Alors c'est ça l'amour ? Attendre perpétuellement que le temps passe, en regardant tomber la pluie, sans savoir quoi penser ? Attendre que le temps nous tue ? C'est ça ? Il suffit d'un sourire pour abeausir une journée, mais lorsque l'être aimé n'est plus là, rien ne va. C'est ça l'amour ? Attendre que le jour se lève sans jamais vouloir en voir la moindre lueur ? Fumer, la nuit, nu à sa fenêtre, en contemplant les étoiles et le bout rouge de la cigarette brûlante ? C'est ça ? On passe son temps à rêver des frissons, des doigts dans les cheveux, des lèvres qui se cherchent, de la respiration au creux du cou, on passe son temps à perdre son temps, on passe son temps à rêver qu'il passe plus vite. Et plus on rêve, plus on oublie. Les traits du visage, le son de la voix, la chaleur des baisers, la couleur du ciel, le chant de la mer, la douleur des au-revoir. On ne peut que sentir le cœur qui bat, les larmes qui ne veulent pas couler, les doigts qui serrent l'oreiller pour tromper l'ennui, on sait qu'on est vivant, mais on a hâte de ne plus l'être, car être vivant comme ça, ce n'est pas vivre. La vie n'est pas une intense souffrance ni une constante douleur, mais on préférerait cent fois, mille fois cela à la lancinante et atroce petite pique du manque, qui gravite dans la poitrine et orbite autour de la tête. C'est ça l'amour ? L'univers entier s'arrête de tourner lorsqu'on ferme les yeux, mais lorsqu'on les rouvre, rien n'a changé, les murs sont toujours là et la mer toujours loin, le ciel est toujours gris et les yeux toujours ternes. Jamais de répit, jamais on ne veut relever la tête et affronter le monde. On veut juste attendre. Attendre de revoir les beaux yeux, le doux sourire, les mains chéries, de retrouver la voix, le parfum, les câlins, le ventre, le visage, le rire, les cheveux, les moindres détails et les grains de beauté. Attendre de déclarer dans un verbe enflammé ces heures passées à rêver de l'instant où l'on dirait ces mots, ces tendres mots qui font si chaud au cœur, ces mots bleus, rouges ou jaunes, ces mots qui résonnent dans les étoiles pendant des heures, ces mots qu'on ne dit jamais assez et jamais trop, ces mots qui transportent les cœurs dans un monde imaginaire, sous d'autres cieux, ces mots qui claquent l'air d'une onde de pureté, ces mots qui, chuchotés ou criés, font plus de bruits que tous autres réunis. Je t'aime. Y'a-t-il plus belle prière qui puisse sortir d'une bouche ? Peut-on exprimer mieux pareille chose ? On ne sait jamais ce que signifie l'amour, pour certains elle est source, pour d'autres, rêve, pour d'autres encore, leurre de l'esprit. Personne ne sait de quoi il s'agit. Et pourtant, ces mots, on sait toujours exactement leur véracité, leur exactitude, lorsqu'on les dit. Sans savoir ce qu'est l'amour, l'humain est tout de même capable de savoir absolument s'il aime ou non. Et rien, ni le temps, ni l'espace, ni la mort, ni le vent, ni la pluie, rien ni personne, ne peut se tenir en travers de deux personnes qui s'aiment. Là réside toute la beauté de la chose : il n'y a que deux personnes à la fois dans tout l'univers à savoir ce qu'est l'amour.
