Jour 10

755 92 5
                                    

  Les cauchemars ont continué pendant plusieurs jours, ceux-ci ont été nourris de nouvelles images que le retour sur le terrain m'apportait.

Contrairement à mon premier jour je n'ai pas failli à ma mission, je suis resté éveillé à ce qui se passait autour de moi, sans laisser mon esprit s'absenter le moindre moment.

J'ai tué des ennemis, des gens qu'on nous a dépeint comme les méchants. J'ai tiré à ne plus avoir de balles, j'ai tiré jusqu'à sentir mes doigts me faire tellement souffrir que je ressentais ça comme une certaine punition pour mes actes. Car je savais que je n'étais pas mieux que ceux d'en face, j'étais une arme du gouvernement pour se débarrasser des personnes qu'on considère comme nocives.

Mais finalement, tous les hommes ne sont-ils pas nocifs ?

Après avoir de nouveau tué, nous avons eu le droit à un repos, à une journée sans armes, loin de la mort.

Mark est resté avec moi, et nous avons joué aux cartes. Je détestais ça, les cartes, je trouvais ça ennuyeux, et pas de mon âge. Mais à présent c'est quelque chose qui me ramène plus près de ma vie loin de ce pays de sang, près de ma vie tranquille et saine. Jouer aux cartes me rappelle mes après-midi en compagnie de ma grand-mère, et si je ferme les yeux, je peux sentir l'odeur des biscuits sortant du four.

Les autres soldats ne font pas attention à nous. Et c'est bien. Jayden ne m'a pas parlé du soir où j'ai fondu en larme, trop perturbé de la journée que nous avions eue. Il n'en a parlé à personne non plus, et je l'en remercie.

Il me lance parfois des petites piques, et je commence à les apprécier. Chaque fois qu'il m'adresse une moquerie, je sens l'agacement s'introduire dans mon esprit, et je me sens si heureux de ressentir autre chose que la peur.

Puis quand nous nous retrouvons tous les deux le soir, dans notre tente, il ne parle pas. Il me regarde durant quelques instants, aucune émotion sur le visage, puis il s'allonge.

Quand il s'allonge, je m'allonge aussi. J'entends alors sa respiration et je calle la mienne sur la sienne. C'est apaisant, et je me sens mieux, m'éloignant un peu des cauchemars qui risquent bientôt de contaminer mon esprit.

Et même si la journée a été un peu reposante, je sais que c'est de courte durée, que bientôt les armes reprendront leur place dans nos mains, que les balles éclateront de nouveau, et que ma vie sera de nouveau en danger.

J'ai peur.

Mais je reste. J'envie l'assurance de mon colocataire, et j'envie même parfois son sourire qu'il adresse aux autres soldats. Pour ma part je n'ai pas réussi à sourire depuis mon arrivé ici, j'ai seulement feinté, pour montrer ma sympathie à Mark, pour feinté une émotion que je ne suis plus sûr de ressentir un jour.


AudreyPh18

Ce jour làWhere stories live. Discover now