Le dernier mois avait été éprouvant pour Étienne. D’abord, il y avait eu l’aveu du baiser à Alice, qui avait mieux pris la nouvelle que ce à quoi il s’était attendu. Puis la rupture de ses meilleurs amis. La jeune femme prenait également la chose mieux qu'il ne l’avait espéré, même si elle avait refusé catégoriquement de lui donner le motif de la rupture. Elle s’était contentée de lui dire de demander à Marc, s'il était si curieux.
Étienne n’avait pas osé. Il avait trop peur que Marc l’accuse de lui avoir prodigué des conseils stupides. Et même quand ils s’étaient vus tous les deux, son ami avait l’air perdu dans ses pensées. Il prétextait réfléchir à son cas, mais Étienne ne se leurrait pas, il voyait le changement dans l’attitude de Marc.
Marc se souvenait probablement du baiser, et Étienne l’avait définitivement effrayé. Il était distant.
Malgré la douleur morale que lui causait ce changement dans leur relation, Étienne encaissa sans se plaindre. Il l’avait bien cherché. Il se comptait chanceux que Marc continue de venir chercher ses sandwichs, même s'il avait annulé leurs dernières soirées hockey.
Pour terminer, Étienne avait pris la résolution de tourner la page. Il avait embrassé Marc, et rien de bon n'en était sorti. Cette fois, même une bouteille de rhum ne le ferait pas plier. Il allait tout faire en son pouvoir pour que Marc comprenne qu'il ne craignait plus rien en sa compagnie.
Affairé derrière son comptoir à ruminer ses pensées, il n’entendit pas la clochette annonçant un nouveau client et sursauta quand, en se retournant, il vit Marc assis sur son tabouret, une enveloppe dans les mains. Il avait une repousse de barbe, alors qu'il était toujours rasé de près. Étienne aimait bien l’effet un peu sauvage, indompté.
— Hey. Je t'ai pas entendu entrer.
— Je vois ça.
— Tu le veux à quoi, ton sandwich? demanda Étienne en se tournant vers le comptoir, où il alignait déjà pain, laitue, tomates et mayonnaise.
— J'ai déjà mangé. Je dois repartir vite, mais je voulais te remettre ça en mains propres.
Étienne fixa l’enveloppe, abasourdi par le fait que Marc avait déjà dîné. Il prit tout son temps pour ouvrir le papier kraft et parcourir la lettre.
Les poursuites étaient abandonnées.
Et en plus, il recevrait un petit montant pour compenser.
— Je te donnerai le montant forfaitaire, déclara-t-il finalement, lorsque son cerveau eut traité la bonne nouvelle. Ça sera assez pour couvrir tes frais?
Marc se leva, une main dans la poche de son pantalon, en haussant un sourcil.
— Je ne veux pas de ton argent. Considère ça comme un échange de bons procédés.
— Mais quelques sandwichs ne valent pas tout ce que tu as fait pour moi! Je n’accepterai pas un refus! J'ai économisé pour te payer correctement…
— D’accord. Alors tu paies le souper ce soir. J'ai envie de pizza. Et de ton saucisson.
Étienne n’eût pas le temps d’articuler une réponse que Marc quittait déjà la boucherie en lançant derrière lui un “Je t’attends à 17 h 30 avec le souper sur le pas de ma porte.”
Quelque chose était bizarre aujourd'hui. Pourtant le boucher veilla à suivre les instructions de Marc à la lettre. Il passa à la pizzeria et ajouta de la bière à son offrande pour la forme. Ça n’avait aucun sens que Marc refuse de le faire payer pour le temps qu'il avait passé à traiter son dossier, aussi facile eut-il été selon lui!
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Amours et charcuteries
RomanceMarc est entré chez le boucher pour un bout de saucisson. Étienne prévoyait lui offrir le sien. Alice a tout bousillé. Merci à @hyperide pour la super couverture!