3 - ADA

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Ada, allongée sur le matelas défoncé qui lui servait de lit, s'ennuyait ferme. Son frère, qui la retenait captive, avait emmené sa voisine de cellule passer un interrogatoire. Dans la pénombre qui régnait elle essaya tant bien que mal d'entretenir ses ongles - absolument sales. Après un long soupir d'ennui, elle se leva et se posta à la petite fenêtre, depuis laquelle elle avait une superbe vue sur la ville qui s'étendait jusqu'au fond des montagnes. Mais avec la tombée de la nuit elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Elle ferma les yeux, se concentra et les rouvrit. Elle se tenait maintenant au coin opposé de sa cellule. Son frère avait vraiment bien pensé le sort qui la maintenait prisonnière. Elle ne pouvait même pas se téléporter en-dehors de sa prison. Elle se rassit sur son lit et sortit le papier qu'elle regardait chaque soir avant de s'endormir. Il s'agissait d'un autoportrait de sa voisine, à qui elle parlait depuis des mois, sans avoir jamais vu son visage. Ada essaya de le mémoriser une nouvelle fois et ferma les yeux pour l'imprimer dans sa tête. Soudain, elle entendit la porte des cachots s'ouvrir et rangea le papier en vitesse. Elle ne voyait pas ce qui se passait derrière ses barreaux, il n'y avait pas de lumière. Elle entendit des pas et la porte claqua de nouveau. De l'autre côté du mur, sa voisine toussa.

- Rose ? demanda Ada. Tu es revenue ?

- Ouais, répondit une voix enrouée. En pleine forme.

Elle eut une nouvelle quinte de toux.

- Ca s'arrange pas ta toux on dirait, se désola Ada. Ils t'ont rien donné ?

- Non, ils ont dit que ça passerait. De toute façon ils peuvent pas me tuer, ils ont besoin de moi, comme de toi.

- Tu parles, railla Ada, je préférerais mourir plutôt que d'être utile au plan de mon frère.

- Dis pas ça, qu'est-ce que je deviendrais sans toi ? fit Rose, la voix un peu étouffée à cause du mur. Personne avec qui discuter avant de dormir... Et puis, j'ai envie de savoir à quoi tu ressembles !

- Dommage que je ne sois pas aussi douée que toi pour le dessin, rit Ada.

Elle s'allongea sur son lit. A peine sa tête avait-elle touché l'oreiller que la porte des cachots s'ouvrit dans un bruit sourd. Des pas lourds s'approchèrent de sa cellule et sa porte grinça. Henrik, le soldat stagiaire qu'Ada détestait, l'empoigna par le bras et la tira en dehors de sa cellule sans un mot. Ada se contenta de le suivre, sachant qu'elle serait séparée de Rose si jamais elle commençait à protester. Henrik l'emmena dans la salle à manger du château. En bout de table se trouvait son frère. Henrik la fit s'asseoir en face de lui et quitta la pièce, la laissant seule à seul avec son frère.

- Alors soeurette, toujours pas tentée de coopérer ? demanda son frère, en buvant une gorgée de son verre.

- Plutôt mourir.

- C'est bien dommage dis-moi.

- Laisse tomber Adam, répliqua la blonde, je t'ai prévenu il y a des années, je ne t'aiderai jamais dans ton plan.

- Ca ne t'intéresse pas de gouverner ? fit Adam, réellement intéressé par la réponse de sa soeur.

- Pff, ce n'est pas parce qu'on a des pouvoirs qu'on doit se croire supérieurs. Pour moi, la chute de la République a été une bonne chose. Les gouvernements étrangers n'en pouvaient plus, et nous non plus.

- N'importe quoi, répliqua Adam. Nous sommes au-dessus des gens normaux, c'est donc tout à fait normal que nous les gouvernions tous.

Il s'enfonça dans son siège et regarda Ada dans les yeux.

- De toute façon, heureusement que la République est tombée. Ca ne marchait plus, le peuple commençait à avoir des doutes.

- C'est de ta faute ça, dit Ada, en lançant un regard noir à Adam.

- C'était de la faute de Père, tu le sais autant que moi. Et puis, qu'est-ce que les « ont-dit » disaient déjà ? Que les gouvernements étaient contrôlés par des Reptiliens ? Des Illuminati ? Il y avait une histoire de théorie du complot, n'est-ce pas ? Dans l'idée ils n'avaient pas tort.

- Ca ne serait jamais arrivé si Père avait su tenir ses troupes. A cause de ces satanés Polymorphes, on a presque été découverts. Enfin « on ». Je ne sais pas quelle polémique Père aurait créée mais en tout cas, les choses auraient été bien compliquées. Je ne vois pas pourquoi tu souhaites faire renaître la République d'ailleurs. Je te rappelle que tes troupes sont quasiment toutes anéanties et que les membres du Camp sont bien plus nombreux que vous.

- Ces stupides mages ne feront pas le poids face à l'armée que je suis en train de rassembler, répliqua Adam en se levant. Tu n'es pas sortie depuis longtemps, mais je peux t'assurer que le gros de mes forces a au moins triplé. Nous allons nous débarrasser de ces enquiquineurs et je pourrai enfin terminer la mission qui m'a été confiée. Nous serons enfin reconnu à notre juste valeur, nous, les mages et tous ceux détenant un Don, et nous ne serons plus obligés de nous cacher ! Les choses vont changer Ada, que tu le veuilles ou non, elles vont changer.

Adam se plaça devant sa soeur, l'air triomphant.

- Tu vas assister à la naissance du Premier Empire, dirigé par moi, Prince Adam Premier du nom.

Avec un ricanement sinistre il fit volte-face et sortit de la pièce, laissant une Ada désemparée aux mains d'Henrik.

Axel White - l'EluWhere stories live. Discover now