Partie 32

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    Elle resta silencieuse.

- Nous t'écoutons, insistai-je.

    Elle baissa la tête en se tordant les mains. Nous attendions tous les trois qu'elle daigne nous expliquer ce qui s'est passé dix neufs ans plus tôt. Elle n'en fit rien. Et à voir son expression, elle n'était pas prête à le faire. Elle leva un regard contrit vers mon père.

- Ne m'oblige pas à faire ça s'il te plaît, dit-elle à voix basse. Je ne peux pas faire ça.

    Elle saisit son sac à main, prête à s'en aller.

- C'est ça ! lança Tavio. Fais ce que tu sais faire le mieux. Fuis.

     Décontenancée, elle lâcha son sac et se rassit.

- Puisque votre mère ne semble pas prête à parler, je vais le faire à sa place. Et si je mens, qu'elle m'interrompe.

    Nous hochâmes tous les deux la tête.

- Votre mère et moi on s'est connu il y a vingt et un ans. Elle sortait d'une relation amoureuse qui lui a beaucoup coûté selon ce qu'elle m'a dit. Elle disait ne plus vouloir s'investir sentimentalement. Ce qui m'arrangeait parce que j'étais à fond dans mes études et donc indisponible sentimentalement. Nous étions donc ce que vous appelez aujourd'hui des sex-friends. Nous n'étions pas amoureux. On n'éprouvait que de l'affection l'un pour l'autre. Ça n'allait pas plus loin. Puis contre toute attente, elle est tombée enceinte de vous deux. Elle a proposé de se faire avorter, mais en grand défenseur de la vie que je suis, il n'en était pas question. Je venais d'obtenir fraîchement mon diplôme et j'étais à la recherche d'un emploi. Je lui ai donc promis de m'occuper d'elle et du bébé. Nous ignorions qu'elle attendait des jumeaux. La tradition veut que si tu engrosses une fille, tu demandes sa main auprès de ses parents pour sauver l'honneur de la fille. Bien qu'on ne soit pas amoureux, je me devais de le faire. Mais vu ma situation financière à l'époque, j'ai décidé de repousser cela. Votre grand-père s'est montré compréhensif sur ce point. Peu après votre naissance, l'homme qui aurait brisé le cœur de votre mère est revenu dans sa vie. Ils ont recommencé à se voir, ce qui me dérangeait beaucoup puisqu'elle avait commencé à vous négliger. Elle sortait pendant des heures, vous laissant seuls dans la chambre que nous louions. Des fois c'est notre voisine qui venait s'occuper de vous. Et quand elle n'était pas là, personne ne le faisait. Moi j'avais réussi à trouver un emploi donc je ne passais plus beaucoup de temps à la maison. Je partais tôt le matin et je rentrais tard le soir.

      Il marqua une pause et regarda ma mère. Elle avait les bras croisés et regardait dans toutes les directions sauf celle de mon père.

- Un jour, je suis rentré par hasard à la maison. J'avais oublié des brevets de certains médicaments que je devais présenter à des hôpitaux. Je vous ai retrouvés seuls en train de pleurer dans la chambre. Vous aviez six mois à peu près à l'époque. Quand j'ai demandé d'après elle chez la voisine, elle m'a dit que votre mère était sortie peu après mon départ. J'ai décidé de l'attendre, croyant qu'elle était partie au marché. J'ai donc attendu de 9h à midi. Quand elle est rentrée, j'ai remarqué qu'elle avait les yeux rouges ce qui n'arrivait que quand on couchait ensemble. J'ai ainsi deviné d'où elle venait. N'ayant ni la patience, ni le temps de me plaindre auprès de sa famille, je lui ai posé un ultimatum avant de retourner au travail. En gros elle devait choisir entre s'occuper de vous au moins jusqu'à ce que vous soyez en âge de manger par vous-même et aller vivre avec son amant. Elle n'a rien répondu. A mon retour le soir, je vous ai trouvés à nouveau seuls. Cette fois elle avait ramassé la plupart de ses affaires. Entre ses enfants et un pénis, le choix a été vite fait. J'ai été vraiment surpris en découvrant qu'elle était partie. Je pensais qu'elle reviendrait peut-être le lendemain, mais rien. J'ai demandé deux semaines de congés, histoire de trouver quelqu'un qui s'occupera de vous. J'ai réussi à vous trouver une nourrice. Même si elle me coûtait la moitié de mon salaire, elle au moins ne vous abandonnait pas pendant des heures pour du sexe. Puis deux ans plus tard, elle est revenue en pleurs. Me disant qu'elle a commis la pire erreur de sa vie. Mais si elle a pu abandonner des bébés de six mois sans remords, qu'est-ce qui l'aurait empêché d'abandonner des enfants de deux ans ? Je l'ai donc chassée. Ce que je voulais pour vous, c'était de la stabilité, une enfance tranquille. Vous méritez mieux qu'une mère qui vous abandonne et pars au bras d'un autre homme. Vous méritez mieux qu'une mère qui joue à l'éclipse lunaire dans vos vies.  Je l'ai donc chassée, lui interdisant de chercher à vous revoir.

- Waoh ! m'exclamai-je en regardant ma mère. Et après ça tu espères que je laisse entrer dans ma vie ?

- Je me suis assuré de vous donner la meilleure éducation possible, continua mon père. Je me suis assuré que vous ne manquiez jamais de rien et surtout j'ai tout fait pour que vous ne ressentiez pas l'absence de votre mère. Aujourd'hui voici où nous en sommes. Et quand je vous vois, je suis fier de vous et de moi-même.

- Dans ce cas, tu dois être fier d'apprendre que tu vas être grand-papa ! lança ma mère.

    Mon cœur manqua un battement. Je voulais parler de ma grossesse à mon père certes, mais en de pareilles circonstances. Cette femme venait de me donner une raison de plus de la haïr.

    Papa se tourna vers moi.

- De quoi parle-t-elle ? me demanda mon père.

    Je déglutis péniblement. Mon cœur battait la chamade et je mis à transpirer.

- Tatiana, insista-t-il.

    Je plongeai une main dans la poche de ma robe et en ressortit le test de grossesse.

- Je suis enceinte papa, dis-je en lui montrant le test.

Je m'appelle TatianaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant