Chapitre 15

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Trois semaines passèrent et le jour du tournage arriva, jour que je redoutais depuis le début des répétitions. Devant le miroir, j'examinais mon visage, luisant de tous les côtés d'une manière peu naturelle. Mes cils supérieurs avaient doublés de volumes et au-dessus d'eux était tracé une épaisse ligne noire. Et pour terminer, une couleur rouge prononcée colorait mes lèvres. Je n'étais pas énormément maquillée, mais ces artifices suffisaient à me troubler. J'avais la forte impression de m'être retrouvée écrasée sous une armée de paillettes magiques, qui m'avait changé toute entière. Au niveau de la tenue, elle était totalement noire. Je portais un haut court à longues manches en dentelles, surmonté d'un col arrivant à la moitié du cou. Le bas, quant à lui, était constitué d'un short en tissu où un jupon en voile était accroché, fendu sur le côté droit. Même si le plus dur pour moi durant ces dernières semaines avait été de danser pieds nus, aujourd'hui, je n'avais rien de chaussé aux pieds. Le film cinématographié s'avérait être sur le thème de l'horreur et l'ambiance créée devait se montrer troublante, inquiétante. Tout était réfléchi, des cheveux jusqu'aux orteils. 

« Dans dix minutes, ça tourne ! Annonça une voix dans un haut parleur, que je parvenais à attendre de ma loge. » 

Je massai mes tempes pendant quelques secondes, fixant toujours mon reflet. Prenant une profonde respiration, je cambrai doucement mon dos en plaçant mes bras à hauteur de mes épaules comme pour étirer toute la partie supérieure de mon corps. J'essayais de me détendre, le plus possible, afin d'éclater sur le plateau. 

L'enclenchement de la poignée de porte me fit sortir de ma phase d'évasion. Je me tournai vers la personne et sourit automatiquement en découvrant Loïc. Il l'avait dit, qu'il passerait me voir avant l'enregistrement. Avant de s'approcher de moi, il examina un instant mon costume. Alors que je pensais être correctement apprêtée, il fronça les sourcils et regarda autour de lui. Lorsqu'il eut remarqué une palette de fards crèmes, il l'attrapa tout en se munissant d'une éponge à maquillage. 

« Qu'est-ce qu'il y a ? Demandai-je. 

-Je leur avais demandé de donner à tes genoux un effet "d'usure", mais visiblement ils ne m'ont pas écouté. »

Il dissimula un soupir et s'accroupit à hauteur du milieu de mes jambes, frottant l'éponge contre plusieurs couleurs foncées telles que le noir, le vert et le violet. Il les tapota rapidement sur mes genoux, déplaçant un peu mon jupon pour le deuxième. 

 « Tu es vraiment perfectionniste Lo', ça va même pas se remarquer derrière la caméra. »

Je souriais toujours et il se positionna face à moi, ayant au préalable reposer tout son matériel. Il essaya ensuite de se débarrasser des traces de cosmétiques qui s'étaient invitées sur ses mains et secoua doucement la tête.

« J'aime que tout soit propre, ce serait bien qu'on réussisse à enchaîner du premier coup la chorégraphie entière sans passer par la case "remise en beauté". Dit-il en haussant les épaules. Enfin bon, tu me diras, pour les gros plans on sera un peu obligé. »

Sous mon commandement, mes mains se posèrent sur ses épaules. 

« Je vais faire de mon mieux pour être à la hauteur de ton projet. Le rassurai-je.  

-Tu le seras, j'en suis sûr. »

Il exerça une légère pression sur mes lèvres, afin de ne pas abîmer le rouge à lèvres. Je rejoignis ensuite la salle principale, étant donné que tous les danseurs venaient d'y être conviés. Je balayai rapidement la salle du regard, remarquant des dizaines d'employés régler les objectifs, les lumières et le son. Je ne mis pas longtemps à gagner ma place, près de mon partenaire, Jules. Il avait appliqué sur ses pupilles des lentilles blanches et son nez, par l'intermédiaire d'un effet, semblait avoir été découpé. Le réalisme de cette blessure me fit grimacer, ce qui lui laissa échapper un petit rire. Suite à mon inspection, je me plaçai correctement. Loïc, voulant au départ faire une entrée des coulisses, avait changé d'avis et préférait une immobilisation effrayante de chaque couple. J'étais donc en demi grand écart, n'étant pas capable d'en faire un entier, de dos à Jules avec les bras accrochés à son cou. Rentrant complètement dans mon personnage, je mis une plaque de lividité sur mon visage. 

Loïc nous surveillait tous, nous scrutait de ses yeux critiques. Il était debout sur un tabouret, ayant donc un œil sur les caméras, les ordinateurs et bien sûr, la scène. 

Une fois sa vérification terminée, il leva les pouces en direction des techniciens. La musique commença, et là, il fallait exploser. Je commençai à danser, vidant mon sac et oubliant la vie autour de moi. 

 ..

« Coupé ! C'est une fin de tournage, les amis. » 

Je m'allongeai de tout mon long sur le parquet. Des applaudissements fusèrent dans la salle et quand enfin je m'en rendis compte, j'applaudis à mon tour. Quatre heures, on avait passé quatre heures à filmer deux minutes de danse. Je me demandais combien de temps le tournage du film allait prendre, alors. Jules me tendit ses bras que j'acceptai volontiers pour me relever. Il me tira les joues, de la même façon qu'il l'aurait fait avec une enfant. Je ne le connaissais pas trop personnellement, mais vu qu'on travaillait ensemble chaque jour pendant un temps indéterminé le plus souvent, on s'entendait assez bien. Je lui tirai la langue, rejoignant la petite Maria. Elle avait un immense sourire et sautillait sur place, étreignant tout le monde. Je ne fus pas une exception, je me trouvai bien vite sous son emprise. Elle ne cessait de répéter qu'elle avait réussi, malgré les difficultés rencontrées durant ces deux derniers mois. J'étais vraiment contente pour elle. 

N'oubliant évidemment pas mon petit prince, je me décidai à aller le voir. Un sursaut me souleva lorsque je me retournai et qu'il apparut devant moi, comme s'il avait entendu ma pensée. Il était tout joyeux, une lueur bienfaisante illuminait son visage. Il m'attrapa dans ses bras et me serra très fort, me donnant presque l'impression d'étouffer.  

« Loïc, je peux plus respirer.. Ris-je doucement.  

-Oh, pardon ! Il desserra son étreinte. Mais je suis trop heureux Aly', c'est ouf ! » 

Je posai ma tête contre son épaule, souriant d'autant plus en ressentant son enthousiasme. Je savais à quel point il était exigeant et de le voir aussi épanoui me donnait la sensation de voler et de l'aimer encore plus. 

« Si le tournage du film se passe aussi bien que le clip là, je peux mourir en paix. »

Je me détachai un peu et arquai un sourcil. 

« Ah non, tu restes avec moi hein. »

Une petite moue se dessina sur mon visage, tandis qu'il riait doucement. 

« Jamais je ne te laisserais, mon amour. »

Un nouveau frisson, encore inconnu à mon corps, s'en empara tout entier. Sur ces douces paroles cependant, je glissai mes mains sur sa nuque et l'embrassa amoureusement, comme prise d'un élan soudain. 

Il me faisait tourner la tête. 

HomelessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant