10. Hélissy

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Je ne saurais dire si le temps passe trop vite, ou si c'est nous qui sommes trop lents. Nous avançons à peine dans notre enquête. Chaque fois que Valdor me questionne sur l'avancement de mes investigations, je ne peux que baisser la tête. Près d'une semaine s'est écoulée depuis que j'ai demandé de l'aide à Peïmo. Malgré ses incessantes demandes, je me suis résolue à lui en dire le moins possible sur l'objet de notre enquête. Il a beau grogner dans son coin et pester contre moi, il n'arrête pas pour autant de m'aider. Pourtant, même à deux, nous sommes incompétents. Nous avons certes récolté quelques informations intéressantes, telle que l'aventure que Legahas et Ewhan avaient eu il y a quelques temps. L'anecdote avait bien été divertissante, mais elle ne justifiait pas un massacre de masse. En admettant qu'ils s'étaient séparés en bons termes. Je doute fort qu'Ewhan ne se laisse vraiment touché par ce genre d'histoire au point de haïr le monde entier. Legahas en serait peut-être plus susceptible. Quoiqu'il en soit, nous avions deux trois pistes qui ne menaient nul part, et je ne pouvais décemment pas m'en contenter. Mes tentatives d'interroger Nayren sur son père avaient été vaines. Il passait définitivement son temps à m'éviter. Les seuls moments où nous nous trouvons dans la même pièce sont les repas. Et, soyons honnêtes, si un plateau de nourriture se trouve sous mes yeux, je ne pense pas à la menace qui pèse sur mon pays. Désolé Skyra. De toute façon, il garde son regard fixé partout sauf sur moi, et se concentre pour finir de manger le plus rapidement possible. Une seule conclusion s'impose : il évite ma compagnie. Je ne comprends pas pourquoi. Si son comportement était dû à ma perte de contrôle de la semaine précédente, je trouvais ça tout aussi suspect. Lui aussi a des pouvoirs, et maîtriserait ma colère s'il savait vraiment comment s'y prendre. Car il était magicien, et était loin d'être le plus modeste. S'il avait les capacités qu'il se vante toujours d'avoir, il ne devrait pas me fuir. Bien qu'il me soit venu à l'idée que Nayren nous approchait habituellement ma jumelle et moi, et non moi seule, je ne pouvais me résoudre à conclure qu'il ne m'appréciait juste pas. Nayren appréciait n'importe quelle fille, jusqu'à ce qu'elle cède. Non, quelque chose clochait vraiment. Mais je dois me concentrer sur la mission première qui m'a été confiée. Trouver le traître. Et, s'il le fallait vraiment, je le ferais sans le fils prodige. De toute manière, son père est conseiller, et je sais sans aucun doute qu'il fera tout pour le protéger, même s'il savait quelque chose. D'un autre côté, le mépris que réservait Zélyan à son fils me faisait douter de la confiance que lui portait le chef des magiciens.

Comme chaque jour depuis une semaine, je me réveille en sursaut, recouverte de bouquins et de prospectus. La chambre de ma sœur me sert désormais de repaire. Seul Peïmo et les fées qui me servent le savent. Je me débarrasse de tous les livres et me dirige vers le bassin de Miss. Heureusement que l'eau s'adapte, car je ne supporterais pas l'eau fraîche pour me laver. Je trempe un pied sur la première marche, et l'eau se met à fumer. J'inspire grandement lorsque l'eau prend l'odeur du chocolat. Je traîne longuement dans le bassin, car c'est le seul moment où je peux être seule et ne penser à rien. Malheureusement, en ces temps troubles, je ne peux m'empêcher de ressasser les informations dont je dispose. Les écrits que j'ai parcouru m'ont renseignée sur les caractères de chacun, sur leur lignée, les événements marquants... Seulement, tout ça n'est que théorique, et ne s'applique qu'au passé. J'ai l'impression d'avoir appris par cœur chaque ligne sans y dénicher quoi que ce soit. Je soupire, faisant onduler l'eau. Je regarde les vaguelettes en pensant à ma sœur. Elle ne se contenterait pas de lire des livres. En fait, elle ne lirait pas. J'ai besoin de quelque chose de concret. On ne trouve rien de compromettant dans les livres si un conseiller s'y oppose. J'ai besoin d'aller sur le terrain. Mais oui ! Je dois me rendre en ville, et dans chaque clan ! Je dois me rapprocher des conseillers personnellement. C'est le seul moyen de me faire une réelle idée. Je sors du bain en trombe avant de perdre mon courage. J'enfile rapidement mon peignoir et m'élance vers le bureau de Valdor, dégoulinante d'eau. Si je ne lui demande pas tout de suite la permission de sortir du château seule, je ne le ferais jamais. Je prends une micro inspiration devant sa porte et l'ouvre en grand.

Eclat, Acte I : Le Ciel rencontre la TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant