Again and Again [Terminée]

IV : C'est le petit gargouilli d'une amitié flétri.

Peyton

On s'acceptait au lieu de se juger. On préférait regarder ce qui nous rapprochait plutôt que ce qui nous séparait.

Je regarde par la vitre une fois de plus et tente de résister à l'envie de gribouiller sur la buée avec mon doigt. La rue est désertique comme à son habitude et je m'étonne presque de ne pas voir traverser une botte de paille le long de la route. Je soupire. J'ai du mal à croire que je suis retombée dans ce trou perdu, encore plus que j'y suis encore. Moi qui avais pourtant réussi à m'échapper une première fois, moi qui avais un plan pour le faire une seconde fois. A croire que Narvass est le genre du pays imaginaire seulement tous les enfants rêve de s'en tirer. Ironie du sort. C'est avec un petit sourire amer au bout des lèvres que je finis la dernière gorgée de mon chocolat chaud et commence à manger un par un les petites guimauves qui gisent au fond de ma tasse. Je contemple l'heure sur ma montre qui me fait de l'œil depuis un moment. S'il ose me poser un lapin j'irais lui fourrer mon talon dans ses couilles. Je préfère que se soit claire. C'est incroyable ! C'est lui qui me propose un verre et moi qui me retrouve à l'attendre avec presque une demi-heure de retard. Narvass n'est pas si grand que ça et ce n'est pas les embouteillages qui risquent de le retenir sur la route alors j'ai hâte de voir qu'elle excuse il va me sortir quand il arrivera. Enfin s'il arrive. Excédée, je finis par sortir les petites guimauves de couleurs différentes de ma tasse et les dépose sur la serviette en papier à mes côtés créant des traces d'orange, de jaune, de bleu et de rose. De toute manière ainsi imbibée de chocolats elles sont immangeables alors...c'est alors qu'une voix grave, mais joueuse me fait relever la tête.

_Que vous ont-elles fait pour que vous vous vengiez dessus ?

Pete est là vêtu d'une chemise blanche ouverte sur les trois premiers boutons du col, d'une veste noire en cuir et d'un jean beaucoup trop serré pour lui. Au secours : alerte lourd !

_À vrai dire, ce n'est pas après elles que j'en avais...vous êtes en retard. Lui fais-je remarquer.

Pete regarde son énorme montre de luxe et de très mauvais choix -je dois l'avouer- puis hausse les épaules d'un air désinvolte.

_C'est vrai ? Je n'avais pas fait attention.

Il tire ensuite la chaise en bois en face de la mienne dans un bruit insupportable contre le parquet de même sorte puis se rapproche de la table toujours dans le même capharnaüm avant de finalement poser ses deux bras croisés sur la petite nappe jaune. Je couvre d'une main mon visage dérangé par son attitude et attends patiemment qu'il finisse de s'installer. Il me regarde ensuite avec l'air d'un petit chiot puis lève soudainement le bras pour appeler une serveuse. Il ne manquerait plus qu'il claque des doigts...ce qu'il fait presque aussitôt après que je l'ai pensé.

_Vous...n'avez pas remarqué l'heure ? Demandais-je toujours sans en revenir et en essayant de ne pas me formaliser de ses manières.

_Désolé, j'avais des choses à faire.

Je recule un peu brusquée par ses propos et bats toujours plus des cils. La classe façon Pete apparemment. Très différent de celui qui est sur scène tous les soirs à faire le show comme un dieu. Ici il a tout juste l'air d'un Kéké sorti de l'œuf mais incroyablement performant dans son rôle. Bien malgré moi, je hausse un sourcil et le dévisage pendant qu'il passe commande puis un petit chuchotement me fait doucement revenir à l'état conscient.

_Mademoiselle ? Je vous ai demandé si vous vouliez recommander quelque chose d'autre ?

_Euh, non...non. Merci mais ça ira.