Les Chroniques des Souvenirs : L'Épée des Walysts

18)

Adriel avait passé une bonne dizaine de minutes à réconforter Ruth, complètement sous le choc. Il ne l'avait jamais vu terrorisée à ce point.

- J'en ai marre Adriel, sanglota-t-elle, quand aurais-je le droit de vivre une vie normale, sans que quelque chose ne vienne constamment gâcher mon existence ? Je ne demande rien d'autre que de mener une destinée sans aucun problème surnaturel...

Adriel lui frottai le dos, il savait qu'elle devait vite se remettre de ce qu'Elov lui avait fait subir. Car on l'attendait, et il ne se doutait pas des conséquences qu'entraîneraient son absence à cette cérémonie. Il se pencha vers elle et lui releva doucement le menton, avec autant de délicatesse qu'il le pût de peur que comme une statue de verre elle ne se brise entre ces doigts. Il la força à le regarder dans les yeux. La voir si faible, si perdue le chagrina.

- Ruth... il y a quelques temps tu m'as demandé de te dire comme se comportait la Ruth d'il y a cinq ans. Et j'ai refusé. Aujourd'hui, je reviens sur ma décision car je sais que la Ruth que nous avons connue existe encore en toi.

Ruth le fixa surprise et encore légèrement désorientée. Elle ne s'attendait pas à ça. Elle le voyait lui faire quelques remontrances sur ces paroles et lui promettre qu'elle aurait une vie banale. Mais elle comprit. S'il ne lui promettait pas, c'est parce qu'il savait pertinemment que jamais ce souhait ne pourrait être exaucé.

- La Ruth que je connaissais avait une fierté qu'on ne pouvait égaler. Elle était franche, sûre d'elle et surtout, elle ne baissait jamais les bras. Elle ne connaissait pas le mot perdre, pour elle, même le perdant était gagnant. Il gagnait même d'avantage que le vainqueur. Il apprenait de ses erreurs, ce qui le rendait plus mature. Elle aimait plus que jamais ce royaume et se serait sacrifier pour lui, elle a été la seule à percevoir son potentiel. Elle arrivait toujours à voir le meilleur des gens. Tu arrivais toujours à voir le meilleur des gens. Et je suis certain que tu le peux encore. Tu as le plus gros cœur en or que je connaisse Ruth, et ça, malgré ton amnésie, ne peut avoir changé.

Ruth se sentit écraser par ces souvenirs oubliés. Celle, que tous disaient qu'elle était autrefois, était si noble. Et elle se rendit immédiatement compte qu'elle n'était pas à la hauteur... pour l'instant. Mais un jour, elle redeviendrait cette Ruth. Elle se releva et offrit un pauvre sourire à Adriel.

- Merci pour cette confidence, Adriel, je vais mieux. Je vais me préparer pour cette cérémonie. Il ne faudrait pas qu'en plus je sois absente.

Adriel lui rendit son sourire avant de quitter la pièce avec un dernier encouragement. L'esprit de Ruth se mit en route. Depuis le début, elle se laissait faire. Son demi-elfe d'ami avait raison, elle subissait la situation. Elle qui détestait plus que tout de ne pas mener sa vie comme elle le souhaitait, depuis qu'elle était ici et que toutes ces certitudes avaient changés, elle s'était elle-même perdue. Il fallait qu'elle se reprenne en main. Plus que jamais, il était temps qu'elle se réveille.

Elle défit sans ménagement le chignon que les servantes lui avaient fait, libérant la longue cascade dorée qui lui servait de chevelure. Fini les artifices ridicules de cette société lui rappelant l'époque des Lumières. Elle espérait que contrairement à ces ancêtres, les gens de cette Haute-société se lavait comme il fallait et ne faisait pas que se parfumer, car elle sentait sinon que la soirée allait être longue. Elle se démaquilla sans faire d'histoire.

Elov avait raison sur un point, elle était ridicule, ainsi accoutrée. Elle quitta cette robe des plus embarrassantes, et qui-plus-est, laide et la troqua pour une de ces éternelles robes en mousselines avec deux larges bandes de tissus se croisant dans son dos en partie dénudée. Voilà quelque chose qui lui correspondait bien plus.