Chapitre 8

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Antoinette, restée seule dans le petit salon, appela une domestique. Elle était ébahie devant tant de violence. Son mari avait tout dévasté. Les tables et leur contenu étaient renversés. Les tissus recouvrant les fauteuils déchirés. Elle sortit, laissant la bonne faire son uvre, et chercha Lanvais. Etait-il devenu fou de faire une chose pareille ? Un simple « désolé » était tout ce quil avait trouvé à dire. Elle ne reconnaissait pas lhomme quelle avait épousé. Pourquoi ce comportement ? Pourquoi cette distance, depuis le retour de Cendrine ? Et le mépris quAntoinette avait lu dans le regard de sa sur quand celle-ci avait regardé Lanvais, et dans son regard à lui, de ladouleur ? Elle sentait quon lui cachait quelque chose, et cela ne lui plaisait pas. Antoinette se souvenait de la réticence évidente de Louis-Henri à leur venue, du regard mitigé dAnne vers Lanvais. Elle se laissa glisser le long du mur, et pleura. Pourquoi avait-elle limpression de vivre un mariage malheureux ? Pourquoi cela ne se déroulait-il pas comme dans les contes de fées ou les romans à leau de rose quelle dévorait ? Elle souhaitait tellement comprendre. Dun coup, sa magnifique demeure lui parut être une immense cage dorée.

Elle sécha bientôt ses larmes, et repartit à la recherche de son mari. Antoinette ne tarda pas à le trouver. Il était dans son bureau. Elle entra sans toquer, ce qui nétait pas dans ses habitudes.

-Antoinette, que fais-tu là ?, demanda Lanvais.

-Vas-tu enfin mexpliquer ce quil test arrivé dans le salon ?, répondit-elle. Si cela a un quelconque rapport avec Cendrine, jaimerais le savoir.

-Juste unecontrariété, fit Lanvais.

-Une contrariété ?, répéta Antoinette.

Cétait un mensonge et elle le savait. Elle le savait et cela lui brisait le cur.

-Dis-moi la vérité, Jean, ajouta-t-elle. Tu es morose depuis hier. Et tu as changé depuis le jour où nous avons appris le retour de Cendrine. Donc cesse de me mentir. Jexige de savoir ce quil se passe. Je suis ta femme, cest normal, non ?

Lanvais regarda enfin Antoinette, qui écarquilla les yeux. Ce qui la surprenait, cétaient les yeux rougis de son mari, contrastant avec ce regard et cette attitude vides de sentiments.

-Si je te le disais, dit-il, tu en mourrais de chagrin. Il y a un temps pour apprendre certaines choses, Antoinette, une fois quon a laissé passer sa chance, mieux vaut ignorer ce quil en est vraiment.

Elle ne comprit pas la signification réelle de cette dernière phrase, mais elle croisa les bras.

-Très bien, répondit-elle. Ne me dis rien. Je commence à avoir lhabitude après tout. Une dernière chose : cette nuit, tu as appelé Cendrine durant ton sommeil. En labsence de réponses de ta part, jirais donc linterroger.

-Fais, donc !, se mit à crier Lanvais. Va interroger cette garce, cette voleuse ! Mais ne viens pas pleurer, car je taurais prévenue. Cette histoire sera celle qui nous précipitera en Enfer !

Antoinette ne put retenir à nouveau ses larmes. Mais quarrivait-il à son mari ? Etait-il fou ? Etait-il malade ? Quelle affaire sordide les reliait, Cendrine et lui ?

-Eh bien !, poursuivit Lanvais, voyant que sa femme ne bougeait pas. Sors ! Va ! Demande-lui, à cette putain !

-Je ny manquerais pas, en effet, murmura Antoinette en sortant.

Cendrine rentra accompagnée de Louis-Henri. Elle tenait encore lorange dans ses petites mains blanches de noble, et Louis-Henri se maudissait de ne pas avoir pu aller jusquau bout de sa phrase. Il était là à regarder la femme quil aimait, et ne savait pas comment lui parler, après plus de douze ans depuis leur rencontre. Il se sentait affreusement ridicule. Cendrine enleva son manteau et fut bientôt imitée par Louis-Henri.

-Et dire que je dois y retourner demain !, se plaignit-elle.

-Tu ny es pas vraiment obligée, répondit Louis-Henri.

-Si, fit-elle. Jai un travail à conserver et un pain à gagner. Alors je ferais signer ce fichu contrat à Lanvais, dussé-je lui enfoncer dans la gorge.

Louis-Henri ne répondit rien. Répondre quoi ? Pour le moment il ne pouvait sortir Cendrine dembarras. Il devait suivre le conseil de Werther et tenter de la séduire auparavant.

Cendrillon 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant