EPILOGUE

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La fin de l'histoire ? Je n'en sais rien.

Je crois que Sayo s'en sort. Je crois qu'elle frappe Mathéo très fort dans les jambes. Je crois que le pistolet tombe au sol, sous le canapé. Je crois que le temps se retourne d'un seul coup, qu'elle se relève, qu'elle ne se laisse plus faire, qu'elle l'écrase à son tour. Je crois que c'est ce qu'il mérite.

Mais des centaines de femmes meurent chaque année sous les coups de leur mari.

Et des hommes aussi, même si on en parle moins.

Alors je ne sais pas.

Peut-être que Mathéo tire. Un coup sec, un coup droit. La balle qui s'enfonce dans la tempe de Sayo, le sang qui gicle. Mathéo qui recule. Lumière aveuglante. Il a du sang sur les mains. La porte derrière lui s'ouvre brusquement, les policiers entrent sur la scène du crime. Menottes. Prison.

Love is a losing game.

Peut-être que Mathéo ne tire pas. Peut-être que les flics arrivent à temps. Menottes. Prison. Charly récupère Sayo. Elles fuient ensemble. Elles reconstruisent une autre histoire, plus belle. Elles arrivent à vivre. Il n'y a plus de violence. Elles font l'amour. Elles se disputent quelque fois mais ce n'est pas grave, jamais elles ne lèvent la main l'une sur l'autre. Jamais.

C'est la fin que je voulais écrire au début. Maintenant je ne sais plus.

Parce que des centaines de femmes meurent chaque année sous les coups de leur mari.

Et des hommes aussi, même si on en parle moins.

La fin, voilà, je ne la connais pas.

Inventez là. Ou non. Comme vous voulez. Quelle importance ?

La fin de la vie c'est la mort, et je n'ai pas envie d'écrire la mort ici. Choisissez là à ma place, ou repoussez là de toutes vos forces.

Abattez Mathéo, laissez le en vie.

Abattez Sayo, laissez la en vie.

N'abattez personne, faites tomber un rideau noir sur les deux appartements, n'y retournez jamais, quittez cette histoire, laissez là vous hanter. O u b l i e z.

Il y a eu toutes ces images.

Il y a eu cette histoire d'amour.

Belle, lumineuse, saisissante.

Il y a eu cette violence.

Affreuse, noire, terrifiante.

Que reste t-il ?

Pour vous, rien.

Un vide béant que je ne vais pas remplir ni creuser davantage.



Mais la caméra se rallume toujours, à la fin d'un générique.



C'est un gros plan sur une table. Une photographie y a été posé, comme par inadvertance. Une photographie en noir et blanc. Regardez.

C'est la dernière image de cette histoire.

(Murmurez ça. Vous êtez dans le noir. La photographie danse sous vos yeux. Murmurez ça.)


Sayo.

Une photo en noir et blanc, un grain mat et sec.

Sayo recroquevillée dans le fond d'une baignoire.Un regard noir et profond. Des marques sur les bras, un hématome visible sur le haut de sa hanche, et sur son sein droit. Et une brûlure sur le côté de la tempe.

Sayo, l'épaule droite sous le filet d'eau claire de la baignoire, la moitié du corps mouillé, l'autre prête à se battre.

Sayo en position de faiblesse et qui pourtant n'a jamais paru si forte.

Le regard d'une femme qui n'avait jamais rien dit. Le regard d'une femme qui n'a plus peur de rien, qui parlera pour tout.e.s les autres, celles et ceux qui n'osent pas, celles et ceux qui n'en auront plus jamais l'occasion, celles et ceux qui seront les prochaines victimes.

Le regard d'une femme qui dira les choses à travers le papier glacé d'une photographie.

Le regard d'une femme qui transpercera les mots.

Sayo.

Nuit.


Une nuit sans fin.

Une fausse nuit.

Une nuit d'éclipse solaire.


Une nuit qui prend toujours fin, un jour.


Et c'est à toi de choisir quand.

Love is a losing gameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant