Harriet se tenait dans l'embrasure de la porte, les épaules légèrement voûtées mais le menton haut, comme pris d'un reste de fierté. Ses cheveux dégoulinaient sur son manteau. Il s'était mis à pleuvoir, dehors, et elle devait se concentrer pour ne pas trembler de froid.
Elle fit un pas dans la direction de sa femme, qui ne dérangea pas d'un pouce l'orientation du canon de son arme. C'est-à-dire la figure de John.
-Je t'ai cherché partout, lança Clara d'une voix étrangement douce.
Harry haussa les épaules.
-Je ne voulais pas que tu me trouves.
-Mais John, si ? Cracha la mafieuse.
-John, c'est différent. Il a l'habitude. Il sait toujours comment me retrouver.
-Il ne te comprend pas.
-Non. Mais il a un instinct bizarre, quand il s'agit de protéger les gens auxquels il s'attache. Qui, allez savoir pourquoi, sont tous un peu cassés. Peut-être qu'on a tous quelque chose de suicidaire, dans la famille. Ou maso.
-Cassé ? Releva Sherlock, un peu vexé.
-Fait pas attention, rétorqua John. Ma sœur s'est toujours prise pour une poète.
Harry plongea son regard dans celui du détective consultant. Son visage arborait un air profondément grave. Elle avait désalloué, mais Sherlock pouvait aisément discerner sur elle les traces de l'addiction.
Et soudain, l'attitude que John avait parfois à son égard se teinta d'un nouvel éclairage. Il n'avait jamais pris en compte les sentiments de son ami lorsqu'il se droguait. Jamais imaginé que ça pouvait le toucher autrement que parce qu'il était docteur et désapprouvait ses actes, ou parce qu'il s'inquiétait de sa santé. Il se rendit compte que John avait dû s'occuper de l'addiction de sa sœur durant toute son adolescence. Il se rendit compte qu'à chaque fois que John le retrouvait à moitié groggy, ça le renvoyait à cette époque, à cette culpabilité et à cette impuissance qu'il avait dû ressentir alors. Il se rendit compte de la force qu'il avait fallu que John mobilise pour rester à côté d'un homme qui le renvoyait régulièrement aux heures les plus sombres de son enfance.
Harriet ne pouvait pas deviner ce qui se passait dans l'esprit de Sherlock, qu'elle n'avait jamais vu que de loin, mais elle comprit l'affection du regard qu'il porta sur son amant. À cet instant, il y avait presque autant d'affection dans ses yeux à elle.
Elle n'avait jamais voulu aimer son frère. Elle se sentait trop coupable vis-à-vis de lui pour se le permettre. Mais tout à l'heure, elle l'avait envoyé à la mort, et elle avait bien été obligée d'imaginer un monde où il ne serait plus... Elle avait été surprise de se rendre compte à quel point ça lui faisait mal. À quel point John, même s'ils ne se voyaient jamais, même s'il la détestait et qu'elle lui faisait les pires crasses, comptait pour elle. Elle ne pouvait pas laisser Clara le tuer. Cette faute-là, jamais elle ne se le serait pardonné. Jamais.
Elle porta son regard sur sa femme, qui lui jeta un regard blessé, plein de jalousie. Harriet savait que Clara l'aimait. Elle l'aimait d'un amour possessif et malade, mais elle l'aimait.
-Clara, commença-t-elle. Ne fais pas n'importe quoi. Si tu blesses mon petit frère, je ne te le pardonnerais pas.
John ouvrit des yeux ronds, stupéfait.
La poigne de la mafieuse se serra autour de la crosse. Harry ne lui avait jamais dit qu'elle l'aimait. Elle ne lui parlait jamais tendrement, ne lui disait pas de mot doux, même pendant l'amour. Elle avait fini par en prendre son parti, se disant que c'était sa façon d'être. Mais voilà ce frère sorti de nul part... Et voilà que Harry lui disait à lui, à demi mot...
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Les Tribulations amoureuses de Gregory Lestrade (Mystrade - Johnlock)
FanfictionLa suite des Turpitudes de monsieur Holmes... Si vous lisez cette histoire sans passer par le premier tome, certaines choses risquent de vous échapper ;) Mycroft se réveille désormais chaque matin aux côtés de Gregory, pour son plus grand bonheur. I...