Le Central de Police était une masse tentaculaire de métal, se tenant au dessus de la ville, mais ne la plongeant même pas dans l'ombre de par je ne sais quelle technologie pour faire glisser la lumière sur les parois.
Dedans, des centaines de gens couraient dans tous les sens, avec des dossiers, de la paperasse, ou un prisonnier à mener aux bagnes. Je me demandais si cette masse grouillante avait conscience d'elle même, si elle se voyait se mouvoir dans tous les sens.
Je m'y faufilais, me rendant compte que je participe à cet effet fourmilière que je hais tant.
Je m'extirpais de cette foule pour rejoindre une des centaines de capsules d'ascenseurs réservées, pour ne pas partager la même qu'une vingtaine de citoyens transpirants et pressés.
Les portes se refermèrent, coupant le brouhaha incessant de la grande salle d'accueil.
« Lag ?- Oui ?
- Tu peux m'appeler Maître aujourd'hui ?
- Un complexe d'infériorité ?
- Ça doit être ça, ouais... »
La porte s'ouvrit enfin devant l'entrée des archives récentes, où un gigantesque droïde fixé au sol triait des caisses de métal remplies de clefs de mémoire sur les imposantes étagères du lieu avec ses vingtaines de bras mécaniques.
Il s'arrêta un moment dans sa tâche, et tourna son unique œil rouge vers moi.
« Salutations... (scan... scan...) Agent Gal. Quelles informations exigez-vous ?- Les dossiers sur les meurtres de... euh...
- Vos dossiers d'enquête vous seront livrés dans votre bureau.
- C'est fort aimable. »
Je retournai dans ma capsule en pestant.
Assez ironiquement, le lieu que je détestais le plus de tout le Central de Police était mon bureau. Combien de temps avais-je perdu dans ce vieux trou ?
Le vrombissement léger de la capsule me berça en silence durant le trajet.L'ascenseur s'ouvrit de nouveau, me laissant sortir à travers un long couloir où des portes dénommaient les différents inspecteurs, ainsi qu'un index de leurs anciennes missions. Ma porte était un peu loin, ce qui me permettait de zieuter un peu les avancées de mes collègues. Il était très rare que l'on reste sans affaire plus de deux jours consécutifs, mais c'étaient la plupart du temps des cas très très peu intéressants.
Enfin, ma porte. Je plongeai dans mon bureau, que j'avais décoré comme une bonne vieille antre de détective des années 50, avec des tas d'antiquités partout: un tableau de liège au mur avec des tas d'épingles et de fils rouges noués entre eux, une vieille lampe courbée sur un bureau de bois poussiéreux, à peine éclairé par de minces filets de lumière qui s'infiltraient entre les rideaux de métal horizontaux dans l'air vicié et saturé de particules de poussière.
Et malgré toutes les vieilleries que j'avais installé, je haïssais quand même ce lieu, pour tous ces moments où l'on m'y avait informé que mon enquête passait à quelqu'un d'autre, pour toutes ces nuits blanches où je galèrerais à trouver un quelconque lien logique entre les événements...
Je reportais bêtement la faute à ce lieu plutôt qu'à mon incompétence.
Je m'assis sur le fauteuil noir et m'emparai de l'holo-dossier qui reposait sous la lumière jaunie de ma vieille lampe.Une affaire de meurtre, donc. Trois victimes pour le moment, mortes dans un hôpital et des circonstances cheloues. Une moitié de torse rendue translucide pour l'un, un buste totalement rongé par ce qui pourrait ressembler à une nécrose -mais alors violente, la nécrose- pour un autre, et enfin une mort spontanée chez le troisième.
Qu'est-ce qu'on vient me balancer des dossiers médicaux ?Je suis flic, moi, pas infirmière...
« Alors ?, vint me demander Lag à travers mon oreillette.- Bah qu'est-ce que tu veux que je trouve ? Pour moi un meurtre c'est avec une balle, avec une lame ou avec un laser, un truc normal, quoi. Si ça se trouve c'est juste des nouvelles maladies et puis basta.
- Dois-je envoyer une demande de refus de mission ?
Je soupirais longuement. Si c'étaient vraiment des meurtres...- Nan, pas besoin, lâchais-je au bout d'un long moment. Je vais aller voir les légistes pour savoir c'est quoi ces histoires de fou.
- Les légistes sont au secteur 4-6, tour 71, étage -4.
- Ils sont pas au Central ?
- En ce moment, nos unités scientifiques sont débordées, et font leurs recherches dans des laboratoires le plus proche possible de leurs zones attribuées.
- J'ai rien pigé mais c'est pas grave. Tu m'appelles un taxi, je me rend au secteur machin-chose pour en savoir plus.
Je ressortis, quelques minutes plus tard, du Central de Police, en entrant dans le taxi que Lag avait appelé pour moi. Pas de conducteur, et d'ailleurs il n'y en n'avait pas besoin, et je n'en n'avait pas envie. Payer un supplément pour que ce soit un humain qui pilote pour non seulement avoir plus de chances d'accident mais en plus une discussion forcée et bateau sur la météo ou sur le dernier match de foot, très peu pour moi.
En regardant par la fenêtre, je re-constatais cette impression de ruche frénétique qui me répugnait. Combien aurai-je donné pour me barrer de cette planète pourrie...
J'aurais sans doute payé le prix auquel c'était, si seulement j'avais l'argent pour, me rétorqua une petite voix dans ma tête.
Des drones, des robots, des cyborgs, les ''Améliorés'' comme ils s'appellent, tout ça faisait partie intégrante de cette Méta-colonie, et tout ça faisait partie des aspects que je détestais le plus.Sérieusement... à travers les galaxies explorées par l'espèce humaine, un nombre incroyable de planètes habitables ou terra-formées présentaient des climats, ou au moins des paysages plaisants... et il a fallu que je naisse sur un astéroïde pourri et désertique dont le seul avantage était sa position dans un champ d'astéroïdes riches en métal.
Pratique pour construire des machines, mais justement, les machines n'ont pas besoin de nous.Sous mes yeux passaient maintenant des tours, encore, pointant vers le ciel et plongeant vers le centre de la Terre, dont les bases étaient englouties par les ténèbres faiblement combattues par des lampes sans force, entre lesquelles volaient des centaines de véhicules.
Dont le mien. Je faisais encore une fois partie d'une masse grouillante et sans âme.
Le taxi s'arrêta contre une tour, des pinces mécaniques le stabilisant sur la plateforme, et la portière s'ouvrit pour me laisser entrer dans la tour.
Je m'y plongeais pour éviter les hurlements des vaisseaux.
Des légistes, hein ? Allons voir ça...
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À travers Khyberia T1
Science FictionAnnée de grâce 3167; l'Humanité survit encore, malgré tout, ayant conquis les étoiles et les galaxies. À travers l'Empire, l'Hégémon et les Alliances de toutes sortes, Khyberia est une ville unique, où la Technologie est mot d'ordre. D'étranges mor...