27.

1.1K 90 3
                                    


Les jours passent, identiques et merveilleux.

Sayo me rejoint dans mon appartement dès que son copain part au travail. Elle m'explique qu'elle est au chômage depuis des mois, et que Mathéo l'empêche d'aller postuler. Elle a trop peur d'être accepté pour un poste et de ne pas pouvoir y aller le lendemain à cause d'un coquard lui défigurant la joue.

On regarde des films, on s'occupe des fleurs dans la cour de l'immeuble, on lit des bouquins allongées sur mon lit en mangeant des Petits Ecoliers. Elle me fait des chocolats chaud avec des marshmallows et de la canelle sur le dessus.

On fait l'amour dans tous les coins de mon appartement, salle de bain, table de la cuisine, canapé, tapis, lit, parquet, contre la fenêtre, sur le balcon en pleine journée. Je suis assoiffée de sa peau de ses baisers de la façon dont sa bouche s'entrouvre lorsqu'elle gémit et de la couleur de ses joues au milieu de l'orgasme.

Parfois, on sort dehors. On va au parc ou faire les magasins. Mais Sayo ne se sent jamais tout à fait en sécurité et refuse de me prendre la main. Ca me rend un peu triste.

Comme des choses comme ça, par exemple :

-Dis, tu vas lui dire ?

-Quoi ?

Elle ouvre mon frigo et attrape du fromage rapé. On a décidé de se faire une pizza pour la soirée, comme Mathéo ne dort pas à l'appartement.

-Euh... Que tu veux le quitter.

Son geste s'arrête immédiatement et elle se retourne, le visage crispé.

-Tu es folle ? Il me tuerait.

Je soupire légèrement et m'approche d'elle, la prenant délicatement par la taille. Je sais que ça la détend, quand je fais ça.

-Mais tu ne vas pas rester indéfiniment avec lui...

-Je ne crois pas non.

Je la lâche. Ma voix se fait plus coupante :

-Tu ne « crois » pas ? Mais Sayo, merde ! Il... Il est violent avec toi. Tu ne peux pas rester avec ce monstre. Il faut que tu le quittes, que tu dises stop une bonne fois pour toute. Il y a un numéro d'urgence pour ça, la police, je ne sais pas, mais... Mais il faut que ce malade soit arrêté !

-Ne crie pas !

Elle se retourne et me pousse d'une main, les yeux rouges et pleins de larmes.

-Arrête, tu... Tu peux pas savoir toi ! C'est facile, tu vis toute seule, t'as pas de copain et ton ex est adorable, t'a jamais vécu ce que je vis, c'est pas aussi simple que de mettre la clé sous la porte et d'envoyer l'autre aller se faire foutre et puis... et puis j'ai peur de lui mais je l'aime quand même, je veux pas, je refuse qu'il lui arrive du mal, imagine qu'il aille en prison à cause de moi ? Je peux pas lui faire ça putain !

Je ne dis plus rien. Je la regarde sangloter, la tête entre ses paumes. Je suis incapable de faire un mouvement vers elle, j'ai trop mal. Mais qu'est-ce qu'il lui a fait bordel ? Quelle pression psychologique et physique vit-elle depuis des mois, des années peut-être pour qu'elle se persuade à ce point que ce mec n'est pas nocif, qu'il ne faut pas qu'il soit arrêté, qu'elle l'aime et qu'il mérite encore de belles choses après tout ce qu'il lui fait subir ?

Lentement, je m'avance et finit par la prendre dans mes bras. Elle s'accroche à mon t-shirt et me murmure de la pardonner pour m'avoir poussé. Je la serre plus fort contre moi. Pour la première fois, j'ai un peu peur pour notre avenir.

Love is a losing gameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant