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La tempête ne s’arrêta qu'une bonne heure plus tard. Elov avait été insupportable, exécrable même, se plaignant de la nonchalance et de l’imbécilité de cette Ondine qu'il qualifiait de « gamine ». Il semblait s'arracher les cheveux, prenant en témoin son camarade et le nain. Mais Adriel ne prenait pas part de ce laïus et guettait dans le torrent de boue, le moindre signe de son amie. Il était mort d’inquiétude et n’était pas le seul. Grope jurait de temps en temps. Le gobelin n'avait pas été très gentil avec la jeune fille, mais cela aurait été mentir de dire qu'il ne l’appréciait pas un peu.

Adriel crût même qu'il allait se jeter à l'eau pour la chercher. Son absence le rendait fou. Il avait tellement voulu la retrouver. Et elle était revenue. Et il l'avait perdu une nouvelle fois. Il ne se le pardonnerait pas. Peu importe comment, il fallait qu'il la retrouve. Elle ne semblait pas vraiment s'en rendre compte, mais il avait désespérément besoin d'elle. Il était comme ce monde. L'absence de l’Ondine, l'absence de Ruth, le faisait se détériorer et il avait mûri encore plus vite qu'il n'avait vieilli. Il n’était qu'un gamin quand elle était partie.

Mais il ne l'avait pas oublié. Elle était restée ancré dans ses pensées comme une bouée à laquelle se raccrocher. Il avait l'impression de la voir partout. Il avait même crû devenir fou. Son image, imprimée dans sa rétine, tournait parfois à l'obsession. Il fallait l'avouer, il avait fait beaucoup de bêtises pour tenter de l'oublier. Mais à son retour il avait compris. Il ne pouvait tout simplement pas l'oublier. Alors il ne pouvait pas rester là à se tourner les pouces.

Avant que l'un de ses camarades ne comprenne son attention, il sauta dans le courant encore relativement fort. Cependant pas assez pour l’emporter. Elov lui cria après :

-Mais qu'est ce que tu fais Adriel ? T'es complètement fou !

-Désolé Elov, mais je ne peux pas rester là ! Je vais la chercher !

Et il partit bravant l'eau sauvage s'engouffrant entre ses jambes avec violence et les racines, invisible dans le liquide trouble, voulant lui faire perdre l’équilibre. Elov jura tout haut :

-Mais c'est qu'il est sérieux ! Il est complètement timbré, mon œil ! S'il croit que je vais le suivre dans sa folie !

-Non, il est juste bien plus humain que toi alors qu'il n'est humain qu'à moitié. Rétorqua Grope. Mais il semblerait que tu sois trop imbécile pour comprendre. Moi aussi j'y vais !

Ce dernier ne sauta pas dans la tourmente, mais emprunta une voie bien anormale pour un être de Terre, aux habitudes bien plus ancré dans le sol que dans les airs. Il se baladait d'arbres en arbres, traversant la limite entre deux de ces centenaires, sur les branches qui était assez solide pour son poids et créait de vrais ponts aériens.

Elov jura dans une langue inconnue avant de fixer quelques instants le ciel. Le soleil pointait déjà son nez, éclairant la scène qui l'entourait. Il jura encore une fois et sauta dans l'eau. Celle-ci lui arrivait au niveau des hanches, rendant le tissu de son pantalon lourd et limitant ses mouvements. Mais comme Adriel, il avança au ralenti, guettant le moindre signe de cette gamine.

Elle allait le rendre fou, c’était sûr. Déjà que son arrivée et sa fuite l'avait surpris, et frustré, il fallait l'avouer, mais le fait de la voir là devant lui, aussi insouciante, malgré ce qu’elle avait fait, le révoltait. Il savait qu'il n'aurait pas dû lui en vouloir ainsi dès le départ. Il n'avait fait que renforcer la distance entre eux. Mais c’était plus fort que lui, son visage d'ange cachait un lourd secret.

Elle l'ignorait, du moins c'est ce que défendait Adriel, qu'elle avait perdue la mémoire. Mais en même temps, il doutait de sa transparence. Elle était la grande responsable de tout ce qui était arrivé il y a cinq ans, et faire semblant d'oublier était un excellent moyen d’éviter les reproches et la sentence qu'elle méritait. C'est la raison pour laquelle il était si empressé de rentrer à Aēllian. Pour savoir enfin la vérité. Et s’il s’avérait qu'elle était bel et bien coupable, il n’hésiterai pas une seconde. Il la tuerai. De ces propres mains. Il était résolu à le faire.

Les Chroniques des Souvenirs : L'Épée des WalystsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant