Partie 13

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    Les quelques employés qui n'étaient pas partis en pause, se levèrent pour regarder ce qu'il se passait.
- De quoi parlez-vous ?
- Je t'ai dit que si Charles appelait dis-lui que je ne suis pas dans le pays mais au lieu de ça tu lui as dit que j'étais au Patio. Est-ce que tu as ne serait-ce qu'une petite idée de ce que tu viens de faire ? Tu viens de me faire perdre la garde de ma fille.
    Je la regardai d'un air décontenancé. Je voulais lui pourrir la vie certes mais pas au point de lui faire perdre sa fille.
- Comment ça ? bafouillai-je.
- Charles devait déposer notre fille chez moi ce week-end pour qu'elle passe les fêtes de fin d'année avec moi mais je voulais être vraiment prête avant qu'il la dépose pour pouvoir lui consacrer du temps. J'ai donc fait croire à Charles que je n'étais pas au pays. Mais toi tu viens de tout foutre en l'air. Je vais donc m'assurer que ta carrière soit foutue et ta vie par la même occasion. Non seulement je te vire mais je vais m'assurer que tu ne trouves plus jamais de boulot où que ce soit. Maintenant pars et ne reviens plus jamais.
    Je pris l'ascenseur sans dire un mot. J'appuyai sur le bouton du rez-de-chaussée. Une fois arrivée, je sortis de la cabine et M. N'gamon sortit de son ascenseur privé quelques secondes après moi.
- Monsieur, dis-je en m'approchant de lui.
- Becky ! Suis-moi !
    Il semblait n'avoir toujours pas digéré mon petit chantage de la matinée. Je le suivis dans sa voiture. Anass démarra la voiture.
- Pourquoi Ivy t'a virée elle aussi ?
   Je lui racontai ma mésaventure avec Ivy en omettant la partie où je disais sciemment à son ex-mari où elle se trouvait.
- Tu as assez fait pour aujourd'hui tu ne trouves pas ? me demanda-t-il.
   Je fis oui de la tête.
- Rentre faire quelques jours à la maison et à ton retour je te trouverai quelque chose d'accord ?
- D'accord monsieur, répondis-je.
- Et surtout ne t'avise plus jamais de me menacer ou d'essayer de me mettre la pression compris ?
- Oui désolé, murmurai-je, toute honteuse.
- Maintenant tu peux rentrer chez toi.
   Je descendis de la voiture et me rendis compte qu'on venait d'arriver devant chez moi. Une fois dans mon appart, je retirai absolument tout et m'allongeai sur mon lit. Je fis un bilan de ma journée : en une seule matinée, j'avais perdu mon boulot deux fois de fois de suite - un vrai record - ; j'avais fait du chantage à mon boss et je me suis fait une ennemie assez puissante pour me ruiner. Je sombrai dans un profond sommeil en repensant aux mots durs d'Ivy et à ce que je lui avais fait.

Junior

   Nous étions arrivés à Téno la veille au soir. La ville était très calme, comme plongée dans un coma. Mais au fur et à mesure qu'on approchait du centre-ville, les rues gagnaient en agitation. Comme à Kadinga, le siège de N'gamon Assurance se situait en plein centre-ville.
  Le lendemain de mon arrivée, je me rendis au bureau avec Gervais qui me présenta comme nouveau stagiaire. Là-bas, je me fondais parfaitement dans le décor. A la pause de midi, je quittai le bureau avec ma voiture. Je pouvais enquêter en toute quiétude. Je demandai d'abord où se trouvait l'ancienne mine de la ville. L'endroit avait complètement changé par rapport à ce que m'avait dit Becky. Un marché avait été installé à la sur le terrain vague en face de l'entrée de la mine.
   Avec ma chemise et ma cravate, je faisais tache dans ce marché qui reflétait clairement la misère. Je m'approchai de la première revendeuse que je trouvai. Une femme qui semblait s'ennuyer devant son étalage de poisson et de légumes.
- Bonsoir madame, fis-je poliment.
- Bonsoir tonton, fit-elle en se levant d'un bond. Qu'est-ce que vous voulez acheter ?
- Euh..., marmonnai-je. Je ne suis pas vraiment là pour faire des achats.
    Elle poussa un long juron et se rassit, déçue.
- Mais je vous donnerai un billet de dix mille si vous me dites ce que je veux savoir, continuai-je.
- Il fallait commencer par-là, répondit-elle en levant de nouveau. Qu'est-ce vous voulez savoir ?
- Vous habitiez cette ville quand il y a eu le séisme qui a bouché la mine ?
- Moi non, j'ai emménagé ici il y a deux ans mais la vieille dame, qui vend des crabes au fond, si.
- Merci beaucoup, dis-je avant de m'éloigner.
- Monsieur les dix milles s'il vous plaît ! se plaignit-elle.
    Je sortis mon portefeuille et lui tendit le billet.
- Désolé j'avais presqu'oublié.
- C'est ça, fit-elle en m'arrachant le billet de la main. Merci beaucoup et surtout revenez si vous avez besoin de quoi que ce soit.
    J'approchai de la vieille dame en question.
- Bonsoir madame, saluai-je de nouveau.
- Bonsoir jeune homme, qu'est-ce que vous cherchez ?
- Je ne viens pas pour acheter madame, répondis-je. Je voulais vous poser quelques questions.
    Elle prit une petite bassine dans laquelle il y avait une eau usée et le temps que je réalise son attention, j'étais trempé d'une eau qui semblait avoir servi à laver des crabes.
- Je vous ai prévenu que si l'un de vous s'approchait encore de moi et de mes crabes vous n'assumerez pas ! s'écria la dame.
   Je me retournai pour quitter le marché mais dès que je fis un pas, je reçus une tomate pourrie sur la poitrine. Quand j'en reçus une autre en plein visage, je pris mes jambes à mon cou avant que les bonnes dames du marché ne choisissent des projectiles moins inoffensifs. Quand je sortis enfin du marché, je soupirai et pris quelques secondes pour admirer les dommages que j'avais subi. Ma chemise dégoulinait de tomates pourries et de crachats et j'empestais le crabe.
   L'essentiel c'est que tu sois toujours en vie Junior, me dis-je, ne comprenant rien de ce qui venait de m'arriver dans le marché.
- Ce n'était pas la meilleure idée que vous aviez eu de votre vie, lança une voix derrière moi.

Beautiful ImperfectionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant