Partie 1- 2037

2.3K 89 19
                                    


Green Day – American Idiot.

Le réveil était toujours difficile après un long sommeil, surtout lorsque celui-ci avait duré plus de quarante ans, quarante-neuf ans pour être plus exact. C'est ce qu'elle crut entendre lorsque la voix grave de Thélonius parvint à se faufiler à travers chaque méandres tracés par Morphée pour enfin atteindre ses oreilles et son esprit.

Durant ses sommeils qui pouvaient durer le temps de plusieurs vies, elle aimait se rappeler ses voyages en Grèce et à Rome durant la période antique : ce temps où les Hommes aimaient converser, avaient une soif de savoir insatiable et étaient presque raisonnables. Un sourire apaisé se dessina sur son visage lorsqu'elle se remémora ses souvenirs de l'été en Grèce : seulement vêtue de son chiton de lin blanc, l'air provenant de la mer Egée balayant son visage et quelques mèches de ses longs cheveux blonds simplement tressés en un habile chignon, assise sous cet olivier à écouter Platon philosopher.

Cet air paisible fut rapidement remplacé par ses paupières s'agitant aux souvenirs moins plaisants se frayant un chemin jusqu'à son esprit : 1945, l'avant-dernière fois qu'elle avait été envoyée sur Terre. Cette année-là, elle avait été chargée de choisir et de préserver les espèces qui survivraient à cette quasi-apocalypse. Ce jour d'août, elle avait vu la bombe tombée et un énorme champignon s'élever dans le ciel, preuve de la cruauté sans limite des hommes. Elle n'avait eu le temps que de sauter à travers le portail avant que celui-ci ne soit à son tour soufflé par la déflagration radioactive. Elle avait regagné Coelum traumatisée, à bout de souffle, ne comprenant pas à quel point le monde qui n'était pas le sien pouvait être si violent. Ce jour-là, elle est était tombée dans les bras de Thélonius, semblable à une enfant apeurée, elle lui avait fait jurer de ne plus jamais la renvoyer. Alors que les sanglots dévalaient son visage, il l'avait serré fort dans ses bras, tentant tant bien que mal de la calmer. Il n'avait pu lui faire une telle promesse et l'avait réveiller une nouvelle fois à la fin des années 1980, pour une visite de contrôle sur Terre. Malgré le calme relatif, elle n'arrivait pas s'ôter ses dernières images de la tête. Une nouvelle fois, elle avait regagné Coelum et lui avait demandé solennellement d'accéder à sa demande et de lui promettre cette fois qu'elle ne reverrait plus jamais ces horreurs, que cette fois elle pouvait s'endormir éternellement, et elle crut à son repos éternel, jusqu'à ce qu'elle entende de nouveau son prénom.

- Klark...

Elle était censée être morte, comment quelqu'un pouvait-il encore l'appeler et troubler son repos ? Thélonius semblait s'appuyer sur elle, même après qu'elle ait quitté ce monde.

- Klark... Il est temps... souffla-t-il une nouvelle fois en caressant son visage et en dégageant une mèche de ses cheveux blonds.

Temps de quoi ? Ne devait-elle pas dormir pour l'éternité ? Ne lui avait-il pas promis ? Ses paupières papillonnaient lourdement, ses songes essayaient d'échapper à cette voix grave alors que son corps reprenait peu à peu conscience qu'il était bien vivant, la froideur et la dureté de la table en métal sur laquelle elle était allongée ne pouvait pas la tromper. Klark luttait pour ne pas se réveiller, les bras de Morphée étaient bien plus confortables que la réalité de Coelum ou même celle de la Terre, et pourtant, cette voix l'arrachait à son doux sommeil qu'elle croyait éternel. Elle tentait en vain de s'accrocher, mais la lumière se faisant plus vive à travers ses paupières, cette voix se faisant plus distincte, le métal se faisant plus dur et froid elle savait qu'elle ne pourrait pas lutter plus longtemps. Dans une dernière tentative elle se força à maintenir ses yeux fermés, les plissant à la déraison. En vain. Comprenant qu'elle avait bien été tirée de son sommeil qui se devait être éternel, Klark ouvrit enfin les yeux... Lorsque Thélonius les voyait, il savait instantanément qu'elle était la plus belle des créatures qu'il avait pu créer : un esprit vif dans un corps presque humain si proche de la perfection. Ces yeux de la couleur des océans terriens serrèrent le coeur de Thélonius, lorsqu'il s'aperçut qu'ils étaient emplis de larmes et teintés d'un désespoir profond.

EarthOù les histoires vivent. Découvrez maintenant