2. Hélissy

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Je me penche dans le vide, espérant apercevoir la première tête avant ma sœur. Je tends le cou et souris en reconnaissant les drapeaux. Les gardes qui encadrent la jeune femme aux cheveux châtains supportent de grandes bannières rose pâle, sur lesquelles sont représentées des fioles, encadrées d'une branche de thym, et de trois sphères de lumières. Légahas avance fièrement au milieu de la foule, et atteint rapidement les pavés.

-Voilà ma préférée, ironise Hélémis. Cette femme porte en elle nos deux caractères réunis.

Je hoche la tête. C'est vrai que la chef du clan des Guérisseurs est légèrement lunatique. Parfois souriante et avenante, elle arbore aujourd'hui une mine affreusement sérieuse, et dramatique. Ses vêtements sont sobres, un long pantalon gris et un gilet noir, et ses yeux violets luttent contre la fatigue qui semble l'accabler. Son style vestimentaire nous indique parfaitement qu'elle sera cynique et dépressive. Autrement dit, que je vais tout faire pour l'éviter.

-Elle penche de ton côté, niveau personnalité, aujourd'hui, j'ajoute.

Hélémis émet un rire grave, approuvant ma remarque. La grande dame passe sous nos pieds en replaçant son diadème sur ses cheveux mi-longs. Le diadème est tout simple, possédant trois pierres sur le devant, une bordeaux et deux blanches. Les guérisseurs n'ont pas besoin de plus. Ils sont au service de la santé et de la longévité. Et leurs méthodes sont extraordinaires. Je me rappelle être tombée malade étant plus jeune. Légahas en personne m'avait rendue visite. Elle m'avait alors fait avaler une de ces sphères lumineuses qui avait réchauffé tout mon corps, et une potion, cent pour cent naturelle. En deux heures à peine, la grippe n'était plus qu'un mauvais souvenir. Je souris en me remémorant la jalousie d'Hélémis, à qui on avait refusé la sphère médicinale. Ne tombant jamais malade, ma sœur n'a jamais eu le droit à ce privilège. Elle a beau assurer qu'elle n'en à rien à faire, je sais très bien qu'elle aimerait y goûter, juste une fois. Lorsque j'attrape quelque chose, la narguer est devenu mon passe temps préféré. Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas l'arrivée du deuxième chef. Miss me donne un coup de coude, qui manque de me faire perdre l'équilibre. Elle explose de rire en contemplant le portail de l'entrée. Un homme de toute petite taille tente de se frayer un chemin entre ses admirateurs. Il secoue les bras et les jambes, essayant d'éloigner ses poursuivants. À mon tour, j'éclate de rire, rejoignant ma sœur. Je sais que c'est mal. Tout au fond de moi, je sais que je ne devrais pas me moquer. C'est plus fort que moi, et je n'arrive même pas à en être désolée. Je fais tellement d'efforts pour me tenir en place, que dès que l'occasion de me détendre un peu se présente, je ne peux que profiter de l'instant. Les moments avec ma sœur sont les seuls où je n'ai pas à faire plaisir à tout le monde, ni à plaire. Hélémis se fiche que je sois polie ou non. Elle se fiche de pas mal de choses, en vérité.

-C'est Hukrev, je remarque.

-Hukrev, tu crèves. Hukrev, tu crèves, entonne Hélémis, reprenant le refrain que nous avions inventé enfants.

Le chef des Fournisseurs est une personne très sévère, très méprisante, mais aussi très musclé. Il soulève des poids impressionnants, livrant au pays entier les fournitures nécessaires. Il est à la tête de ce clan depuis bien longtemps avant notre naissance, et ses oreilles n'ont cessées de s'allonger. Malheureusement, pour lui, son aspect inspire le monde entier à rire. Avant qu'il n'atteigne le portail, une grande dame attrape le bras du nain, qui déglutit en reconnaissant la personne. Soudain, un cercle se forme autour du chef, empêchant les gardes d'intervenir.

-Qu'est-ce qu'il se passe ? Je demande.

-Eh bien, grande sœur, les choses commencent à devenir intéressantes.

Eclat, Acte I : Le Ciel rencontre la TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant