Chapitre 7

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Cendrine avait décidé de prendre lair. Cela faisait deux à peine quelle était revenue en France, et il sétait déjà passé tant de choses ! Elle sortit sans prendre la peine davertir Louis-Henri. Après leur dispute, elle ne voulait plus avoir affaire à lui pour le moment. Cendrine se remémora lépoque où il lappelait « Cendrillon ». Ça ne lui manquait pas, au contraire. Mais il avait lair moins soucieux. Elle aussi. Alors quelle marchait au hasard, Cendrine entendit une voix familière linterpeler. Elle se retourna. Clarysse. Cendrine soupira. Décidément, le sort jouait contre elle. Tandis quelle pestait intérieurement, sa belle-mère venait vers elle.

-Cendrine !, sexclama-t-elle. Cela fait si longtemps !

-Bonjour, Clarysse.

La femme prit les épaules de Cendrine.

-Comme tu as changé !, dit-elle. Tu es vraiment devenue belle. Je suppose que tu dois avoir une foule de prétendants, pas vrai ? Ou peut-être même es-tu fiancée ?

-Aucun des deux, répondit Cendrine avec un ennui non dissimulé, et je suis très bien comme cela.

-Mais puis-je te poser une question ?, fit Clarysse sur le ton de la confidence en se saisissant du bras de la jeune femme. Pourrais-je savoir pourquoi vous êtes-vous enfuis, lan dernier, avec mon fils et ma fille ?

-Dois-je vraiment vous répondre ?, répliqua Cendrine, sourcil levé.

Elle se dégagea et fit face à sa belle-mère.

-Je suis partie sur ordre de mon père pour éviter que vous ne cherchiez à me marier, expliqua-t-elle. Louis-Henri est partit parce quil nen pouvait plus de vous, quant à Bertille elle est partie afin de pouvoir aimer librement et sans entrave les femmes. Cela répond-il à votre question ? Ou dois-je développer ? Puis-je disposer à présent ?

-Tu es devenue amère, répondit Clarysse. Je me demande ce qui a bien pu tarriver à Paris.

-La vérité, voilà ce quil mest arrivé.

Cendrine partit à grands pas. Lentrevue avec Clarysse lavait mise hors de ses gonds. Elle soupira. Ne fit pas attention aux gens qui la bousculaient. Elle était si fatiguée de tous ces problèmes qui se présentaient tout à coup à elle. Mais pourquoi était-elle rentrée en France ? Soudain, quelquun lappela, encore. Elle se retourna. Louis-Henri. Il lavait donc suivie ? Cela lui sembla siétrange. Etrange, mais pas surprenant. Louis-Henri fut devant elle en deux enjambées.

-Tu es partie, comme ça, sans prévenir, dit-il en haletant.

-Oui, répondit Cendrine. Jétais encore énervée contre toi. Javais besoin de prendre lair.

-Je suis désolé, dit Louis-Henri.

Cendrine eut un maigre sourire. A quoi servait-il de sexcuser ? Ce nétait pas nécessaire, et la jeune femme savait bien que ces excuses nétaient pas sincères. Elle regarda Louis-Henri. Oui, il sétait embelli. Oui, il nétait pas méchant en soi. Pourquoi refusait-elle, après tout, demais non. Ils étaient comme frères et surs, même si ce nétait que par alliance. De plus elle ne laimait pas. Louis-Henri vit bien que Cendrine le détaillait.

-Ai-je quelque chose sur le visage ?, demanda-t-il.

-Nonnon, maisje me disais que

-Que quoi ?, insista le jeune homme.

Cendrine se mordit la lèvre. Elle glissa une mèche rebelle derrière son oreille.

-Que tuQue tu étais devenu beau, finit-elle par lâcher.

Louis-Henri nen croyait pas ses oreilles. Se pouvait-il quen fin de compte, il ait sa chance ? Cendrine haussa les épaules.

-Tu sembles surpris, ajouta-t-elle. Il ny a rien détonnant là-dedans ; oui, tu es beau. Très beau même. En quoi cela te surprend-il ?

-Cest justeinattendu de ta part, répondit-il.

-Vraiment ?, fit Cendrine. Maintenant réponds à une question, une seule.

-Laquelle ?, demanda Louis-Henri, nerveux.

Il sentait son cur battre la chamade. Ses mains devenaient moites. Quallait dire la jeune femme dont il rêvait nuit et jour ? Il examina Cendrine. Elle sétait changée depuis son entretient avec Lanvais et était vêtue dune robe pourpre surmontée dune rose. Ses cheveux blonds étaient rassemblés en un chignon élaboré dont séchappaient quelques mèches. Sa bouche était habillée dun rouge faisant ressortir la blancheur de son teint. Elle était belle.

-Ce matin, peu avant de partir, tu essayais de me séduire. Ne mens pas, ajouta-t-elle en voyant la bouche de Louis-Henri sentrouvrir. Ce que je veux savoir, cest pourquoi tu as abandonné. Cétait amusant.

-Tu veuxque je continue ?, réussit-il à articuler.

-Peut-être qui sait ?, répondit Cendrine avec un sourire malicieux.

Louis-Henri sourit à son tour, plus détendu. Il avança son bras.

-Si joffrais mon bras à cette ravissante jeune femme, le jugerait-elle digne de porter sa main délicate ?, dit-il en feignant la courtoisie.

-Peut-être.

Cendrine ne souriait plus. Derrière sa question sen cachait une autre, que son demi-frère navait pas su comprendre. Elle sen sentit grandement navrée. Pourquoi les choses ne pouvaient-elles pas être simples ? En tant que femme, elle ne pouvait exprimer clairement sa pensée, et choquait suffisamment de personnes comme cela. Mais si seulement la vie nétait pas si codée ! Peut-êtrenon. Cétait impossible. Cétait son seul moyen de se libérer de Sir Gentlemurder, mais parce que sa mère avait épousé son père, cétait impossible. Quel dommage. Quel dommage !

-Cendrine, dit soudain Louis-Henri alors quils se promenaient, « beau » est-il la seule qualité que tu vois en moi ?

-Quelle question !, pouffa-t-elle.

Louis-Henri la regarda sans comprendre.

-Evidemment que non, ajouta-t-elle. Tu es également prévenant, et séducteur, etbon aux armes, et au cheval. Tu sais écouter, et tu es impulsif. Non, tu nes pas que beau.

-Cendrine, commença Louis-Henri.

Quallait-il lui dire ? Il ne le savait pas lui-même.

-Oui ?

Elle le regardait de ses grands yeux bleusLouis-Henri craignait vraiment de se perdre dedans, alors il détourna le regard. Et comme ils traversaient un marché, il lui dit :

-Veux-tuune orange ?

Cendrillon 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant