Chapitre 14

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Loïc s'était accroupi près de moi, inquiet de m'avoir vu lâcher prise de la sorte. Il finit cependant par porter son attention sur Ethan, que je fixais depuis le début. Ses traits s'étaient adoucis et il avait revêtu une tenue d'un classique élégant, le montant d'un rang plus haut dans la société. Au coin de sa chemise, on pouvait distinguer une broche où son nom était inscrit. Tout de suite, je compris la raison de sa disparition. Il avait trouvé une opportunité, et comme je ne pouvais pas y participer, il avait préféré fuir. Je ne savais pas comment réagir. Ma rancœur était telle que j'aurais pu lui cracher dessus et lui arracher ses vêtements de bon vivant. Mais, malgré sa faute, je l'aimais comme un frère et je ne pouvais pas lui reprocher réellement. Ou si je le faisais, extérieurement, il ne le remarquerait pas. 

Je passai mes mains sur les bras de Loïc et me remis debout, pressant le pas jusqu'à arriver à la hauteur de mon meilleur ami. Il me regardait, un sourire maladroit sur le visage. Bon dieu, mais quel con. Je pinçai mes lèvres et m'enfermai dans ses bras, sentant sa carrure devenue conséquente me surplomber de toute sa grandeur. Le chorégraphe nous surveillait, le faciès crispé traduisant un air de jalousie. 

« Comment tu m'as retrouvé..? Commençais-je. 

-Je t'ai vu, un matin, entrer dans cette salle. Il passa une main dans ses cheveux. Je travaille pas loin d'ici. »

Je sentis ma salive se frayer difficilement un chemin dans le fond de ma gorge. Il avait trouvé de quoi se sortir de la misère des rues, j'avais raison. Je m'étais faite abandonnée comme un vieil objet dont on ne trouve plus l'utilité. Par opposition, je me sentais heureuse pour lui, parce qu'il méritait tout le bonheur du monde. Ma chair était emplie de naïveté. 

Il plaça ses mains au niveau de la limite entre mon cou et mes joues. D'ici, je pouvais entendre le jeune Belge marmonner sur cet élan d'affection. 

« Ma belle, pardonne-moi pour tout. Ce n'était pas mon but de te lâcher de la sorte, mais je ne pouvais pas faire autrement.. 

-Tu m'as vraiment mise au plus bas quand même, Ethan.. Dis-je, en m'éclaircissant la voix. Mais je n'ai plus la force de me fâcher avec toi, alors maintenant, oublions tout ça. » 

Je pardonne beaucoup trop facilement, je me plis face aux gens lorsqu'ils reviennent, même s'ils m'ont fait du mal, seulement parce que je les aime. Mon seul argument ? La vie est trop courte, sans doute. 

Je me retournai vers mon petit-ami, qui ronchonnait encore. Je revins vers lui, attrapai son visage et lui volai un bisou. 

« C'est Ethan.. mon bras gauche. Déclarai-je, pour lui rappeler la conversation vis-à-vis de mon histoire. » 

Son expression se refroidit brusquement. 

« Tu l'excuses comme ça, avec la peine qu'il t'a causé..? »  

Je baissai les yeux et acquiesçai honteusement. Il n'avait peut-être pas tort. J'espérais qu'il ne se fâcha pas, c'était la dernière chose que je souhaitais. Sans un mot de plus sur le sujet, et sûrement pour me rassurer, il me donna une petite étreinte. 

« Aller, on continue de répéter. Murmura-t-il. »

Je montai une nouvelle fois sur la scène, lançant un petit sourire à Maria. D'ailleurs, en parlant de cette jeune fille, elle assimilait de mieux en mieux les pas et ça me plaisait de la soutenir, comme j'aurais voulu qu'on le fasse pour moi à son âge. Loïc, avant de remettre la musique en marche, fit signe à Ethan de s'asseoir. J'étais persuadée qu'il avait de la haine contre lui parce que j'avais souffert de sa faute. Toujours est-il qu'il respectait ma décision, bien qu'il y était plutôt opposé. Une pierre précieuse cet homme. 

Sous le regard d'Ethan donc, je me mis à danser, et ce pendant quelques heures encore. 

Vers vingt-deux heures, je passai la porte de la chambre d'hôtel de Loïc. Épuisée, je m'assis sur le lit, retirant les baskets chaussées à mes pieds et récupérées d'une danseuse, encore une fois. Le jeune homme était pensif ce soir, ayant des gestes instinctifs et ordinaires. Il se posa à mes côtés, s'allongeant de tout son long sur la couette blanche. Je me positionnai de la même manière que lui, passant ma main sur la sienne. Il tourna son regard dans ma direction et tapota le haut de sa poitrine, où je ne tardai pas à installer ma tête. Tandis qu'il se mettait à caresser mes cheveux, je pouvais sentir sa respiration me les chatouiller délicatement. 

« Il y a un problème, Lo' ? Demandai-je, cassant la douce tranquillité de la pièce.

-Vu que tu as retrouvé Ethan, tu vas me laisser ? Enchaîna-t-il. »

Je me redressai précipitamment, les yeux écarquillés. 

« Mais ça va pas ou quoi ? Il est très important pour moi, enfin beaucoup moins qu'avant étant donné ce qu'il m'a fait, mais pas autant que toi.. tu surpasses tout petit prince. »

Il se remit droit à son tour et colla son dos à la tête de lit. 

« Petit prince ? Questionna-t-il, avec un fin sourire. 

-Ah pardon, mon petit prince. » 

Il étouffa un petit rire, puis appuya son pouce sur le bord de mon menton, m'embrassant tendrement par la suite. J'entourai son cou de mes bras et répondit à son baiser, mes paupières se fermant automatiquement. Non, je ne pouvais pas retourner avec Ethan comme si rien ne s'était passé entre Loïc et moi. Loïc avait dégoté une place dans ma vie que mon meilleur ami n'avait jamais réussi à atteindre. Ancré là, une force surnaturelle l'empêchait de s'en retirer.  

Le brun termina par se décoller peu de temps après, ce qui me valut une légère incompréhension. 

« Je voudrais te révéler quelque chose.. »

Il se pencha et attrapa sa tablette déposée sur le coin de la table de nuit. 

« Je chante depuis un bon moment, et rare sont les personnes qui les savent. Dit-il, glissant son index sur l'écran. Et ce que je chante, je l'ai écrit au préalable. Il releva les yeux vers moi. J'aimerais bien te faire écouter, tu veux bien ? »

D'un sourire immense, j'acceptai sa proposition. C'était une surprise totale, jamais je n'aurais pensé qu'il chantait également. Il lança une musique instrumentale, avec un fond d'atmosphère pesante, en appuyant sur le centre de sa plaque tactile. Avant de se mettre à chanter, il se munit de plusieurs feuilles où des phrases se trouvaient griffonner. Il commença à faire entendre le son de sa voix. Ses intonations étaient douces comme elles pouvaient se montrer d'une puissance incroyable. J'en eus la chair de poule. Il chantait en anglais, et le seul mot que j'avais réussi à reconnaître et qui revenait pas mal dans les paroles était "Whisperers". Je ne le comprenais pas, certes, mais je l'avais différencié des autres, quand même. 

A la fin, lorsque le rythme se dissipa peu à peu, je restais subjuguée. Il dansait comme un roi et en plus, il chantait de la même façon. Je ventilai légèrement mon visage, sentant des larmes perlées aux coins de mes yeux. 

« C'est magnifique Loïc, magnifique. » 

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