M.A.P II

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L'œil rouge du droïde me fixait intensément, comme un gigantesque orbe qui absorbait mon âme dans les engrenages de mise au point qui tournaient en lui.

« Salutations, Agent... (scan... scan...) Gal. Quelles informations exigez-vous ?

- Toutes les images de surveillance dans lesquelles apparaissent l'un de ces citoyens, lui répondis-je en lui envoyant les profils des victimes.

- Soit. Les informations exigées vous seront livrées directement dans le dossier de votre enquête. Passez une bonne journée.

- Merci, à vous aussi... »

Passez une bonne journée ? Il faudrait vraiment revoir l'algorithme de réponses, en particulier après un attentat. Un petit mot genre « Bonne chance », dans le cas où ce monstre de métal s'adressait à quelqu'un qui avait perdu son compagnon de vie.

C'était sans doute trop demander pour ce cerveau de câbles et de données que de faire attention à ce qu'il disait. En l'occurrence, je ne pense pas que quiconque puisse ''passer une bonne journée'' aujourd'hui.

J'allais m'asseoir à une grande table pour ouvrir le dossier de mon enquête, mis à jour par le droïde.
Beaucoup, beaucoup trop de fichiers vidéos venant des caméras de surveillance des bas-fonds, avec des reconnaissances faciales plus ou moins ciblées, des cercles rouges entourant des visages plus ou moins ressemblant aux victimes de l'affaire. J'avais déjà de la chance d'avoir des images des bas-fonds, puisque les souriens détruisaient les caméras, à un point tel qu'il volait maintenant chez eux des drones blindés de surveillance armés, quand ce n'était pas directement une méca-milice qui arpentaient leurs rues sales et sombres pour tenir cette crasse en ordre.

« Lag, cible les documents où les victimes apparaissent tous les trois pour dégager du surplus s'il-te-plaît.
Elle s'exécuta. Un bon millier d'enregistrement furent mis de côté pour n'extraire des documents que ceux dont je pouvais tirer quelque chose.

Des yeux humides se tournèrent vers moi.
Ceux qui avaient perdu leur Conscience me jetaient des regards noirs embués de larmes.
Je baissai les yeux, gêné, vers les enregistrements vidéos, fuyant ces regards insistants et inquisiteurs.
Un grand nombre des captures de caméras de surveillance des bas-fonds filtrées ne présentait qu'une des victimes, marchant dans les rues uniquement éclairées par les faibles luminaires des lieux de vie des souriens. Rien à en tirer.
Et puis, en bonus, pas un seul enregistrement ne montrait les trois simultanément au même endroit.
En même temps, regarder des centaines de vidéos où je devais à chaque fois chercher où était le gars qui correspondait à la victime me lassa assez rapidement, je laissais cette tâche à Lag. Elle serait beaucoup plus compétente que moi...

Les Consciences naissent liées aux flux d'informations quasiment infinis de tous les réseaux libres. Des cerveaux identiques à ceux des humains, mais dont la perception du monde est complètement différente. Les sens du toucher, de l'odorat et du goût bridés, mais un accès à toutes les données accessibles imaginables de la Galaxie. On ne peut même pas s'imaginer cette sensation, couplée à une mémoire et une puissance de calcul digne d'un super-ordinateur...

Mais, d'un autre côté, elles sont privées de l'expérience de la vie. Tout ce que les Consciences savent du monde, ce sont des données. Plus de données que ne pourrait jamais en avoir un humain en milles vies, mais sans ressenti aucun sur ce qu'elles constatent.
Cependant, elles ont tout de même des sentiments. Programmés, certes, mais tout de même.
Les alvéoles des Stockages de Mémoires injectent aux Consciences des hormones de synthèse sous certaines conditions pour les stimuler et simuler des réactions humaines.
Par exemple, rendre heureuse Lag quand on boucle une enquête. Comme un chien qu'on récompense avec une friandise.
Ou alors, pour les Consciences n'ayant plus de client attitré, leur faire subir un état de manque afin de les forcer à s'accommoder à son binôme.

À travers Khyberia T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant