- J'étais venue m'excuser pour lui avoir créé des problèmes avec l'incident de l'herbe. Et lui il l'a pris pour un geste romantique d'où ceci.
Je montrai l'écran du doigt.
- Laisse-moi t'exposer ma version des faits, s'il croit que cette visite était dans un but romantique, c'est que tu voulais qu'il le croie. Débrouille-toi pour qu'il ne tombe pas amoureux de toi parce que tu sais très bien ce que cela implique.
Je hochai la tête.
- Je compte sur toi pour faire ce qu'il faut, dit-il en se levant. Anass te déposera chez toi.
Cette discussion m'avait fait l'effet d'une véritable douche froide. J'étais vidée de toute mon énergie. Je me levai mollement et sortis de la pièce. Je tombai nez à nez avec Mme N'gamon.
- Becky ! Comment vas-tu ?
- Très bien madame, répondis-je avec un sourire las.
- Ta mine me dit le contraire, fit-elle en m'examinant.
- C'est la fatigue madame, mentis-je. La journée a été éprouvante sans M. N'gamon.
- Je n'en doute pas, me répondit-elle. Nous sommes sur le point de passer à table, que dirais-tu de te joindre à nous pour dîner ?
Monsieur N'gamon sortit du bureau pile à ce moment.
- C'est très gentil à vous mais je suis crevée et je n'ai pas vraiment l'appétit, répondis-je.
- Et puis je viens de lui confier un dossier qu'elle doit finir avant demain, intervint M. N'gamon.
- Merci quand même pour l'invitation, dis-je avec un sourire faible avant de sortir de la maison.
Anass m'attendait devant la maison. Je m'installai à l'arrière du véhicule et il m'emmena loin de cette maison où je n'étais plus la bienvenue à cause de ma faiblesse et de mon manque de confiance en moi. Il me déposa devant mon appartement et je montai noyer mon mal dans un pot de glace.
Je défilais les chaînes télé quand je tombai sur une vieille chanson qu'avait l'habitude de mon père. En gros la chanson disait de ne jamais se laisser marcher dessus. Que si David a pu battre Goliath avec un simple lance-pierre alors c'est que tout est possible.
Cette chanson me rappela pourquoi j'avais postulé chez N'gamon Assurance il y a trois ans. Depuis le temps, j'ai laissé mes émotions prendre le dessus et me détourner de ma mission. Que penserait mon père s'il me voyait me faire marcher dessus par celui qui avait divisé ma famille ?
Je saisis mon téléphone et appelai Junior. Il décrocha à la première sonnerie comme s'il attendait mon coup de fil.
- Allô Junior c'est Becky !
- Je sais, ça va ?
- Oui super, j'étais repassée tout à l'heure à la maison mais ton père n'a pas voulu me laisser te voir. Je crois qu'il n'apprécie pas trop l'idée qu'on traîne ensemble en dehors du bureau toi et moi.
- Ah bon ? répondit-il, étonné. Tu es où ?
- Chez moi.
- Je peux passer ?
- Avec plaisir ! répondis-je d'une voix coquine. Tu connais déjà l'adresse je crois.
- Oui oui.
Il raccrocha et un quart d'heure plus tard, il sonnait à ma porte. Je me levai pour lui ouvrir. Il me regarda avec des yeux ronds. Je ne portais qu'un short en jean et une camisole qui laissait deviner la forme de mes tétons. Je l'invitai à entrer et lui fis signe de s'asseoir.
- Tu veux boire quelque chose ? lui demandai-je.
Il fit non de la tête, faisant de son mieux pour détacher ses yeux de ma poitrine.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement, mon père ? me demanda-t-il.
- Bah de plus venir chez lui à la maison. Sous aucun prétexte. Et je le comprends parfaitement, boulot et cœur ne font pas un très bon cocktail. Mais le problème c'est que je ne peux pas ignorer mon attirance pour toi.
Il me leva d'un bond, furax. Il se mit à faire les cent pas dans la pièce. J'eus un petit sourire de satisfaction. Mes paroles faisaient l'effet attendu.
- Junior ça va ? lui demandai-je, faignant la surprise.
- Non ça ne va pas ! explosa-t-il. Il se trouve que j'ai un père égocentrique et maniaque qui cherche à contrôler chaque petite parcelle de ma vie. Comment il peut te demander ça ?
- Calme-toi s'il te plaît, essayai-je en me levant à mon tour. Ne laisse pas ta colère t'aveugler. Ton père ne veut que ton bien...
- Comment il peut vouloir mon bien s'il ne sait pas ce que j'aime ou qui j'aime ? Comment ?
Je pris son visage entre mes mains.
- Calme-toi Junior, lui répétai-je. Il peut vouloir contrôler ta vie mais ça ne veut pas dire qu'il réussira à le faire. L'essentiel c'est que tu fasses quand même ce que tu veux, malgré tout ce qu'il dit.
Il se calma peu à peu et se rassit sur le canapé. Je m'assis près de lui et il se mit à me fixer.
- Comment fais-tu pour prendre ça aussi calmement ? me demanda-t-il.
Je souris et détournai mon regard du sien.
- Depuis toute petite déjà j'ai commencé à être narguer, à être rejeter à cause de mon vitiligo. Ce n'était pas aussi développé à l'époque mais on me surnommait « Eau de javel » parce que ma peau donnait l'impression d'avoir été délavé à l'eau de javel à certains endroits. Le pire c'était les parents qui m'interdisaient d'approcher leurs enfants parce qu'ils croyaient que c'était contagieux. Et puis il y avait certains qui s’émerveillaient parce qu'ils croyaient que je devenais blanche, ce qui est un peu le cas. J'avais le choix entre m'isoler des autres ou me forger une carapace. J'ai choisi la deuxième option, c'est ce qui m'a permis d'être là où je suis aujourd'hui. Alors que ce soit par ton père ou par mes amis d'enfance, que ce soit pour ma peau ou pour autre chose, qu'est-ce que ça change ?
Il se rapprocha et me prit dans ses bras.
- Jamais je ne te rejetterai, me murmura-t-il à l'oreille.
J'eus un sourire entendu.
- Tu n'en sais rien Junior, lui répondis-je. Tu n'en sais absolument rien.
Je le repoussai pour le regarder de nouveau dans les yeux.
- Si seulement tu avais idée de tout ce que j'ai dû faire pour en arriver là.
Une larme roula sur ma joue. Il l'écrasa avec son pouce. Je m'essuyai le visage et fermai les yeux pendant quelques secondes. Quand je les rouvris, son visage était à quelques millimètres du mien. Je pouvais sentir son haleine fraîche et sa respiration chaude. Me laissant aller à la tentation, je l'embrassai en posant mes mains sur sa mâchoire. Les yeux fermés, je laissai sa langue jouer avec la mienne pendant qu'il me caressait la cuisse.
- Oh, calme-toi jeune homme, lui dis-je en sentant ses mains se poser sur mes seins.
- Désolé c'est le réflexe, répondit-il d'un ton naturel.
- Ils vont rester bien au chaud là où ils sont. Pour ce soir en tout cas.
- Serait-ce une invitation pour demain que j'entends là ?
J'éclatai de rire.
- Ce que je veux dire tout simplement c'est que je préfère qu'on y aille doucement.
- Aller doucement c'est ça même mon truc, répondit-il en m'embrassant de nouveau. Si j'avais su que tes lèvres étaient aussi douces, je t'aurais embrassé dès mon premier jour de boulot au lieu de te brusquer comme je l'ai fait.
- N'importe quoi ! répondis-je en le tapant sur le bras.
Il fouilla sa poche et en sortit une petite boîte. Il l'ouvrit et en sortit un joint qu'il avait déjà roulé.
- Je peux ? me demanda-t-il.
- Oui vas y, répondis-je. Demain c'est dimanche.
- D'accord mais avant que je ne perde toute lucidité, j'aimerais t'inviter au gala de mon père. Il m'a demandé de venir avec l'une de mes « copines » mais je n'en ai pas. Alors veux-tu être ma cavalière ?
Je fis semblant de réfléchir pendant un court moment.
- Avec plaisir, répondis-je finalement.
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Beautiful Imperfection
ChickLitQue ferais-tu si tu avais le présumé auteur de tous les malheurs de ta famille devant toi ? Que tu dois bosser pour lui, te plier à ses désidératas ?