Le Bal - Troisième partie

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Lamusique s'élevait, légère, harmonieuse. Elle se mêlait auxcouleurs chatoyantes des habits des mages, au parfum entêtant desfleurs disposées à chaque coin de la pièce et aux voix quirésonnaient sous le haut plafond de la salle. Des domestiques, sousl'œil vigilant de Madame Maysie, servaient sur des plateauxd'argent des verres de vin doux et de mélanges fruités, ainsi quedes petits fours aussi délicats que délicieux.

Lasalle de réception des Outremont n'était ouverte que pour lesgrandes occasions ; ses murs disparaissaient sous des fresquesreprésentant des allées bucoliques en trompe-l'œil ; loinau-dessus des invités, le plafond azur s'ornait de nuages etd'oiseaux en plein vol. De vastes miroirs élargissaient l'espace ;leurs reflets se répondaient à l'infini de part et d'autre de lapièce.

Estrellase sentait étourdie, comme si elle évoluait dans un étrange rêveéveillé. Elle avait passé à son poignet le petit bouquet qu'Yllias lui avait offert. Le garçon aux prunelles vertes ne laquittait pas une seconde, devançant son moindre désir. La jeunefille ne savait pas vraiment comment réagir à ses attentions ;chaque fois que leur regard se croisait, elle ne pouvait s'empêcherde rougir. Elle était consciente des yeux tournés vers eux, dessourires en coin, des murmures excités sur leur passage.

Elleavait finalement aperçu Lexa et Kristi, qui l'avaient saluéetimidement. Les anciennes amies avaient échangé quelques banalités,avant que d'autres invités n'accaparent l'héroïne de la fête.Estrella était incapable de se souvenir de toutes les personnesqu'on lui avait présentées : les noms et les visages avaientfini par se mélanger désespérément. Mais cela lui importait peu :celles à qui elle tenait étaient toutes avec elle, n'était-ce pasce qui comptait ?

Lajeune fille en oubliait presque la présence inquiétante des Trenteet de Lizbet, que Rufus et Azura surveillaient avec une vigilancepermanente. La gardienne Bleue avait dissimulé sa chevelurerévélatrice sous une écharpe argentée de même couleur que sarobe. Elle devait repousser les nombreuses attentions suscitées parsa délicate beauté, contrairement à son compagnon dont l'airrébarbatif décourageait toute tentative de conversation.

Aubout d'un moment, Yllias se pencha vers Estrella et lui murmura àl'oreille :

« Çate dirait d'aller au jardin ? Nous y serons plus au calme.

— C'estune excellente idée ! » répondit-elle avec un sourirereconnaissant.

Aprèsavoir récupéré son étole dans l'entrée, elle le laissa la guidervers l'arrière de la demeure, où s'ouvrait le parc avec sesbuissons sagement taillés et sa pelouse douce et fraîche. Une brisedélicate agitait les ramures des arbres en un léger murmure. Ylliasla fit asseoir sur la margelle de la fontaine et s'installa à côtéd'elle. Le chant de l'eau vive se mêlait à celui des oiseauxnocturnes. Les lampions bleus et verts accrochés aux branchesbaignaient le jardin d'une clarté mystérieuse.

«Je peux aller te chercher quelque chose si tu veux, proposa son ami.Un verre ? De quoi manger ? »

Ellesecoua la tête, un peu gênée par sa prévenance. Ils restèrent unlong moment côte à côte, silencieux, écoutant les rumeurs de lafête qui leur parvenaient depuis la salle. Estrella sentait sonesprit s'éclaircir sous l'effet de l'air frais et du calme ambiant.Soudain, des voix étouffées s'élevèrent de l'autre côté duparc. Ils échangèrent un regard avant de se tourner vers un petitbanc où un couple était assis. Malgré l'éloignement et le manquede clarté, Estrella reconnut avec étonnement la mince jeune filleet le garçon qui lui tenait la main.

« Segara...et Richer de Trente ? » murmura-t-elle d'un ton incrédule.

Ylliaséclata de rire :

Light and Dark Erastria - I - Le lien [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant