Prosopopée

Docilité

« Mamie, est-ce que tu me trouves trop naïve ?

— Pourquoi me demandes-tu cela ? interrogea Prosopopée interloquée.

— Parce qu'à l'école on m'a raconté un mensonge que j'ai cru. Ils se sont tous moqués de moi, bouda la jeune enfant.

— Ce n'est pas grave ça. Et puis tu sais, c'est en se faisant avoir qu'on ne retombe pas deux fois dans le même piège. À force, tu comprendras ce qui est du premier ou du second degré.

— Tu crois ?

— Oui. Parce que je suis une naïve moi aussi. Mais ce qu'il faut, c'est ne pas être docile. Les plus forts en profiteront pour te commander et te manipuler. Il faut savoir dire non et comprendre qu'on nous prend pour un imbécile. Tiens, je vais te raconter qui était Docilité. »

Prosopopée commença à narrer :

« Docilité était un petit garçon aux cheveux châtains. Il avait des yeux qui, soit trop vite brillaient, soit dans le vide se perdaient. Il se trouvait toujours aux côtés des plus méchants qui profitaient de sa naïveté d'enfant. Il se laissait faire et obéissait au moindre ordre qu'on lui donnait. Il ne disait jamais non et ne répondait jamais. Il ne savait qu'obéir et accomplir sans réfléchir.

Les autres s'amusaient de lui en lui demandant de faire tout et n'importe quoi. Docilité allait tête baissé dans leur méchanceté.

J'avais envie de lui crier de se rebeller mais rien n'y faisait. Ce pauvre bonhomme croyait même tous les mensonges qu'on lui disait. C'était un personnage qui attirait les railleries comme des aimants. Docilité en devenait ridicule à croire n'importe quoi et à se plier à chaque ordre.

Un jour, je discutai avec Docilité pour essayer de comprendre pourquoi il agissait ainsi et je compris une chose : la vérité était qu'il aimait. Comme tout enfant, il avait peur d'être abandonné, alors il disait oui et s'exécutait. Il en perdait sa dignité. Mais, personnellement, je pense qu'il faut parfois se détacher des mauvaises personnes quitte à se retrouver seul. Mieux vaut être seul que mal accompagné dit-on si bien. Et puis on finira par trouver quelqu'un qui nous aime bien et qui nous respecte. D'ailleurs, Docilité n'était pas si seul ; il avait des amis qui le respectaient tels qu'Altruisme, Tolérance et Timidité.

Le problème de Docilité était qu'il ne parvenait pas à se forger sa carapace, à affronter les rapaces que représentait l'autorité.

— Alors il faut être rebelle ? demanda la petite.

— Il y a bien évidemment des limites mais tu es d'accord sur le fait qu'on ne peut pas être traité en simple pion bon qu'à obéir et à être berné. Tu as le droit d'être naïve, elle témoigne ton innocence, même si cela peut être dangereux. Mais tu ne dois pas être dans l'extrémité comme Docilité. »