Quand Cendrine fut partie, Lanvais poussa un gémissement et se laissa tomber sur le fauteuil. Il était conscient davoir été cupide. Il avait fait le mauvais choix, et épousé la mauvaise personne. Il se souvenait parfaitement de ce jour, ce maudit jour. Le jour où il lavait rencontrée.
Il était revenu à Metz. Sa ville natale. Etrangement, il navait pas eu beaucoup loccasion de sy rendre depuis son départ alors quil avait six ans. Mais il aimait cet endroit. Il songeait souvent quune fois marié il sy installerait définitivement avec sa femme. Ce jour-là il reçut une lettre de Paris. De sa maitresse du moment, une certaine Sofia. Il savait peu de choses delle, seulement quelle avait des origines espagnoles et quelle travaillait pour une anglaise, une certaine lady Mary. Cette lettre était brève. Pas de marques daffection. Rien. Elle ressemblait étrangement à un contrat. Sofia exposait le problème de lady Mary : elle avait eu un amant. Un certain Louis-Henri. Il lavait abandonnée avant de partir vers Metz. Une histoire classique. Il avait glissé le nom de la femme quil aimait vraiment. Une dénommée Cendrine De Tréville. La vengeance était simple : séduire cette Cendrine, afin de détruire Louis-Henri et lépouser.
Il se leva et fit les cents pas. Mais quavait-il fait ?
Cétait lors dune soirée mondaine. Il se fit aborder par une vieille femme portant, apparemment, le deuil. Elle se présenta et présenta sa fille. Peut-être cherchait-elle à la marier. Ça se faisait après tout. Mais ce nomaucun doute possible. Elles se nommaient Clarysse De Tréville et Antoinette De Rocheulier. La cible de Lanvais faisait forcément partie de cette famille. Cétait sa chance.
Il renversa la table et son contenu.
Il avait réussi à entrer dans le manoir De Tréville. Mais cétait si grandoù pouvait bien être le petit salon ? Cest là quil la vit. Sa mise était simple. Une robe brune, sans artifices quelconques. Des cheveux blonds et bouclés, retombant en cascade sur ses épaules. Elle le regardait avec un mépris évident, contrastant avec la douceur de ses traits. Et à cet instant, il sut. Il sut que ça ne pouvait être quelle. Cendrine De Tréville.
Il fit tomber le guéridon.
Le bal masquéil avait abandonné depuis longtemps son idée de vengeance et avait quitté Sofia. Cependant, il la vit et la reconnut sur le champ. Elle était si belle dans sa robe bleue. Il alla vers elle. Elle sembla dabord distante, mais Lanvais savait conquérir les curs. Elle tomba vite sous son charme et il le vit. Lanvais réussit à faire tomber les barrières.
Lanvais poussa un autre gémissement.
Il allait enfin se marier avec ellepour une fois, Lanvais se sentait vraiment heureux. Quand ils seraient mariés, il emmènerait Cendrine à Metz. Une fois, il eut le malheur de rencontrer Clarysse. Elle lui sourit de manière affable, et linvita à prendre le thé. Lanvais ne put refuser. Il la suivit. Il y avait Antoinette. Celle-ci lui souriait. Quelle dinde, songeait-il. Sans quil ne comprenne pourquoi, Clarysse en vint à évoquer la dot dAntoinette, une dot considérable, disait-elle. Elle posa une question, ensuite, mais Lanvais nécoutait plus à ce moment-là. Il acquiesça, à il ne savait trop quoi. Puis, il partit.
Lanvais prit sa tasse et la jeta violemment par terre. La porcelaine se brisa. Il en saisit un morceau.
Le jour suivant, il reçut une lettre. Dans la lettre, qui venait de Clarysse, se trouvait une bague. Et la lettre ! Lanvais ne sut que dire. Comment faire ? La veille, sans le vouloir, il sétait fiancé à Antoinette. Il résolut daller voir Clarysse afin de clarifier tout ça. Lorsquil arriva, elle laccueillit à bras ouverts en lappelant « son fils ». Il neut pas le courage de refuser. Et puis, la dot dAntoinette était considérable.
Mais quavait-il fait ? Lanvais haïssait Cendrine dêtre revenue se rappeler à lui, lui qui navait pas oublié ses sentiments pour elle. Il ferma les yeux, se laissant glisser le long de la porte, et enfouit sa tête dans ses bras. Quavait-il fait ?
Il sentit la porte pousser son dos et se releva. Cétait Antoinette. Elle ne cacha pas sa surprise.
-Maisque diable est-il arrivé ici ?, demanda-t-elle.
-Je suis désolé, souffla-t-il en sengouffrant dans le couloir, bousculant sa femme au passage. Oh, comme il souffrait !
Cendrine entra et alla directement dans sa chambre. Lattitude de Lanvais lavait plus quagacée. Elle sassit à son pupitre, sortit ses feuilles, son encre, et sa plume. Elle devait prévenir Gentlemurder. Cendrine soupira. Louis-Henri entra bientôt dans sa chambre sans toquer. Elle se retourna.
-Tu nas pas dit un seul mot durant le voyage, dit-il. Que sest-il passé de si grave ?
-Lanvais, voilà ce quil sest passé, répondit la jeune femme. Pourquoi faut-il que jamadoue ce vautour ?
Louis-Henri ne sut que dire.
-Anne et Werther ne sont pas là, remarqua-t-il.
-Mmh.
Cendrine ne dit rien de plus. Que dire ? Elle sen fichait. Cela devait sans doute arranger Louis-Henrià son aise ! Celui-ci posa une main sur lépaule de la jeune femme. Elle le laissa faire.
-Mais que ta-t-il donc fait ?, demanda Louis-Henri.
-Rien, répondit la jeune femme avec une pointe dagacement. Maislentretient sest partagé entre moqueries et humiliations. De plus, lorsquil a eu le contrat, il a simplement fait semblant de lire. En clair, ce matin, nous nous sommes déplacés pour rien.
-Le fumier, pesta son demi-frère.
-Tant pis, fit Cendrine. Je vais devoir y retourner demain. Autant dire que cette idée est loin de menchanter.
-Je viens avec toi, décréta Louis-Henri.
Cendrine se leva et se toisa le jeune homme. Pourquoi tenait-il tellement à la protéger ? Elle se sentait apte à assurer sa sécurité seule. Pourquoi les autres insistaient-ils ?
-Non, dit-elle. Jirais seule. Je ne suis pas une impotente. Je peux, et je vais, me débrouiller seule.
-Ne le prends pas mal, Cendrine, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répondit Louis-Henri.
La jeune femme soupira dagacement.
-Tu tobstine, encore en plus Pourquoi me traite-tu en enfant ?, lui reprocha Cendrine. Tu crois vraiment que ce qui sest passé avec Lanvais me fait encore souffrir ? Tu ne me crois pas capable dêtre forte ? Tu veux vraiment que je te dise ce qui me rend malade ?
-Maisenfin, cest évident que tu en souffres encore, se défendit le jeune homme. Il suffit de técouter pour voir que tu es malade damour.
-Vraiment ? Dans ce cas tu es aussi stupide que Lanvais lui-même !, sexclama-t-elle. Oui, je suis malade. Je suis malade de savoir, pas damour. Je suis malade dêtre consciente de légoïsme propre à lêtre humain, de cette hypocrisie dont nous sommes tous atteints. Je suis malade des convenances qui me traitent de folle, parce que je refuse de my soumettre. Je suis malade de ce voyeurisme permanent auquel je ne peux y échapper. Je suis malade dattendre la mort et de la redouter en même temps. Je suis malade, enfin, de ce que personne ne semble vouloir me comprendre ou même mécouter. Voilà, mon cher, de quoi je suis malade.
Louis-Henri ne dit rien. Il fit un pas en arrière, puis volte-face, et partit, laissant Cendrine seule et prisonnière de ses pensées.
VOUS LISEZ
Cendrillon 2
Ficción históricaCendrine revient enfin d'Angleterre mais elle a changé. Son comportement alarme Louis-Henri : pourra-t-il réparer le coeur de la belle blonde ?