Un orteil dans la cuisine

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- Chérie ?

- Oui ?

- Il y a quelque chose de pas normal ! Pas normal du tout !

- Quoi ?

- Et ben viens voir dans la cuisine, là !

- Rhô, chéri, tu m'embête, là, tu vois bien que je regarde mon émission !

- Tu regardes quoi ?

- Je regarde mon jeu préféré, "Qui veut se faire des couilles en or".

- Et bien viens plutôt regarder dans la cuisine, par terre !

- Mais qu'est-ce qu'il y a enfin ?

- Il... Il y a un orteil. Par terre. Dans la cuisine.

- (elle éclate de rire) Non mais tu te fous de moi ?

- Je te jure ! Il y a un orteil coupé, là ! Par terre !

- Tu te fous vraiment de ma gueule, toi ! Tu trouves n'importe quoi pour me faire marcher !

- Ouais ben en parlant de marcher, y a toujours un orteil dans la cuisine ! Tu devrais venir voir !

- Mais arrête un peu, c'est drôle un moment mais là c'est bon ! Je les connais, tes blagues à deux balles ! Arrête d'insister, s'il te plaît !

- Mais putain ! Si j'insiste c'est que c'est vrai ! J'insiste jamais comme ça quand je te fais une blague ! Là je suis vraiment en train de flipper ma race ! (sa voix tremble)

- Non mais il me fait vraiment chier celui-là avec son orteil !

Agacée, elle se lève du canapé et éteint la télé, parce que de toute façon tous les candidats sont cons aujourd'hui. Elle sort du salon et entre dans la cuisine, où, effectivement, elle voit un orteil, par terre, aux pieds de son mari, pétri de peur. Elle commence elle aussi à se sentir mal.

- Oh putain ! T'avais raison ! Y a vraiment un orteil ! Mais... Mais tu l'as trouvé quand ?

- Juste maintenant, en revenant de la cave. Quand je suis parti de la cuisine pour descendre à la cave, y avait pas d'orteil, il était là quand je suis revenu. Moi je trouve ça vachement flippant, pas toi !

- Ah mais grave flippant ! Et regarde, y a un peu de sang à côté je crois... (elle se penche pour mieux voir, et elle confirme) Oui, y a encore une petite flaque de sang à côté, il est pas du tout séché, c'est tout frais...

- (il devient blême, et tremble de plus belle) T... Tut... Tu tu v veux d d di dire que, que... Putain ça m'angoisse cette histoire !

- Calme toi. Moi aussi je suis pas très bien, mais il faut éclaircir cette histoire. Déjà, à qui il peut bien appartenir ?

- Ben... Je sais pas... Peut-être que quelqu'un qu'on a invité l'a perdu, et qu'il l'a laissé là sans rien nous dire... Non ça tient pas debout... Ça fait plus de trois semaines qu'on a reçu personne à la maison, et il est là que depuis quelques minutes seulement... Il appartient peut-être à l'un de nous deux ! On a peut-être un orteil en moins et on s'en est pas rendu compte !

- Tu vas trop loin là, franchement... Quoi que... C'est déjà assez bizarre comme ça... Faut vérifier... Moi en tout cas je sens mes dix orteils... Enlevons nos chaussons et nos chaussettes pour être sûrs. Faut surtout qu'on regarde nos gros orteils, parce que ça c'est un gros orteil.

Ils enlèvent tous les deux leurs chaussons et chaussettes. Ils regardent leurs pieds et ceux de l'autre, mais aucun orteil ne manque.

- Bon, au moins c'est pas un orteil à nous ma chérie. Mais à qui il peut être ce putain d'orteil à la mords-moi le nœud !

- (elle réfléchit) Peut-être à un cadavre ?

- Ou quelqun qui se cache dans la maison pour nous faire peur ? Un tueur vicieux ?!

- Attends. On s'emporte là. Qui nous voudrait du mal à part le plus sadique et vicieux des tarés ?

- Ben le plus sadique et vicieux des tarés.

- C'est vrai. Mais faut pas aller trop loin. C'est peut-être un étudiant en médecine qui est passé par là...

- Je crois que tu vas aussi trop loin là.

- Oui. Putain c'est vachement flippant cette histoire. Si ça se trouve y a un mort dans la maison avec un tueur qui se cache. Moi franchement je vois pas autre chose pour le moment.

- J'ai pas envie de te croire, mais franchement je vois pas autre chose non plus.

- Alors qu'est ce qu'on fait ? On fouille dans tous les recoins de la maison ?

- Si il y a un tueur, c'est vachement risqué. Mais je ne vois pas d'autre solution. Moi je regarde partout en haut de la maison, et toi au rez. Et même à la cave, on sait jamais.

- Oui bonne idée. Armons-nous tout de même avant l'inspection.

La femme prend le couteau à pain, et l'homme monte à l'étage prudemment. Il prend dans sa chambre sa batte de baseball. Il inspecte tout l'étage, sur ses gardes, avec une respiration saccadée et des pas tremblants. Pendant ce temps, la femme inspecte le salon, où rien ne se présente. Pareil à la cave, et toujours rien à la salle à manger. Elle se dirige maintenant vers la salle de bain, le regard vif, extrêmement concentrée. Elle s'approche gentiment du rideau de douche. Elle l'ouvre d'un geste sec et se prépare à attaquer avec son couteau. Mais derrière le rideau, il n'y a rien. De son côté, l'homme a inspecté en profondeur toutes les chambres, et même le grenier. Rien. Personne. Aucun cadavre, aucun tueur, aucun étudiant en médecine. Après toutes les angoisses qu'il a ressenti en fouillant tous les recoins, il devient plus calme. Soudain, il entend sa femme hurler dans la cuisine. Il panique et descend comme une fusée pour la rejoindre avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'elle ne soit tuée par le psychopathe à l'orteil ! Il ouvre la porte et hurle :

- Chérie ! Je suis là !

- Chéri, regarde ! Lll... Le... Là !

Elle se tient debout, pétrifiée, au milieu de la cuisine. Elle saigne du bras droit, son couteau est cassé et son pull est déchiré. Elle ne dit rien, et fixe le sol. L'homme s'approche d'elle. Il veut lui demander ce qu'il s'est passé, mais devant ses yeux se trouve un spectacle qui lui glace le sang. Par terre, l'orteil est toujours là, mais un doigt se trouve juste à côté.

À suivre...

L'absurde, c'est comme la mayonnaise: ça rouilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant