Amnésia [Terminé]

Chapitre 12: Un des grands mystères de l'humanité enfin résolu

- MAIS VOUS PARLIEZ DE QUOI BON SANG???!!

Tout le monde dans la pièce se fige.
Les larmes me montent aux yeux.
Ils n'ont pas parlé de ça, ce n'est pas possible.
Dites-moi que ce n'est pas possible!

Ma mère se met à fixer le sol, mal à l'aise.

- Johanna... Tes amis s'inquiétaient pour toi, et je suis persuadée qu'on peut leur faire confiance. Je suis sûre que tu ne leur diras jamais et je trouvais ça dommage alors... J'ai expliqué à ta place.

Je bouillonne intérieurement.

- Crache juste le morceau et arrête de tourner autour du pot!

Un lourd silence s'installe avant que ma mère ne réussisse à me répondre:
- Oui, Johanna. Tu as bien deviné. Je leur ai parlé de ton amnésie.

Ma première réaction est de me figer comme une statue. Mes neurones n'arrivent plus à se connecter, et dans ma tête tout devient blanc.

Puis la réalité me revient en pleine figure et je réalise tout ce que ces mots signifient.
Elle a parlé de mon amnésie à mes amis.
Il savent.
Les larmes commencent à rouler sur mes joues, et je ne saurais même pas dire si ce sont des larmes de désespoir ou de colère. Ou les deux.

- Je croyais pourtant que tu savais tout ce que ça représentait pour moi, Maman! S'il y a bien une chose que j'aimerais justement oublier en ce moment, c'est mon amnésie! Tu croyais quoi? Que leur en parler m'aiderait, que ça me ferait du bien, que ça m'enlèverait un poids de la poitrine? Si j'avais voulu qu'ils le sachent, je le leur aurais dit moi-même!

Sur ce, je pars en courant et je monte les escaliers quatre à quatre jusqu'à ma chambre, dans laquelle je m'enferme à double tour avant de me laisser glisser le long de la porte et de me laisser aller aux sanglots.
J'épuise vite toutes les larmes que j'avais en stock et je je me dirige vers la fenêtre, en espérant trouver un oiseau à qui parler. Je n'attends pas longtemps avant qu'un pigeon n'entre dans mon champ de vision.

« Voilà, ils savent. »

« Et alors? » répond le pigeon.

« Bah... Je voulais pas qu'ils sachent. En fait, j'ai peur qu'ils me voient différemment. »

« Et alors? »

« Tu ne sais dire que ça ou bien? »

« Et alors? »

« Est-ce que tous les pigeons sont comme toi? »

« ... »

« ... »

« Et alors? »

Je coupe net la connection mentale ici.
OK, apparemment les pigeons c'est clairement pas un bon plan quand on cherche un psy.

Je me masse les tempes en soupirant.
Pourquoi est-ce que le seul don que j'ai est complètement débile et inutile? J'aurais pas pu avoir un truc du genre, je sais pas moi, la télékinésie ou la téléportation? C'est quand même autrement plus classe!

Soudain quelqu'un frappe à ma porte. Je ne réponds pas.
La personne insiste. Et je persiste dans mon mutisme.

- Jo!

C'est la voix de Léa J. Je ne réponds toujours pas.

- Écoute, Jo... commence-t-elle. Je comprends que tu te sentes vexée, déçue, voire trahie, mais sache que nous sommes tes amis. Tu peux compter sur nous pour garder le silence et agir comme avant.

Je sais bien que je suis ridicule. Que je suis en train de surréagir.
Mais je n'arrive juste pas à m'arrêter.
J'ai l'impression d'être au fond d'un puits froid et humide et dont, étrangement, je n'ai pas envie de sortir.
Je m'y morfonds et je me plais à m'y morfondre. Ce n'est pas que j'aime souffrir, loin de là. C'est juste que... Je sais pas, je n'ai juste pas envie de sortir de ma léthargie.
Pas tout de suite en tout cas.

Au bout d'un moment Léa abandonne et je l'entends redescendre les escaliers.
Enfin le silence.
Je ferme les yeux et je reste comme ça jusqu'au soir.

***

On dit que la nuit porte conseil. Pour ma part, ce n'est absolument pas la nuit qui m'a aidée à relativiser. Ou pas dans le sens auquel on s'y attend, en tout cas.

En effet, mon double s'est encore incrusté dans mon esprit. Il est de plus en plus présent ces derniers temps.
Mais le pire, c'est que cette Johanna n'arrête pas de m'empoisonner de ses paroles. Cette nuit, par exemple, elle m'a dit qu'il était « dommage que mes amis ne m'aient pas tourné le dos suite à cette révélation » et que « le pire reste que ce n'est même pas une vraie révélation en plus. »

Franchement, elle commence à me briser les cacahuètes. Je ne sais pas ce que je lui ai fait dans une vie antérieure, mais ce qui est sûr c'est qu'elle m'en veut terriblement.

Je me lève avec un mal de crâne pas possible. On peut littéralement dire que cette fille me prend la tête. Je soupire en descendant prendre mon petit-déj.

Au moins, me disputer avec elle m'a permis de remplacer la colère que j'avais pour ma mère en colère pour elle. Ce qui m'a permis de relativiser un peu les événements de la veille.
C'est la seule utilité que je lui ai trouvé pour l'instant: m'agacer pour oublier (ce à quoi vous vous direz que je n'ai visiblement pas eu besoin de ça pour oublier qui j'étais, et je vous répondrai alors « la ferme, vous avez très bien compris ce que je voulais dire »).
Bref.

Pour résumer, la vie reprend son cours normal et mon cerveau aussi. Je me mets à vaquer à mes occupations habituelles du dimanche et l'idée de retourner au lycée le lendemain et de revoir mes amis ne me dérange plus.
Ce qui est fait est fait, et je me dis qu'au pire ça me libère un poids. Je n'ai plus à trouver d'excuse bidon quand on me demande des souvenirs d'enfance.

Pendant que je me promène dans la rue (j'adore prendre l'air), j'en profite pour tenter de parler à un autre pigeon que la dernière fois. Histoire d'être sûre s'ils sont tous aussi stupides ou non.

« Salut. Ça ne te dérange pas d'être dans une ville polluée qui pue au lieu d'être dans la campagne? »

« Et alors? »

« Donc tu t'en fiches. »

« Et alors? »

« Même quand les passants te donnent des coups de pied dans la figure pour te faire peur juste parce qu'ils s'ennuient? »

« Et alors? »

Bon, voilà. Nous pouvons tirer de cette conversation deux morales par rapport au grand mystère des pigeons:
1/ Tous les pigeons sont définitivement cons.
2/ On ne saura jamais ce qu'ils pensent des coups de pied dans la figure.

Et j'ajouterais même:
3/ Les végétariens qui le sont par pitié envers les animaux, vous savez maintenant que vous pouvez manger des pigeons: ils pensent autant qu'une plante verte.

————————————

Heyy!!
Et voilà, ce chapitre se clos sur la résolution d'un des plus grands mystères de l'humanité: les pigeons ont-ils un cerveau? La réponse est oui, mais il est vide. XD
Sur ce, à la prochaine!
- Nalvera

PS: Chers végétariens ou vegans ou quoi que vous soyez, ne m'en voulez pas trop svp ^^'