Leave me

C.2: Qui est-ce

JAYRON:

Je suis attablé avec la tante d'Alonïs. Les larmes coulent sur son visage en m'expliquant le tragique accident. Elle renifle et ses gouttes déferlent sur la table carrelée de la cuisine.

Pour ne plus voir cette scène, je baisse la tête et touille frénétiquement mon café noir, alors qu'il est sans sucre.

Je ne suis pas doué pour réconforter les gens. Ce n'est pas mon style.

" Dis plutôt que ton cœur se fend et que tu joues le rôle de gros dur "

Ça fait longtemps que je t'ai entendu, toi. Continues de la boucler !

" Il n'y a que la vérité qui blesse, comme on dit "

Je grogne intérieurement pour que cette voix désagréable cesse.

Alors voilà... Un alcoolique s'est déporté, a prit la voix en sens inverse et a percuté de plein fouet une autre bagnole. S'en est suivi par des coups des freins, des cris, des chocs... et plusieurs blessés et morts.

Le plus malheureux dans tout ce drame, c'est que l'alcoolique est connu... C'est Kurt Smith. Le mari de Madame Smith. Ça tue, c'est le cas de le dire.

Ma prof est morte sur le coup. Je dirais tant mieux, elle n'a pas souffert au moins.

J'attends qu'elle se reprenne pour enfin savoir pour Alonïs. Ça me démange de lui dire, mais je m'abstiens...

- Alonïs...

( Ah, c'est pas trop tôt ! )

- Elle a eu des séquelles physiques...

Merde ! Elle est défigurée ? M'en fou...

- Elle a que des petites cicatrices au visage. Rassures-toi, tu ne seras pas choqué pour ça. Elle a encore un plâtre à la jambe droite, qui monte jusqu'à la cuisse. Il faut que sa jambe soit complément immobilisée. Ce qui peut te traumatiser, c'est...

- Il y a quelqu'un ?

Nom de dieu... Ce que ça fait du bien d'entendre de nouveau sa voix. J'en ferme les yeux. Mon cœur s'est déchaîné en entendant ce son.

" L'amour fait ça! "

Chut ! Conscience pourrie...

- Je suis là. Ta tante Carène. Tu as besoin d'aide, ma chérie ?

Pourquoi elle précise ? C'est bizarre...

- Je n'arrive pas à me lever.
- J'arrive ! Je reviens.  M'annonce-t'elle.
- Vous voulez un coup de main ?
- Non, ça va. Elle a dû oublier où elle avait mit les béquilles.

Oublier ? Je penche le visage intrigué. Elle se lève et se penche pour chuchoter...

- C'est ça qui va te paraître étrange. Ne lui en veux pas, si elle ne te reconnaît pas.

Quoi ? À mon avis, elle va être choquée de me voir. Elle peut que savoir qui je suis. Je l'ai assez emmerdée comme ça.

J'attends quelques minutes seul, puis j'entends des pas et les claquements des cannes sur le carrelage crème.

Ma petite brunette timide arrive enfin devant mes yeux. Mon cœur loupe un battement. Elle regardait le sol, probablement pour ne pas tomber. Elle relève le menton et ses yeux dorés me fixent étrangement. Les yeux de son père sans doute, autrement elle a tout de sa mère. Des petites cicatrices se font entrevoir. Rien de bien méchant. Ça ne lui enlève pas sa beauté. Qu'est-ce que je raconte encore...

Elle sourit très légèrement. À moi ? Je reste scotché face à cette esquisse et je lui réponds avec plaisir. Jamais elle n'a étiré ses lèvres comme cela pour ma part...