7. Hélémis

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Pour la première fois depuis que j'avais été désignée comme l'élue de la lune, je n'avais pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Malgré ma facilité à m'endormir partout, même sans pouvoir, j'étais trop perdue pour ça. Mes pouvoirs avaient disparus. Tout le monde à Skyra m'avait trahie, et mes pouvoirs avaient disparus, bon sang ! Je détestais la Terre, je haïssais le ciel, mais j'avais difficilement le choix. Je devais être sur l'un d'entre eux. Ou mourir. Mais mourir me paraissait actuellement comme étant une mauvaise option. Je crois. Alors, à choisir, je préfère mille fois évoluer dans un monde de traîtres. Ces idiots d'humains me donnent la nausée. Je les côtoie depuis une journée, et j'ai déjà eu envie d'en égorger une bonne centaine. Après avoir passé toute la nuit dans la ruelle sombre, à ruminer ma colère et le peu de connaissances sur la Terre qui pourraient m'être utile, j'avais décidé d'aller faire un tour dans la ville, histoire d'insulter deux ou trois personnes. Ou toutes. Je traîne un peu des pieds jusqu'à une plus grande route. Je suis étonnée de voir autant de monde, alors que le soleil n'est même pas encore levé. Le soleil.. Si seulement il pouvait ne plus jamais s'élever... Rien que d'imaginer ma sœur faire sa petite vie là-haut, dans un énorme château... Je mets un grand coup de pied dans une benne à côté de moi. Je crie de douleur, parce que mon petit doigt de pied vient certainement de vivre ses derniers instants, puis je ramasse les sacs en plastique tombés au sol et je les balance de tous les côtés, ignorant les odeurs nauséabondes. Une fille, portant un énorme casque sur les oreilles, me fusille du regard.

-Quoi ? Qu'est-ce que tu veux ? Je lui lance sèchement.

Elle fronce les sourcils et secoue la tête. Je lui lance un sac dessus. Elle pousse un gémissement de surprise et part en courant. Je souffle, puis remets un coup de pied. C'est inutile. Je dois arrêter de me comporter comme une enfant, et réfléchir à comment je pourrais faire, pour aller me comporter comme une enfant, en haut. Je remonte mon sac sur mes épaules et pars, déterminée. Le seul problème, c'est que je n'ai aucune idée d'où je pourrais aller. Je marche dans les rues pendant quelques heures. J'observe les enfants sortir de chez eux, les adultes partir au travail... Je suppose. Je passe devant un banc où est assise une vieille dame, seule. Elle regarde les alentours en souriant. Comment peut-elle sourire alors qu'elle est seule, dans un monde de fous ? Je m'arrête et la regarde un long moment. Peut-être un peu trop. Elle me lance un grand sourire, et lève la main pour me saluer. Je crispe mon visage, dégoûtée, et déguerpis en vitesse. J'avance encore longtemps avant de tomber sur une cabane, remplie de papiers, couverts de textes et d'images. Je m'approche et attrape l'un des papiers. Une grande image attire mon attention. De grandes colonnes en ruines, sur une colline... Le Parthénon ! Je me souviens maintenant pourquoi Athènes me disait quelque chose ! C'est la seule ville humaine dont j'ai retenu le nom !

-Où se trouve le Parthénon ? Je lance à l'homme dans la cabane.

-C'est très simple ! Il faut sortir de la ville en suivant cette direction, et suivre les panneaux, dit-il en agitant les bras, et avec un grand sourire.

Je hoche la tête et pars en courant, ignorant les cris de l'homme, me disant que j'avais soi-disant volé son journal. Aucune idée de ce dont il parle. Tout le monde me dévisage lorsque je traverse les rues à toute vitesse. Je manque de me faire percuter quatre ou cinq fois par leurs immondes voitures, avant d'arriver à la sortie de la ville. Au loin, j'aperçois les colonnes familières de l'énorme bâtiment. Je souris, et reprends ma course. La montée est assez raide, mais j'ai besoin d'arriver en haut. Le Parthénon est le seul endroit terrestre qui relie Skyra avec ce trou à rats. De là-bas, je pourrais retrouver le ou les gardiens du lieu, des Voyageurs, que je soudoierais facilement. Je monterais sur un pégase, et je retrouverais un pays où les gens ont du respect pour eux même. Je fonce jusqu'aux grandes colonnes, enfin soulagée. Je m'arrête au milieu des ruines et pars à la recherche d'une tête connue. Et puis je me rends compte que même si je croisais quelqu'un de Skyra, je ne le reconnaîtrais pas. Je passe au milieu des centaines de personnes munis de petits appareils noirs et détaille les alentours. Les individus sont relativement tous les mêmes. Des hommes et des femmes, ni trop âgés, ni trop jeunes, vêtus d'affreux shorts beiges et de chapeaux d'aventuriers. Comment leur expliquer que monter sur l'acropole n'a rien d'un exploit ? Je soupire, de nouveau prise de nausées, causées par la foule environnante. Enfin, j'aperçois une jeune fille, sortant du lot. Se tenant droite, fièrement, elle ne peut que faire partie de mon peuple. Ses deux couettes sont une horreur, en revanche. Je baisse les yeux sur son tee-shirt et... Bingo ! Elle arbore le symbole des Voyageurs, la maudite planète Terre. Je fonce dans sa direction, manquant de renverser une dizaine de personnes dégoulinantes de sueur. J'attrape vivement ses épaules et la secoue, faisant presque flancher son sourire étincelant.

Eclat, Acte I : Le Ciel rencontre la TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant