5 - les étoiles-souvenirs

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Viktor passa dans une autre pièce en les invitant à le suivre. Ce n'était pas exactement une pièce, remarqua Marzia en entrant à son tour, mais une cage d'escaliers. Ils descendirent les marches à un rythme soutenu. Une fois arrivé en bas, la jeune femme prit quelques secondes pour calmer les battements de son cœur.

Elle releva la tête.

Marzia s'était attendu à une autre salle, semblable au salon du tatouage qu'ils venaient de quitter, mais elle s'était largement trompée. Son amie lui lança un sourire en voyant sa stupeur.

Les lieux étaient immenses. Ils se trouvaient dans une véritable usine, peut être un peu réduite, mais pas moins impressionnante. Des machines étaient collées aux murs et aux piliers de tous les côtés. Certaines semblaient aussi vieille que la colonisation de la planète, tandis que d'autres étaient flambant neuves.

Marzia savait désormais où Viktor avait créé son dragon. Mais comment pouvait-il posséder tout cela à lui seul ? Et surtout, pourquoi ?

Elle imagina un instant qu'il créait des machines semblables à son dragon. Où à ces robots ménagers qu'on trouvait dans la plupart des magasins. Mais quelque chose clochait – pourquoi aurait-ce été illégal ?

Viktor disparut dans un coin de la salle dissimulé par un mur fin. La jeune femme continua son observation des lieux, ne savant quoi en penser, quand elle entendit un bruit. Rhysa venait de poser son sac sur une table en métal. Elle en sortit des liasses de monnaie.

De nos jours, la quasi-totalité des transactions se faisaient virtuellement. Cela ne fit que renforcer le sentiment de malaise de Marzia : ce qui se passait était illégal. Il n'y avait plus aucun doute. Et une telle somme d'argent...

Rhysa sembla sentir son regard.

— Eh, Wolf, ne fait pas cette tête là. Je commence à regretter de t'avoir amené avec nous.

— Qu'est ce que tu compte acheter avec tout cela ?, éluda-t-elle en réponse.

— Je te pensais un peu moins froussarde. T'inquiète pas, c'est rien de dangereux.

Juste à ce moment, Viktor réapparut dans son champs de vision. Il leur fit un signe de la tête pour les inciter à venir de l'autre côté de la salle.

Marzia traversa la distance qui les séparait, Rhysa à ses côtés. Sa démarche était tendue. La première chose qu'elle remarqua en entrant dans la nouvelle pièce fut la technologie dont elle recelait. Rien à voir avec les machines d'à côté : ici, tout était beaucoup plus sophistiqué. Un large écran holographique semblait détenir les commandes de tous les appareils électronique.

Puis son regard se posa au fond de la salle. Assis sur un tabouret, quelqu'un les observaient fixement. Marzia observa l'inconnu sans rien dire. Son esprit refusait de faire les connexions, pourtant logiques.

— Tout ce qu'il te faut est là-dedans.

Viktor tendis un nouveau sac à Rhysa. Cette dernière lui lança un regard avant de fouiller dans la sacoche en toile pour en ressortir une carte transparente.

— Ses informations est dessus ?, s'enquit-elle.

Il hocha la tête. Bien qu'il ne fasse rien d'impolis, il était clair que Viktor voulait que la transaction soit faite au plus vite. Il ne voulait pas s'attarder.

— Passe-là dans une borne d'identité et il sera immédiatement recensé dans la base de donnée générale. Ce sera comme s'il avait existé depuis des années.

Marzia était toujours figée. Elle était furieuse que ses nouveaux amis l'ai entraîné là-dedans. Non pas parce que c'était illégal, mais parce que ce robot à l'apparence humaine allait à l'encontre de tout ce en quoi elle croyait.

Elle s'avança d'un pas et posa sa main contre l'une des tables. Sentir un support contre elle la rassurait, tandis que son esprit s'éparpillait. Personne ne faisait attention à elle : Rhysa et Viktor parlait de la transaction, les autres observaient les machines ou s'intéressaient de près à la conversation. Elle pouvait ressentir leur excitation depuis là.

L'aspect illégal de l'affaire était probablement ce qui les rendait comme cela. Et elle comprenait : chez elle, à la capitale, elle et ses amis s'amusaient souvent à se rendre au marché noir des technologies. Mais cela... ça n'avait rien à voir.

— Les intelligences artificielles de ce genre sont interdites sur n'importe qu'elle planète.

Sa voix était plus dure qu'elle ne l'avait prévu. Tant mieux. Marzia se tourna vers le groupe : Rhysa la regardait fixement.

— Je pensais que ça t'intéresserait.

— Que ça m'intéresserait ? Tu ne peux pas infiltrer un robot parmi la population !

Elle jeta un regard vers Viktor, resté silencieux. Elle eut tout juste le temps de constater que sa mâchoire était serrée avant qu'un nouvel élément ne la frappe. Il y avait tant de machines, et tout semblait en parfait état de marche...

— Attend, c'est courant ? D'acheter ce genre de robots ?

L'un des garçons haussa les épaules en répondant :

— En tout cas, tu n'en trouvera qu'ici. C'est le seul endroit pour en obtenir. C'est pas dément ?

Marzia lui lança un regard indécis. Est-ce qu'aucune des personnes présentes ne se souvenaient de l'incident de Dreelia ? Si les intelligences artificielles assez évoluée pour faire passer un robot pour un humain étaient interdites, c'était pour une bonne raison. C'était un risque trop dangereux et pas même nécessaire.

— Relaxe, intervint Viktor.

Sa voix était toujours froide et posée. Marzia tourna son attention vers lui, les yeux brillants de colère.

— Pardon ?

— Relaxe. Toutes mes créations ont un indicateur qui les départage des humains. Il sera toujours possible de les distinguer. Dreelia ne se reproduira pas.

Marzia soutint son regard.

— Quel est l'indicateur ?

Le créateur se détourna, tendit sa main vers le robot. Ce dernier l'attrapa pour se lever. En silence, sans daigner répondre à la question de la jeune femme, Viktor s'activa sur son écran. Pour régler les derniers détails, devina-t-elle.

— C'est trop dangereux. Et mal.

Sans prendre la peine de se retourner, le garçon rétorqua d'un ton implacable :

— Si tu veux rester dehors de cette transaction, alors je t'invite à partir.

— Wolf...

Mais Marzia coupa la parole à son amie quand elle se redressa brusquement. Elle se retourna pour traverser la grande salle, le son de ses chaussures contre le sol retentissant dans la pièce. Viktor avait raison : elle ne voulait pas faire partie de cette transaction, ni de ce business. Elle ne comprenait pas comment Rhysa pouvait y participer. Elle qui avait fait des études sur l'Histoire, qui avait probablement étudié en détail la catastrophe survenue une dizaine d'années plus tôt sur Dreelia... comment pouvait-elle répéter les même erreurs ?

Marzia passa les doigts sur sa nuque, laissant la porte du salon claquer derrière elle.

Elle inspira une grande bouffée d'air frais.

L'une des étoiles incrustées sur sa peau s'agita plus brusquement que les autres.

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