Chapitre 3

755 59 5
                                    


Cendrine savait bien qu'elle avait changé. Elle ne le sentait pas en soit, mais les réactions de son entourage face à ses faits et gestes depuis plusieurs mois lui montraient bien. Elle même au fond savait que sa perception du monde et de la vie avait changé. Elle s'en fichait. En soit la "trahison" de Lanvais n'avait pas été aussi douloureuse que les autres se plaisaient à imaginer afin de donner un prétexte à ce changement. Non, Cendrine s'en rendait compte avec le recul, elle avait seulement aimé l'apparence de Lanvais et ses compliments. OUi, c'était un amour-vanité. Elle n'en avait pas honte. Elle n'en avait jamais eu honte. Pas même le jour où, en le voyant devant l'autel accompagné d'Antoinette, elle en avait pris conscience. Pas même le jour où elle avait pris conscience de s'être déshonorée par vanité. Mais n'était-ce pas le propre de l'Etre Humain d'être vaniteux ?

Non, le presonnage de Lanvais ne lui avait pas tant plu que cela. Sa "trahison", ainsi que les autres se plaisaient à l'appeler, n'était rien de plus qu'une blessure d'égo qui se soigna au bout d'une semaine ou deux. Au fond, la chose la plus douloureuse dans l'histoire avait été la prise de conscience -celle de son propore égoïsme, ainsi que de celui de l'Etre Humain par extension-, et non le mariage de Lanvais avec une autre. Oui, elle méprisait ce personnage, mais uniquement parce qu'en épousant Antoinette il n'avait fait qu'épouser une dot -et un utérus, accessoirement. Pas un être vivant doté de sentiments. Et encore moins une personne. De plus, Cendrine savait bien que sa demi-soeur, naïve comme elle était, n'avait eu aucun soupçon sur la relation qu'entrenait Lanvais avec elle, et elle se doutait que le goujat s'était bien gardé de lui parler de ce détail. Donc le rapprochement de Cendrine et Lanvais avait probablement été interprêté par Antoinette comme de l'amitié. Antoinette était comme ça, songea Cendrine. Préférant édulcorer le monde plutôt que de regarder en face ses ordures -et Dieu (si tant est qu'il existait) savait combien il y en avait, lui-même étant une belle pourriture. Mais elle ne pouvait le lui reprocher : qui ne voudrait pas être aveugle devant tant de misère ? Ce que les autres prenaient pour une dépression n'était autre qu'une prise de conscience. Oui, quelque chose était mort en elle, Cendrine n'allait pas le nier. Mais ce n'était certainement pas dû à ce pantin de Lanvais. Oh que non. L'insouciance naturelle de Cendrine était morte lorsqu'elle avait pris conscience de l'absurdité de ses choix, de l'existence et du non-sens total de la vie, ainsi que de son propre ridicule lorsqu'elle avait assisté au mariage d'Antoinette et Lanvais. Cela fit sourire la jeune femme. Oui, elle avait failli mourir pour un stupide caprice. Et ce caprice était, selon Anne et -Louis-Henri également, sans doute-, la raison de son apitoyement, à condition, bien sûr qu'elle soit vraiment apitoyée. S'ils savaient à quel point ils se trompaient. Non. Elle s'en était remise au bout d'une semaine, peut-être deux, mais c'était tout. Cette histoire était à présent derrière elle. Non. Cendrine avait simplement réalisé la bêtise humaine. Celle de croire à un quelconque paradis ou à un quelconque enfer, ce qui permettait aux gens de pouvoir montrer un égoïsme sans fin, sans toutefois qu'on puisse les blâmer. Celle de croire à l'Amour, permettant de flatter son égo. Et Louis-Henri, qui dans un excès de jalousie craignait que Lanvais ne la courtise à nouveau. Pire, il pensait qu'elle retomberait dans les bras de ce prétentieux. Avait-elle l'air si idiote ?

Cendrine savait pourquoi ils avaient tous décidé de vivre avec elle. Pour la protéger, cette pauvre créature fragile. Ils la trouvaient terne et vide. "L'ombre d'elle-même", devaient-ils se dirent entre eux. Ils avaient peur, d'une certaine manière. Cela se voyait dans leur regards. Non. Au contraire. C'était la première fois qu'elle se sentait aussi bien. Aussi vivante. Non. C'étaient eux qui étaient ternes. C'étaient eux qui étaient vides. Avec leur stupide quête du bonheur. Avec leurs prières à un dieu inexistant. Avec leurs vies de pantins, ou plutôt de moutons, puisque la société n'était autre qu'un grand troupeau dont le "Qu'en dira-t-on ?" était le berger. Les convenaces étaient leur prison, une gigantesque cage dorée. Magnifique, mais néanmoins une prison. Non. Cendrine se sentait au contraire libérée à présent qu'elle avait ouvert les yeux.

Cendrillon 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant