XIII

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Ses mots résonnent encore dans ma tête alors que son visage à disparu, elle a déjà passé la porte sans se retourner.
Je ne comprends pas ce qu'elle essaie de me dire. Que suis-je censé comprendre ?
Je secoue la tête pour reprendre mes esprits, et j'aperçois, à la place où elle se trouvait, un journal.
Le même genre de journal que ceux que j'ai trouvé un peu partout dans la maison le jour de l'emménagement.
Celui-ci est daté du 1er juin 2016, seulement quelques temps après la vente de la maison.
Comment a-t-elle bien pu se procurer un journal qui date de plusieurs mois ? A moins qu'elle l'ai gardé depuis tout ce temps ? Pour quelles raisons ?
Beaucoup de question se bousculent dans ma tête, et on ne m'accorde que trop peu de réponses.
Je prend le journal dans mes mains moites et je commence à lire l'article :
« La jeune Abigail Watson et sa mère Brigitte Watson ont été assassinées il y a plus d'un an et demi, mais le corps de la jeune fille n'a jamais été retrouvé. Néanmoins les recherches se poursuivent pour retrouver la jeune fille, et son tueur qui est présumé toujours en cavale ».
Abigail et Brigitte Watson. Abigail ? Je connais ce nom.
Je l'ai entendu dans mes rêves plusieurs fois. Abigail ? Aby.
Tout s'explique maintenant. Cette fille n'est pas une de mes voisines, c'est ça qu'elle essayait de me faire comprendre ! Cette maison lui appartient, si son corps n'a jamais été retrouvé c'est parce qu'elle n'est pas morte ! Elle est toujours ici, la voisine est sûrement la personne qui l'a recueillie suite à la tragédie de sa famille. Elle se cache très bien et ça lui a permit de survivre tout ce temps ! Elle connaît la maison comme sa poche, ce qui expliquerait sa facilité à disparaître comme elle le souhaite, elle connaît la bâtisse jusque dans ses moindres recoins ! Mais pourquoi ne prévient-elle personne de sa présence ? On pourrait l'aider !
Cette fille est décidément la personne la plus bizarre que j'ai jamais rencontré.
Je dévale les escaliers aussi vite que je peux pour tenter de la rattraper.
- ABY !
Je n'ai pas eu beaucoup à courir, elle attendait devant la porte de la cave, cette porte que je n'ai jamais réussi à ouvrir, cette porte qui semble condamnée. Elle attend.
- Aby, je sais qui tu es, pourquoi n'as tu rien dis avant ? J'aurai pu t'aider, te sauver de cette vie là !
- Tu ne peux rien pour moi, personne ne le peut.
Elle me tourne ainsi le dos, et ouvre la porte de la cave, sans aucun effort.
Elle descends les marches une par une sans aucune lumière, dans la pénombre la plus totale. Elle se retourne vers moi, mais son visage n'est déjà plus visible, elle tend un bras pour fermer la porte derrière elle. Je tente de la maintenir ouverte, mais je n'y parviens pas. Après une minute à attendre je clenche la poignée pour rouvrir la porte, mais rien n'y fait, impossible de l'ouvrir. Elle est redevenue bloquée, de la même manière qu'avant qu'Aby ne l'ouvre, comme si rien de tout ce que j'ai vu ne s'était passé.
Cette porte est forcément coincée pour une raison, ça doit être là dedans qu'Aby cache tous ses secrets depuis toutes ces années, c'est là que je trouverai les réponses dont j'ai besoin. Mais pourquoi s'inflige-t-elle tout ça ?
Qu'est ce qui peut bien la retenir ici ?
Il faut que je l'aide à retrouver une vie normale. Elle se fait passer pour morte bordel !
Le sol s'effondre sous mes pieds quand je prends conscience de la galère dans laquelle je me suis fourré. Mes jambes me sont dérobées, mon cerveau est troublé, et mes pensées toutes embrouillées.
Maman sort de la douche au moment même où je m'écroule, et elle n'a pas besoin de dire un mot pour que je fonde en larmes.
Elle me sert très fort, sans connaître la vraie raison de mes sanglots, peut-être s'imagine-t-elle que je pleure à cause du grand retour de mon père. Bien sûr, c'est ce qu'elle pense.
Si elle savait.
Le temps me paraît fuir, les murs me semblent se rapprocher, et mon monde se disloquer.
Tout ce que je croyais savoir sur ma vie est faux.
Je remonte les marches jusqu'à ma chambre, et je sens le regard tendre de ma mère peser sur moi, mais je continue mon ascension.
En me réinstallant sous mon drap je me promet de dormir le plus longtemps possible, au moins dans mes rêves personne ne peut me faire de mal.

Je n'aurai jamais autant fixé le plafond que cette nuit là. J'en aurai scruté chaque recoin pendant de nombreuses heures. J'ai analysé chaque craquelure, chaque tâche, fait des déductions sur la provenance de quelqu'unes, comme un pari avec moi même.
Un pari sans importance.
Le soleil va se lever, mes yeux sont déjà grands ouverts, n'ayant pas été fermés.
Je me rends compte à présent.
Les réponses à la plupart de mes questions on fait surface cette nuit. Quand on y réfléchit bien, la vraie identité de mon amie ayant été révélée, je peux enfin avoir accès aux réponses de « Qui est-t-elle ? » et « Que veut-elle? ». Quoi que, je ne suis pas encore certain de ce qu'elle veut, mais cela ne saurait tarder.
Quand des bruits se font entendre dans le couloir je décide de me lever, rien ne sert de rester au lit quand il nous est impossible de dormir.
A peine ai-je pointé le bout de mon nez que ma mère se sent déjà coupable.
- Oh, mon chéri, je suis désolé, je t'ai réveillé...
- Non maman, ne t'inquiète pas, je n'ai pas dormi, je pense que ça se voit.
En fixant mes yeux elle se met à sourire, elle a toujours trouvé ça drôle les cernes, comme si quand on ne dormait pas on puisait dans nos réserves et que nos « poches » finissait vide, ce qui provoque ces grands plis immondes sur le visage.
- Tu es très beau mon fils.
Elle rit encore en descendant les escaliers, même si au fond d'elle elle sait que l'insomnie n'a rien de risible. Mais je préfère nettement la voir rire que s'inquiéter pour moi, même si c'est sûrement ce qu'elle est déjà en train de faire.
Mon premier réflexe en arrivant en bas des escaliers est de me concentrer sur cette fameuse porte.
Je clenche la poignée une première fois, sans succès.
Je clenche la poignée une seconde fois, sans succès.
Je clenche la poignée une troisième fois, sans succès.
Je clenche la...
- Tom ? Mais qu'est ce que tu fais ? Tu sais très bien que cette porte ne s'ouvre pas.
- Si maman, cette porte s'ouvre, je l'ai vu, elle l'a ouverte.
- Qu'est ce que tu raconte ? De qui tu parles ? Est-ce que tu vas bien ?
- Rien ne va maman, tu es bien placée pour le savoir, mais il faut faire avec. Si elle a réussi à la coincer, je devrais pouvoir la décoincer.
Je clenche la poignée une vingtième fois, sans succès. Je commence à perdre patience, je secoue la porte dans tous les sens, je tire sur la poignée comme un fou furieux. Si cette porte ne veut pas s'ouvrir alors je vais l'arracher.
Ma mère m'agrippe fortement d'une main inquiète.
- Mon chéri, je ne sais pas ce qu'il te prend, mais on va trouver une solution à ton problème tu m'entends !
- Comment ? Tu ne sais même pas quel est le problème et tu penses déjà à le régler !
Je perds tous mes moyens, tous mes nerfs lâchent et ma colère prend possession de tout mon être.
Mais le regard de désespoir de ma mère me calme en un instant. Je décide de m'assoir à ses côtés dans l'escalier.
- Maman, il y a une fille qui est sortie de chez nous par la cave hier, elle s'appelle Aby, c'est la fille qui habitait dans la maison avant nous, elle n'est pas morte. Son corps n'a jamais été retrouvé car elle a toujours été là, elle survivait en silence depuis tout ce temps, elle cache ses secrets ici j'en suis sûr, c'est pout ça qu'on ne peut jamais l'ouvrir.
Sans répondre ma mère me fixe d'un air nerveux.
Le parquet grince quand elle se lève. Elle avance à pas silencieux dans le salon tel un zombi, elle semble en transe quand elle agrippe le téléphone à deux mains pour composer un numéro que je ne vois pas. Elle tremble en attendant que la personne au bout du fil réponde. Elle s'apprêtait à raccrocher quand à l'autre bout du fil une voix résonne :
- Police secours, quelle est la nature de votre appel ?

Questions sans réponsesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant