Jalousie

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« Qu'est-ce qu'il y a ce soir ma douce ? Pourquoi boudes-tu ? interrogea Prosopopée.

— Pour rien, continua-t-elle de bouder.

— C'est ridicule. Explique-moi.

— Parce que ma cousine a eu pour son anniversaire des trucs que je voulais et que maman et papa ne veulent pas m'acheter. Je lui en veux. Elle a tout ce que je veux. Je suis tellement nulle à côté d'elle en plus. Elle fait de la musique, elle dessine super bien, elle a des bonnes notes. J'aimerais être comme elle.

— Oh je vois. Tu es jalouse, c'est bien ça ? Pourtant ta cousine n'y est pour rien. Qu'en dis-tu si je te parlais de Jalousie ?

— S'il te plaît, mamie.

— Jalousie n'était pas bien grande. Elle avait deux longues tresses brunes, des taches de rousseurs et des bras toujours croisés. Elle avait toujours sa bouche pincée et arborait un air de faux dégoût.

Jalousie en voulait à tout le monde et voulait ce qu'autrui avait. Elle pouvait nous apprécier et nous détester l'instant d'après. À chaque fois qu'il nous arrivait quelque chose de bien, elle disait : « tu as de la chance. Je ne doit pas le mériter, moi ». Elle pensait qu'elle ne valait rien et que les autres étaient toujours plus chanceux qu'elle.

Cependant, cela ne concernait pas seulement les choses matérielles. Jalousie désirait également nous ressembler. Elle se sentait tellement inférieure par rapport à nous qu'elle souhaitait devenir quelqu'un d'autre. Je pensais que Jalousie n'était pas bien dans son corps. Elle était dans l'insécurité constante, elle était inquiète que personne ne l'aime au détriment des autres personnes. Alors lorsqu'elle s'entendait bien avec quelqu'un, elle ne voulait pas que son amie aille parler avec d'autres personnes ou n'ait de l'intérêt pour autre chose qu'elle. Nous examinions ceci comme un désir de possession exclusive de l'autre. Cela faisait peur à certains qui l'évitaient ayant peur qu'elle les étouffât tandis que d'autres voyaient cela comme une preuve d'affection, parce que Jalousie tenait à eux.

Jalousie s'occupait de tout cela, faisant attention à tout et parfois je me demandais si elle ne ressentait pas du plaisir dans cette envie de ressembler aux autres ou de vouloir posséder quelqu'un. Je pensais qu'inconsciemment, Jalousie aimait être comme ça. Si cela n'était qu'un inconvénient, elle aurait essayé de s'en débarrasser mais ce n'était pas ce qu'elle faisait. Je pensai que cela donnait du sens à sa vie. Elle avait des modèles et savait à qui elle voulait ressembler.

Mais si je devais dire le plus grand défaut de Jalousie, c'est de ne pas se rendre compte qu'elle avait beaucoup de choses pour elle. Elle ne se contentait pas de ce qu'elle avait, malheureusement. Elle ne voyait pas qu'elle était tout de même quelqu'un de bien, qu'elle avait des qualités.

— Donc, je dois faire quoi pour ma cousine ?

— Elle peut être ton modèle mais regarde d'abord qui tu es et ce que tu as. Tu es une très bonne nageuse, tu chantes merveilleusement bien, tu as beaucoup d'imagination, tu es créative, tu as beaucoup d'humour.

— Mamie, t'es trop gentille, rougit-elle. »

Prosopopée souhaita de beaux rêves à sa petite-fille et éteignit sa lampe rose en espérant qu'un jour elle saurait reconnaître sa belle personne.

ProsopopéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant