La vague

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Lorsqu'Azul ouvrit la porte, l'agitation qui régnait dans la salle la heurta brusquement.
Le bruit, tout d'abord.
Un brouhaha incessant, des dizaines de conversations qui s'emmêlaient.
  ".....et là, tu vois, elle me fait nan, mais tu vois, c'est pas ce que je voulais dire..."
                                                  "......J'en ai trop marre de cette fille elle me saoule, promis demain je la largue!"
                        "....Mais nan abruti, c'est l'exercice cinq!"
".... Les gars, il parait que le prof de maths est absent!"
                                                 ".......Oh pute mate-moi ce boule, cette meuf elle est trop bonne!"

La jeune fille ferma les yeux. Si bruyants... Étaient-ils vraiment obligés de faire un vacarme pareil? Ils lui donnaient la migraine. Puis, elle ouvrit les paupières et franchit le seuil de la porte.
Ensuite, les couleurs.
De toutes les couleurs, dans la "permanence verte". Une salle aux murs verts pomme, au sol pavé de carrés blancs jaunis. Des pulls, rouges,
roses, et des vestes de cuir, brunes, camel, et des vestes de motard noires. Des écharpes beiges, rouges, caramel. Des chevelures blondes, châtain, rousses, mais aussi blanches, bleues ou violettes. Des yeux, saphirs, émeraudes, ambres, des paillettes dorées, argentées, des bracelets,  colliers, rubis de cristal, des vestes militaires et des pantalons couleur de boue, et des vans noires et des baskets roses et des converses grises.
Et tout un univers de couleurs qui s'engouffrait dans ses yeux, vague terrible, tsunami violent s'écrasant sur ses perceptions exacerbées.

Elle se sentait mal. Elle avait envie de vomir. Mais la jeune fille se ressaisit et se concentra sur ce qu'elle cherchait.
Au fond de la salle, son amie Alex lui faisait de grands signes de la main. Alex savait, tout comme Angélique et Hannah, ses amies les plus proches. Personne d'autre n'était au courant de ce "problème", mais elles étaient là lorsqu'elle avait besoin d'aide, et c'était tout ce qui comptait. Tout allait bien se passer.
S'accrochant, s'agrippant à son courage, la jeune fille traversa la salle de permanence.
Maintenant, les odeurs.
Elles étaient plus violentes les unes que les autres.
Parfum Chanel, Mademoiselle, la petite Robe Noire. Yves Rocher, Sephora, The Body Shop. Vanille, fraise, framboise. Déodorant pour fille, déodorant pour homme, sueur, boue, alcool, tabac, canelle, chocolat, cannabis...

Écoeurée, elle s'affala en titubant sur sa chaise. Elle avait du mal a respirer.
"Azul, ça va?" s'inquiéta Alex.
Avec difficulté, car elle hyperventilait, la jeune fille hocha la tête. Les murs tournaient autour d'elle...
Comprenant ce qui se passait, Angélique lui prit la main doucement. Mais son amie, paniquée par le contact soudain et chaud, tressaillit et la retira brusquement. Elle soupira, affichant un visage désolé, mais l'autre lui sourit, compréhensive.
Puis, elle reposa sa main sur son bras, calmement, et elle ne put ressentir la chaleur à travers sa veste. Seule existait cette main, cette présence faible mais rassurante. Seulement elle, et puis la voix d'Alex, apaisante.
"Tout va bien. Tout va bien..."
Azul respira.
Tout allait bien.
Oui, tout allait bien.

Une larme amère voulut perler au coin de son oeil, mais elle la retint d'un battement de cils.
Elle était forte.
Elle allait bien.
Elle était normale.
Tout allait bien.

AzulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant