désolé M. N'Gamon ça ne se reproduira plus, répondit-elle en me regardant dans les yeux.
La porte de la salle de conférence s'ouvrit brusquement et mon père en sortit.
- Lâche-la immédiatement ! beugla-t-il. Et dans mon bureau tout de suite.
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Beautiful Imperfection
ChickLitQue ferais-tu si tu avais le présumé auteur de tous les malheurs de ta famille devant toi ? Que tu dois bosser pour lui, te plier à ses désidératas ?