This Side Of The Moon

10 - tatouages

Assise sur un haut tabouret, Marzia observait Viktor ranger son matériel. Elle avait proposé son aide, mais il avait refusé.

Elle sentait la présence de nouveau tatouage à la base de sa nuque. Étrangement apaisée, elle se surprit à sourire seule. Tandis que son regard suivait chacun des mouvements de Viktor, la jeune femme balançait doucement ses jambes dans le vide.

- Qu'est ce que tu fais sur Zetenia ?

La question abrupte la ramena dans la réalité. Sans se départir de son léger sourire, elle réfléchit un instant à une réponse.

- J'ai décider de prendre une année ici avant de terminer mon apprentissage dans l'entreprise de mon père.

Viktor fourra une pile de feuille dans un tiroir.

- Zetenia est un choix étrange.

Puis il se tourna vers elle.

- L'ascension de ton père à la direction de Zorg Entreprise a été relayée par toutes les sources d'informations.

- J'imagine.

Marzia pencha la tête, observant le plafond uniforme du salon de tatouage. La promotion de son père était en partie du à son implication dans son travail, mais surtout à un coup de chance : la crise économique qui avait frappé la moitié de l'univers quelques années auparavant avait largement joué en sa faveur. Son sourire s'estompa.

La garçon resta silencieux un moment. Elle jeta un coup d'œil par la fenêtre et se rendit compte que la nuit était déjà tombée.

- Et toi, tes parents ?

- Mes parents ?, répéta-t-il en la regardant.

Elle hocha la tête.

- Ils vivent dans la ville ?

- Non.

Marzia n'eut pas le temps de poser une nouvelle question avant qu'il ne change de sujet, semblant à son tour remarquer que le soleil avait disparu du ciel  :

- Quelle heure est-il ?

- Bientôt vingt-heure. Tu as des choses à faire ?

Elle descendit du tabouret en attendant une réponse. Contrairement à la première fois qu'elle était venue, Marzia trouvait l'ambiance du salon de tatouage calmante. La lumière n'était ni trop puissante, ni trop faible.

Viktor s'approcha de la vitre et jeta un regard à l'extérieur. Maintenant qu'elle le connaissait un peu mieux, la jeune femme fut capable de déceler une once d'inquiétude sur son visage.

- Qu'est ce qu'il y a ?

Mais il ne répondit pas et se retourna pour se diriger vers un écran. Marzia s'avança vers lui pour récupérer ses affaires. Son tatouage terminé, elle n'avait plus aucune de rester ici – et Viktor semblait avoir des choses faire. Bien qu'étrangement, rester discuter avec lui ne lui aurait pas déplu, elle ne voulait pas s'imposer.

- Au revoir, Viktor, lança-t-elle lorsqu'elle eut passé sa veste. Merci encore pour le tatouage.

La garçon sembla soudain se souvenir de sa présence et se retourna vers la jeune femme.

- A bientôt.

Marzia haussa un sourcil.

- Bientôt ?

- Tu es ici depuis quelques jours et nos chemins se sont déjà croisés trois fois. La ville est petite.

- Alors à bientôt, répondit-elle en esquissant un sourire.

Sur ces mots, elle poussa la porte pour traverser le couloir jusqu'à l'extérieur. Elle entendit Viktor dans son dos descendre les escaliers pour rejoindre son atelier. Une fois dehors, la fraîcheur de la soirée frappa Marzia, et elle frissonna.

Elle avait le regard posé sur le ciel lorsque la porte derrière elle se rouvrit. La jeune femme se figea un instant : mais alors qu'elle s'attendait à revoir le créateur du dragon incandescent, ce fut le visage d'Alya qui apparut. Son sourire était radieux. Elle prit la parole :

- Je voulais vous dire au revoir avant que vous ne partiez. On ne se reverra peut-être pas.

Marzia la dévisagea un instant avant de sourire à son tour, gênée.

- Je suis désolée pour ce matin. Pour ce que j'ai pu dire.

- Non, la coupa-t-elle, je comprend. Je suis heureuse que vous appréciez désormais les intelligences artificielles.

La remarque d'Alya rendit la jeune femme confuse. Elle ouvrit la bouche, mais ne sut quoi répondre.

- Bonne soirée Marzia. Vous connaissez le chemin pour rentrer chez vous ?

- Oui. Ce n'est pas très loin.

Le robot pencha la tête, satisfaite de la réponse.

- Bien, commenta-t-elle. Alors vous n'aurez pas de mal à revenir ici si l'envie vous prend.

Une lueur de surprise éclaira le regard de Marzia : mais avant qu'elle n'ai pu répondre quoi que ce soit, Alya avait disparu à l'intérieur du bâtiment.

Elle esquissa un sourire amusé et s'en alla à son tour.

Un peu plus loin, dans l'atelier, l'intelligence artificielle termina de descendre les escaliers et s'approcha de Viktor. Le jeune homme était occupé à assembler des pièces pour construire une nouvelle machine. Alya ne l'interrompit pas, et ne se départit pas non plus de son sourire.

Viktor avait enlevé sa veste et n'était plus qu'en tee-shirt. Ses yeux se posèrent sur son bras nu, où trônait une lune tracée à l'encre noir. Même à quelques mètres de distance, Alya remarquait que le tatouage était vieux et réalisé avec des outils moins perfectionnés que ceux que Viktor utilisait.

Elle releva sa propre manche pour observa la lune, plus fine et délicate, sur la peau de son bras. Et son attention se reporta de nouveau sur Viktor : bien qu'il lui ait raconté plus d'histoires qu'elle ne pouvait en compter, elle n'avait jamais entendu son histoire à lui.

L'histoire de sa création. 

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