XIII : Comme une éternelle âme vagabonde.

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Peter

L'angoisse me tenaille le ventre, me tient par une main invisible les tripes puis me les essort et les retourne dans tous les sens. Je passe une vitesse, la troisième et double une voiture devant moi. Le conducteur m'accorde un doigt d'honneur mais je ne m'en préoccupe pas. Je dois y arriver avant elle.

C'est l'appréhension qui me sert la gorge, comme une cravate trop serrée et également qui m'empêche de parler. Je déglutis seulement, apeuré. J'accélère encore, je ne peux pas la perdre.

C'est la peur, cruelle et viscérale qui me tient les couilles, me castrant comme le bout d'une chaussure appuyée sur mon entrejambe, un talon beige. D'un coup de volant, je tourne à droite sortant de l'autoroute pour continuer sur un chemin de terre.

Ce qui arrive à mon cœur, par contre, est indescriptible. Massacré, mais battant aussi fort et vite qu'un cheval dans une course folle. Briser mais pompant toujours plus fort tel un diseur de sang dans mon organisme. Cadenassé mais explosant d'un amour trop prenant. C'est bizarre, mais c'est ainsi que je me sens.

Parce qu'elle a décidé de m'abandonner. Parce qu'elle veut me quitter et que ça m'importe bien plus que ça ne le devrait, que je me suis attaché bien plus vite que prévu, trop puissamment que j'aurais souhaité et maintenant je suis condamné, pris en sable mouvant dans ce bourbier. La position est inconfortable, être celui qui court après, être celui qui peut perdre. Ce n'est pas agréable.

Mon pick-up arpente la route sinueuse et je suis balloté d'un côté à l'autre. Hors de question d'emmener ma belle voiture sur ce terrain glissant et boueux. Si je traverse la forêt alors j'ai peut-être une chance de la retrouver.

Cette journée aurait pu se passait bien différemment, mais Peyton aime se faire désirer, traquer, et quelque part, je crois : malmener. Mais parfois, je sais aussi que la seule chose qu'elle veut c'est être rassuré. Le pick-up n'avance plus, les roues sont embourbées. Je tente une marche arrière, impossible. Alors je sors et pousse le pick-up pour le faire avancer et repartir.

Je suis allé au club, histoire de boire un verre et de parler avec Roy ou Grégory, peut-être même avec Milka. Quelqu'un. Je me suis assis au bar, Roy m'a servi un verre et m'a demandé pourquoi je faisais cette tête. Il était neuf heures au matin. Il a regardé le col de ma chemise et m'a dit :

_Alors c'est Peyton, hein ? C'est elle que tu veux et c'est pour elle que tu es dans cet état-là ?

J'ai froncé les sourcils et d'un doigt, en même temps qu'il se servait un verre avec le mien, il m'a pointé.

_Le rouge à lèvres rouge sur le col d'une chemise blanche. Il n'y a qu'elle dans ce foutu endroit pour être capable de le faire.

J'ai regardé mon col, effectivement elle en avait embrassé le tissu et j'ai souri comme un con. J'avais presque envie de poser mes lèvres sur la marque de sa jolie bouche.

Puis Roy m'a demandé ce qu'il c'était passé. Et je me suis affalé, abattu par la constatation que Peyton ne m'appartiendrait jamais. Quelle n'appartiendrait jamais à personne d'ailleurs. Comme une éternelle âme vagabonde.

_Qu'est-ce qui se passe, petit ? Elle s'est barrée au milieu de la nuit et tu t'es réveillé tout seul dans ton lit ?

Le rire moqueur de Roy a retenti dans tout le club. Je crois qu'il aime le fait que Peyton fasse la vie dure aux gens, aux hommes particulièrement, mais en tout cas qu'elle morde autant qu'on la mord. Je crois qu'il la voit encore comme une petite fille, du moins c'est ce que j'ai cru comprendre quand j'ai rétorqué:

Again and Again [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant