Amnésia [Terminé]

Chapitre 1: Amnésique

- Hey Jo!

Je me retourne à l'appel de mon surnom pour faire face à une jeune fille de petite taille, brune avec une coupe courte asymétrique, des yeux verts, un nez retroussé et un sourire effronté. Je vous présente Lidya, lycéenne, 17 ans.

- Salut Lidy, lui réponds-je.

- Tu viens réviser avec moi à la bibliothèque?

- Non désolée, mes parents veulent que je rentre tôt pour ranger ma chambre.

- Ok, bon ben à plus!

Je la regarde s'éloigner avant de reprendre mon chemin.
J'avoue, j'ai menti.
Je n'ai pas besoin de ranger ma chambre, c'était juste une excuse pour éviter de passer du temps seule avec elle.

Ce n'est pas que je n'apprécie pas Lidya – alias Lidy – au contraire. Elle est très sympa et extravertie, elle fait partie des gens qu'on a l'impression de connaître depuis toujours même si ça ne fait que quelques minutes.
Il paraît que c'est ma meilleure amie depuis que je suis toute petite.
... Il paraît.

Personne n'a su expliquer mon amnésie subite. Je n'ai eu aucun choc à la tête, aucun accident.
Un matin je me suis juste réveillée sans rien me souvenir de tout ce qui avait trait à mon identité. Mon prénom, ma famille, mes amis... J'avais tout oublié.

Alors quand je suis avec Lidya, je me sens mal d'agir comme si j'étais sa meilleure amie. Car aussi bien qu'on ait pu s'entendre avant, elle n'est maintenant pour moi plus qu'une vague connaissance.

Et il n'y a pas qu'avec elle que je me sens bizarre. Il y a aussi mes parents - la famille en général - et tout mon entourage, c'est-à-dire mes amis, mes camarades de classe, etc.
J'ai l'impression que mes parents ne sont pas les miens et que les visages que je vois tous les jours au lycée sont ceux d'étrangers.
J'ai le sentiment d'être une alien qui débarque d'une autre planète.
Heureusement que je n'avais pas de petit-ami...

***

Je soupire en passant le pas de la porte de chez moi.
Mon chat vient se frotter contre mes jambes mais je l'ignore. Il va me mettre des poils partout et en plus je préfère les chiens... Oui, je sais bien que les chiens aussi ont des poils, et alors?
Mes parents n'ont pas l'air d'être rentrés et je m'en sens soulagée. Je pense que je n'ai pas besoin de réexpliquer pourquoi.
Je crois qu'on peut officiellement dire que je suis associable.

Je fais un tour à la case toilettes (parce que punaise, ce n'est pas parce qu'on est dans un récit que je vais me priver d'y aller) puis je décide de monter dans ma chambre.
Sur le palier, je passe devant une fille au cheveux lisses, longs et noir corbeau. Elle est très mince et ne porte que du noir. Elle a un teint blafard et me fixe de ses grands yeux bleus hagards.
C'est mon reflet dans le miroir.

Comme je n'ai pas envie de me déprimer davantage en voyant à quel point j'ai l'air d'un ectoplasme, je me dépêche de gravir le reste des escaliers pour arriver à ma chambre.

Je m'installe à mon bureau et commence mes devoirs pour me changer les idées... Et parce que c'est obligatoire aussi.
Étrangement, je n'ai rien oublié de mes cours. Ceci dit, il aurait mieux valu que ce soit l'inverse: oublier toutes mes leçons mais me souvenir de tout le reste.
Ma mémoire sélective a dû s'emmêler les pinceaux quelque part.

***

Je finis mon travail en à peine trois quarts d'heure car j'ai la chance d'être efficace grâce à mon mode concentration optimale et je vais faire ma toilette du soir.

Il est exactement 21h03 (j'aime être précise, et ma montre est d'ailleurs toujours à l'heure du satellite) quand j'ai fini de me doucher, de me mettre en pyjama et de me brosser les dents.
Je regarde mon portable pour constater que mes parents m'ont envoyé un message m'avertissant qu'ils ne seraient pas rentrés avant 23h au moins, qu'ils en étaient vraiment désolés, qu'ils seraient là pour moi la prochaine fois, etc etc.

J'ai envie de leur répondre que ça ne me dérange pas du tout et que s'excuser des milliards de fois ne changera rien, mais je me dis que c'est déjà suffisamment dur pour eux d'avoir une fille amnésique et qu'il n'y a pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.
Je me résigne donc à leur envoyer une réponse du style « C'est pas grave, passez une bonne soirée ^^ Bisous » et je m'affale sur le lit.
Mon ventre me rappelle que je n'ai pas mangé ce soir mais je l'ignore, ayant la flemme intersidérale de descendre les escaliers et de cuisiner.

Cette journée a été particulièrement longue, et j'ai besoin de décompresser. Je mets mon casque sur les oreilles et balance du power métal, le son au maximum. Je crois que je deviendrai sourde avant l'heure.
... Au bout de cinq minutes je me rends compte que jouer les rebelles ne me correspond définitivement pas, j'ai les oreilles qui commencent à saigner (c'est une expression, on se calme). Je baisse le volume de moitié à contre-coeur. Peut-être que je ne finirai pas sourde finalement.

Je ferme les yeux et laisse mes pensées dériver...

Toutes les personnes qui me connaissaient d'avant disent que mon loisir est la photographie mais je préfère de loin le dessin; que je raffole du chocolat au lait mais je préfère le chocolat noir; que je suis d'un naturel joyeux et positif alors que je suis morne et pessimiste; que ma matière préférée est le français alors que c'est l'histoire; que je suis le petit cancre de la classe que tout le monde aime bien alors que je suis plutôt l'intello...

Il n'y a pas que ça: même mes goûts esthétiques ne sont plus les mêmes. Par exemple, j'ai changé ma garde robe colorée pour du gothique léger; je n'aime pas quand c'est trop marqué car j'ai l'impression de me déguiser en poupée. Je me contente de rester dans ce qui peut paraître acceptable et pas trop excentrique du point de vue de la majorité des gens.
J'ai aussi refait la déco de ma chambre, et les dessins que je fais maintenant sont dans un style complètement différent que ceux que je faisais avant...
Et tous ces changements du jour au lendemain.

J'en arrive donc à la conclusion que notre personnalité et nos goûts sont définis par notre expérience vécue. Et comme je ne me souviens plus d'avant, mes goûts on changé puisqu'ils ne peuvent pas être définis par quelque chose dont je ne me souviens pas.

Quand soudain, une pensée s'impose à moi, comme une petite bête insidieuse qui me rongerait de l'intérieur et refuserait de partir.

Cette vie n'est pas la mienne.

C'est celle de la Johanna d'avant.

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Bon, ce chapitre était surtout basé sur les sentiments du personnage principal, ce ne sera pas comme ça la prochaine fois, promis! (Il y aura d'autres persos donc plus de dialogues et moins d'introspection ^^)
J'espère que vous n'abandonnerez pas tout de suite XD

Rendez-vous dans une semaine environ!

- Nalvera