Welcome to my life

Chapitre 6

Zella est restée tout le reste de la nuit avec moi dans ses bras. Elle n'a pas bougé. Et même quand j'ai ouvert les yeux le matin et que j'ai constaté qu'elle était déjà réveillée, je n'ai pas senti de gêne ou de honte. Et elle ne m'a pas brusqué. Par contre, elle, je ne sais pas si elle a vu que je m'étais réveillé.

Je reste contre elle, j'apprécie ses bras autour de moi, ses mains chaudes posées sur mon corps qui me ramènent à la vraie vie. Puisqu'on est samedi et que je ne travaille pas, je prends le temps de réaliser pleinement les choses.

Je suis là, dans les bras d'une jeune femme qui me connaît peut-être mieux que Tom lui-même. Il y a quelque chose de bizarre et en même temps de reposant. C'est une situation que je pensais ne jamais connaître et pourtant je me sens presque à ma place. Je suis bien là, je suis en sécurité. Je sais que si jamais mes souvenirs reprennent le dessus, elle sera là pour m'aider et me tirer à nouveau dans la vraie vie, loin de mes parents et de leur traitement inhumain. Dire qu'il y a encore quelques mois, je ne pensais même pas avoir quelqu'un d'autre que mon chat dans ce lit... La vie est bizarre parfois. Tout ça parce qu'un soir, j'ai pris sur moi et j'ai aidé cette fille dans le tram.

Je m'écarte un peu d'elle, je tente de m'étirer mais sa chaleur me manque rapidement. Elle tourne la tête vers moi et me regarde avec fatigue mais surtout avec bienveillance. On n'est pas si éloignés l'un de l'autre, ça pourrait en devenir perturbant mais au fond, je m'en moque un peu. C'est la première fois que je me sens chez moi dans les bras de quelqu'un, que je n'ai pas peur des conséquences puisqu'elle sait déjà tout de moi, alors pourquoi je serais gêné ?

« Bien dormi ? Me demande-t-elle avec le sourire.

- Mieux, oui. Et toi ? Je t'ai pas trop embêté ?

- Arrête de croire que tu m'embêtes en permanence. Tu le saurais déjà si c'était le cas. »

Je souris à mon tour et murmure une excuse. On prend la peine de bien s'éveiller tous les deux puis on sort du lit presque en même temps. Comme elle n'est qu'en sous-vêtement, je vais lui chercher mon peignoir dans la salle de bain afin qu'elle n'attrape pas froid. Moi, je m'habille en vitesse d'un jogging et d'un tee-shirt seulement avant que je n'ai pu l'enfiler, elle m'interrompt d'un mouvement de main.

« Je ne savais pas que tu étais tatoué. »

Je baisse les yeux sur mon corps comme si je le découvrais moi-même.

« Ben... J'ai rien fait pour les cacher.

- Oui mais tu avais toujours des manches longues, je ne voyais rien. Alors que là... Ils sont super jolis. » Me dit-elle en s'approchant.

Elle tend sa main. Je devine ce qu'elle veut donc je pose mon poignet gauche dedans. Elle regarde mon avant-bras avec attention et appuie délicatement le bout de son index sur les lignes noires pour les redessiner. Ça me chatouille un peu mais je ne fais aucune remarque.

« Freiheit 89, lit-elle tout doucement.

- Mon cadeau pour ma majorité, lui expliqué-je.

- Oui... Ça a du sens. Et celui-là ? Demande-t-elle en me lâchant pour pointer mon flan du doigt. Qu'est-ce qui est écrit ?

- Nous n'arrêterons jamais de crier, nous retournons à nos origines. »

Elle fronce les sourcils. Je me sens obligé de me justifier.

« J'ai fait ça parce que... Tom a commencé à un peu se rebeller contre nos parents quand on avait dix-sept ans... Même s'il n'a jamais pris de gros risques pour moi. De toute façon, c'était peine perdue. Il aurait pu défoncer la maison, nos parents seraient resté les mêmes, soupiré-je. Mais à partir de ce moment, il m'a plus aidé, notamment dans mes études. Je faisais beaucoup le con, lui expliqué-je tout en tordant mon tee-shirt entre mes doigts, j'avais des notes de merde et j'arrivais pas à remonter la pente. Si je voulais mon diplôme, il fallait que quelqu'un m'aide et ça a été mon frère. Il y a eu une courte période comme ça où on s'est un peu serré les coudes... Alors j'ai eu l'idée de faire ce tatouage pour me rappeler que même si ma famille était pourrie, j'avais toujours Tom. Et même si je n'en ai aucun souvenir, j'imagine qu'avant nos trois ans, avant que tout ne commence à partir en vrille, lui et moi étions très proches. Finalement, il est tout ce qui me reste même si ça ne tient pas à grand-chose. On est très différents malgré tout. Lui, il a eu une enfance plutôt heureuse et il n'a jamais totalement remis en question mon traitement alors que moi... »